(RV) «Un domaine qui touche de près la vie et le bonheur des hommes», c’est ainsi que le 25 juillet 1968 Paul VI avait ouvert l’encyclique Humanae Vitae, au sujet du «très grave devoir de transmettre la vie humaine».
Un thème qui, de tout temps, observait le bienheureux Pape Paul VI, «a posé à la conscience des conjoints de sérieux problèmes», particulièrement dans ces années marquées par de «telles mutations» dans l’évolution de la société, «qui a fait surgir de nouvelles questions», «que l’Église ne peut pas ignorer» soulignait le Pape, trois ans après la clôture du Concile Vatican II. Mais l’accueil de l’encyclique fut traversé par de nombreuses polémiques, et Paul VI fut critiqué par certains pour les ouvertures, notamment concernant la notion de «paternité responsable», et par d’autres pour ne pas avoir fait plus de concessions au sujet de l’utilisation des méthodes contraceptives.
Don Gilfredo Marengo, professeur en anthropologie théologique à l’Institut Jean-Paul II, dirige un groupe de recherche sur cette encyclique, en vue de son 50e anniversaire en 2018. Interrogé par notre collègue italienne Roberta Gisotti, il explique les raisons pour lesquelles ce document a été prophétique.
«Avec cette encyclique, Paul VI, dans le sillage de Vatican II, avait déclaré sans incertitudes que l’exercice responsable de la paternité est une valeur objective pour les familles chrétiennes ; et dans le même temps, il a indiqué les façons adéquates pour vivre cette valeur, en tenant compte de toutes les dimensions de l’expérience de l’amour humain. Il est important de se souvenir que dans ces années, beaucoup de gens considéraient encore l’exercice de la régulation des naissances comme une "concession bienveillante" aux couples, plutôt que comme une valeur positive à poursuivre. À l’époque était encore très présente dans l’Église une insistance sur la procréation, comprise comme une fin primaire du mariage, qui a pendant longtemps rendu difficile une compréhension théologiquement équilibrée du mariage lui-même. Ce n’est pas par hasard que Humanae Vitae est construite sur l’unité indissoluble : la signification d’union et de procréation de l’acte conjugal.
Le chemin qui a mené à la rédaction de Humanae Vitae, nous savons qu’il fut long et compliqué. Mais l’encyclique mérite-t-elle encore aujourd’hui d’être étudiée et mieux comprise ?
Le temps a fait justice de tant de polémiques inutiles et de tant de préjugés avec lesquels on regardait Paul VI, qui le faisaient beaucoup souffrir. Il est significatif que durant dix ans, jusqu’à sa mort, Paul VI n’a pas publié d’autre encyclique. Dans cette époque a été décisive la contribution de saint Jean-Paul II, qui non seulement a défendu le cœur de l’enseignement de Humanae Vitae, même avant de devenir Pape, mais ensuite a pris en charge le développement d’une ample réflexion – je pense en particulier aux catéchèses sur l’amour humain -, qui ont montré tout le bon sens de ce que Humanae Vitae enseigne, aussi en l’intégrant et en donnant un meilleur relief à certains thèmes qui dans cette encylique sont à peine abordés et un peu sacrifiés.
Et l’encyclique mérite encore d’être étudiée et approfondie au moins dans deux directions : d’un côté, il est nécessaire de la situer dans le contexte de toutes les choses très importantes et fécondes que l’Église, durant ces 50 dernières années, a dit sur le mariage et sur la famille ; je crois que jamais l’Église ne s’était engagée sur ces thèmes comme elle l’a fait ces 50 dernières années. Ensuite, du point de vue de la recherche historique et théologique, il sera très utile de pouvoir reconstruire, en examinant la documentation conservée auprès de certaines archives du Saint-Siège, le parcours de composition de l’encyclique, qui s’est développé en plusieurs phases distinctes de juin 1966 jusqu’à sa publication le 25 juillet 1968.
Justement en vue de ce prochain 50e anniversaire, j’ai eu la permission de commencer ces recherches d’archives, assisté par des experts de référence, les professeurs Sequeri, Maffeis et Chenaux. L’impression initiale est qu’il sera possible de mettre de côté de nombreuses lectures partiales du texte. Et surtout il sera plus facile de recueillir les intentions et les préoccupations qui ont mobilisé Paul VI, et l’ont amené, avec de nombreuses difficultés, à arriver à résoudre positivement la question. Il faut remarquer qu’il ne fut pas toujours soutenu comme il aurait dû l’être durant ces années, avec toute l’affaire compliquée de la Commission pontificale, qui avait travaillé de 1963 à 1966, et qui à la fin n’avait pas réussi à lui donner ce qui lui était utile pour pouvoir élaborer l’encyclique. C’est ainsi que Paul VI a dû recommencer tout seul, avec la circonstance aggravante que dans ces années il y avait non seulement une opinion publique ecclésiale polarisée entre personnes favorables et opposées à la pilule, mais que la même opposition existait au sein de la communauté des théologiens d’alors.
Concernant le pontificat actuel de François, quel fil rouge relie Humanae Vitae à l’exhortation apostolique Amoris Laetitia ?
Le fil rouge est que, à partir de Gaudium et Spes (constitution du Concile Vatican II, ndlr), on voit l’Église mettre au premier plan le soin du mariage et de la famille, en reconnaissant dans ces réalités le lieu, je dirait, le principe, d’où la communauté chrétienne est appelée à rencontrer les hommes de son temps, à prendre soin de toute leur humanité, et à leur offrir la nouveauté de l’annonce chrétienne. Dans ce sens, il existe une singulière continuité qui va de Paul VI à François, en passant par saint Jean-Paul II et Benoît XVI.
(CV)
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