2017-02-04 08:28:00

Une "Économie de communion" au service d'une culture du don


(RV) Entretiens - Ce samedi 4 février 2017, le Pape rencontre, à la mi-journée, en salle Paul VI quelque 1 100 entrepreneurs, chercheurs, étudiants qui œuvrent, selon l’intuition de la fondatrice des Focolari, pour une "Économie de Communion". Leur mission est simple : ils souhaitent donner du sens à la richesse produite par leurs entreprises, proposer ainsi une culture du don et de la fraternité en alternative à la culture de l’avoir, montrer enfin que ce nouveau modèle économique n’est pas utopique mais réel et durable.

Un sujet préparé par Marie Duhamel :

«Comment j’ai découvert l’Économie de communion ? C’était à l’occasion d’une conférence au Cameroun en 2012. J’étais étudiant en économie. A ce moment, je ne comprenais pas très bien l’impact de l’Économie de communion dans le contexte africain où les rêves sont grands, et le capitalisme davantage amplifié. Mais, l’explication va d’elle-même. Le capitalisme, c’est la liberté, l’économie sociale et solidaire, c’est l’égalité, et l’économie de communion, c’est l’homme au centre, la fraternité.»

Steve William Azeumo n’est plus étudiant. Consultant auprès de petites et moyennes entreprises au Cameroun, il dirige à présent l’association "Actions pour une Économie de Communion en Afrique Centrale". Ces 25 dernières années, des associations ont en effet émergé un peu partout dans le monde, répondant à l’appel lancé par la fondatrice du mouvement des Focolari en 1991. Chiara Lubich (1920-2008) découvrait alors la périphérie de la ville brésilienne de Sao Paolo, une «couronne d’épines» autour d’une «jungle de gratte-ciel». Saisie par un si grand contraste, elle s’interroge sur le sens d’une richesse qui n’est pas partagée. C’est la naissance de l’économie de communion. Luigino Bruni, professeur à la Lumsa, en est le coordinateur international à Rome :

«Quand l’économie devient l’enrichissement d’un seul homme contre les autres, c’est la négation de l’économie même. Nous tâchons de montrer quelle est, selon nous, la vocation de l’économie, et pour tous et  pas seulement pour les ONG ou l’économie solidaire. Si l’économie est coopération au profit de tous, si c’est se développer ensemble, alors ça ne peut pas être autre chose qu’un partage des richesses. C’est un projet très ambitieux, même si nous sommes très petits».

Les associations inspirées de l’économie de communion ont différentes vocations : elles font connaitre ce nouveau paradigme économique, passer de la culture de l’avoir à la culture de la fraternité et du don, auprès de chercheurs, d’étudiants, de jeunes ou moins jeunes entrepreneurs qu’elles proposent d’accompagner dans leurs projets. Aujourd’hui, 860 entreprises, au sein ou en dehors de ces associations, partagent la même vision. John Mundell dirige une société de conseil dans le domaine de l’environnement aux Etats-Unis :

«L’économie de communion a une vision au long terme, on ne regarde pas la bourse et ce que les investisseurs diront la semaine prochaine ou plus tard, on essaie de construire des relations, et ces relations nous permettent de traverser les crises. En 2008, on nous a soutenu parce qu’on avait créé ces réseaux. On a continué à avoir du travail. Si tu as une mentalité égoïste, capitaliste à l’extrême, tu avoir de très bons résultats un jour mais si l’économie plonge, il n’y aura aucun ami autour de toi pour t’aider parce que tu n’auras pas pris le temps de construire de vraies relations. Donc je pense que la fraternité et la réciprocité sont des armes secrètes pour un business bon et bien mené.»

Si ce réseau d’amitié s’élargit et créée des opportunités de travail entre ses membres, l’objectif premier des entrepreneurs qui adhèrent à  l’Économie de Communion est d’aider les pauvres. Teresa Gazon dirige une banque dans une zone rurale en périphérie de Manille aux Philippines :

«Donc on a un programme de micro-crédits pour ceux qui n’ont pas de garanties mais qui ont même la plus petite idée d’entreprenariat, comme ceux qui vendent du barbecue dans la rue. Très peu de ce type d’entreprises ne se développe vraiment. Pour eux, l’apport de la banque sert à affronter le quotidien et assurer une sécurité à leur famille. Il y a quelques années, on a fait pour la première fois une étude sociale pour mesurer l’impact de notre travail. On a vu que plus de 75% pouvaient désormais envoyer leur enfant à l’école pendant plus d’années qu’auparavant, et que 80% pouvaient offrir un emploi à un autre membre de leur famille. Donc on a pu mesurer de petits progrès et du coup, nous sommes contents».

Alors que l’économie de marché est en crise, l’Économie de communion propose un nouveau mythe fondateur basé sur la centralité de l’homme. «Ce n’est pas un produit, ni une idéologie, nous dit-on, mais un processus» auquel des entrepreneurs s’associent aujourd’hui dans 51 pays du monde.

Les origines de l’Économie de communion :

L’Économie de communion est née il y a près de 26 ans d’une inspiration de la fondatrice du mouvement des Focolari. En 1991,Chiara Lubich (1920-2008) atterrit au Brésil, à Sao Paolo. Elle découvre la périphérie de la ville, une «couronne d’épines» (expression reprise au cardinal Arns, de Sao Paulo) autour d’une «jungle de gratte-ciel». Saisie par un si grand contraste, elle s’interroge sur le sens d’une richesse qui n’est pas partagée, et interpelle le 29 mai 1991, 650 chefs d’entreprises et travailleurs réunis à 47 km de Sao Paulo dans la cité pilote de Mariapoli Ginetta : «Ici devraient surgir des industries, des usines dont les bénéfices seraient librement mis en commun pour la communauté chrétienne : en premier pour aider ceux qui sont dans le besoin, leur offrir du travail, et faire en sorte qu’il n’y ait plus d’indigents. Ensuite les bénéfices serviront à développer l’entreprise et les structures de la cité-pilote, afin qu’elle puisse former des hommes nouveaux : sans hommes nouveaux on ne fait pas une société nouvelle ! Il faut associer beaucoup de personnes qui deviendraient des actionnaires, même avec une participation minime. Les jeunes aussi avec leurs petites initiatives pourraient récolter de petites sommes pour faire partie de la société qui fera naître cette ville industrielle. Une ville comme celle-là, ici au Brésil, où s’est creusé un fossé qui est une plaie, entre riches et pauvres, pourrait devenir un phare et une espérance».

Aujourd’hui, la cité-pilote est devenue le berceau de l’économie de communion. Elle compte 200 habitants de tout le Brésil mais également d’autres parties du monde. On y trouve aussi un pôle industriel, rassemblant 6 entreprises et plusieurs œuvres sociales comme le Bairro do Carmo et Jardim Margarida.

(MA-MD)








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