2016-10-21 16:57:00

Jean-Paul II, le témoignage de ses amis et collaborateurs


(RV) Le 22 octobre 1978, le cardinal Wojtyla - devenu Jean-Paul II - est intronisé comme successeur de Pierre et devient ainsi le 264e évêque de Rome. Élu pape le 16 octobre, il est le premier souverain pontife polonais de l’Histoire et succède à Jean-Paul Ier dont le pontificat n’aura duré qu’un mois. 

Les vingt-six ans de pontificat du pape polonais ont été marqués par un fort engagement personnel, mis au service du monde et du message du Christ. « Totus Tuus » est la devise épiscopale et papale qu’il choisit pour exprimer sa confiance absolue en la Vierge Marie, mère de tous les hommes.

Les contemporains de Jean-Paul II soulignent une vie de service guidée par l’Esprit-Saint, exhortant à la sainteté, par l’exemplarité. Figure de bonté et d’empathie, Jean-Paul II est un « géant de la foi » exigeant, laissant derrière lui un héritage spirituel considérable, un héritage que Benoît XVI a « cherché à assumer et à poursuivre, sans essayer de l’imiter ».

Dans son ouvrage Auprès de Jean-Paul II, paru aux Éditions du Parvis, Wlodzimierz Redzioch a rassemblé les témoignages d’amis et collaborateurs de Jean-Paul II, nous donnant ainsi à voir la figure de cet homme, prêtre, pape et maintenant saint.

Un pape au charisme révolutionnaire

« N’ayez pas peur ! », dès le début de son pontificat, le Pape Jean-Paul II invite à ouvrir les frontières économiques et politiques. « Permettez au Christ de parler à l’homme ». Le ton est donné, le Pape est un homme de réflexion, clairvoyant et qui entend bien ne pas rester insensible aux défis du monde.

Fin diplomate pendant la Guerre froide, il contribua notamment à la chute de l’Union soviétique. Lors de sa béatification en 2011, Benoît XVI déclare que Jean-Paul II a su « inverser avec une force de géant – force qui lui venait de Dieu – une tendance qui pouvait sembler irréversible. »

Le cardinal Camillo Ruini, qui fut notamment président de la Conférence épiscopale italienne, rappelle la position de Jean-Paul II concernant le Vieux Continent : « Il s’est battu pour l’Europe, mais pour lui l’Europe ne pouvait pas laisser de côté les nations. Chaque nation a son rôle, ses caractéristiques, sa physionomie ».

Son message rejoignait ses contemporains qu’ils soient croyants ou non. La pertinence de ses propos tombait juste. Jean-Paul II a su reconquérir les intellectuels et la jeunesse, en montrant combien l’Église ne s’oppose pas à la modernité, ni à la sécularisation, mais au contraire combien l’Église peut aider la société à évoluer. Polyglotte, il fascinait les médias par ses prises de position audacieuses.

« Tout semblait possible avec ce pape : quelque chose de radicalement nouveau s’était produit au sommet de l’Église et l’avenir semblait s’ouvrir dans toutes les directions ». C’est cette dimension d’ouverture à 360° que souligne Joaquin Navarro-Valls, directeur du Bureau de presse du Saint-Siège et porte-parole personnel du Pape Jean-Paul II.

Jean-Paul II était un homme d’écoute. Il a su demander pardon pour les fautes commises par l’Église et a beaucoup travaillé au dialogue interreligieux. Gianfranco Svidercoschi, journaliste, évoque la démarche de recueillement du Souverain Pontife au Mur des Lamentations, mais également sa visite à Damas où il fut le premier pape à entrer dans une mosquée.

« Prisonnier de son corps, le Pape continuait sa mission sans cacher ses maux, non par exhibitionnisme, mais pour revendiquer la valeur et le rôle de chacun dans la société, même s’il était malade et handicapé ». Selon son médecin personnel Renato Buzzonetti, il a incarné « l’Évangile de la Souffrance », jusqu’à se faire malade parmi les malades, notamment à Lourdes, en août 2004.

Il se laissait voir, se laissait découvrir. Il ne vivait pas en pontife reclus, une manière de se rendre plus proche du peuple de Dieu dont il partageait la condition.

Un pape proche du peuple de Dieu

En tant que Pape, Jean-Paul II est resté proche du peuple de Dieu. Il a donné une place fondamentale aux laïcs, en accordant également une attention particulière au mariage et à la famille. C’est ainsi qu’est né l’Institut pontifical pour les Études sur le mariage et la famille.

Mgr Kabongo nous dit combien Jean-Paul II aimait rencontrer les fidèles, après les messes privées, les audiences, mais également lors de déjeuners. Jean-Paul II, Pape, a eu à cœur de poursuivre sa vocation de berger et de pasteur, d’où l’importance des paroisses et de l’accompagnement de la jeunesse dans son pontificat. C’est ainsi que sont mises sur pied les JMJ dont la première édition a lieu en 1984.

Écoute et fermeté, Jean-Paul II était proche des jeunes, mais par amour savait se montrer exigeant avec eux. Simplicité et bonté, il savait être attentif à tous, quels que soient les âges, son esprit missionnaire invitait toujours à l’évangélisation.

Un pasteur fidèle et vrai

« J’avais compris que, même devenu pontife, il resterait comme il était à Cracovie ». C’est ainsi que le cardinal Dziwisz, qui fut secrétaire du Pape pendant toute la durée de son pontificat le présente.

Cohérence de son parcours, constance, fidélité en amitié, Jean-Paul II savait remercier. Ainsi à son photographe qu’il considérait comme un fils, il dit : « Arturo, merci de tout mon cœur »… Une attention toute particulière pour réconforter et aider cet ami à surmonter sa mort qui arriverait bientôt.

Malgré la charge de travail, « il trouvait du temps pour cultiver l’amitié » et se ressourcer lors de promenades en montagne. Grand sportif, il aimait partager son goût pour la nature avec d’autres. Egildo Biocca, gendarme du Vatican, a eu la charge d’organiser ce qu’il appelle les «escapades pontificales». Il relève combien le Saint-Père était toujours de bonne humeur !

Guide pour son âme, c’est ce que fut Jean-Paul II pour Wanda Poltawska, une résistante polonaise, devenue une amie de toujours. Après l’enfer du camp de Ravensbrück, le traumatisme hantait toujours la jeune femme qui rencontra le futur Jean-Paul II dans un confessionnal de Cracovie. « J’ai tout de suite compris qu’il était un saint prêtre, d’une rare capacité d’écoute ». Par la suite, Wanda, jeune psychiatre, s’est fortement impliquée dans un travail commun pour la défense de la vie, apportant son soutien à la pastorale des médecins que l’évêque de Cracovie commençait à organiser.

« Jean-Paul II s’efforçait alors de sanctifier la famille humaine, d’enseigner aux gens “le bel amour”, il l’appelait ainsi, qui nait dans le mariage et se développe dans la vie quotidienne à la maison. »

Suivant avec certitude le fait que la vérité rend libre, Jean-Paul II a le courage de ses opinions. D’ailleurs, Mgr Mokrzycki disait : « cette intention de vivre selon la vérité lui fournissait la façon dont il devait regarder et affronter toutes les circonstances. » Une qualité d’ailleurs relevée par Benoît XVI lors de sa béatification : « Le courage pour dire la vérité est à mes yeux un critère de sainteté de premier ordre. »

Un collaborateur attentif

Jean-Paul II connaissait les dossiers, les sujets pouvaient ainsi être traités avec intelligence. Pawel Ptasznik fut la « main » de Jean-Paul II dans sa vieillesse et prenait donc sous la dictée les discours et écrits du pontife. Revenant sur son expérience, il indique combien Jean-Paul II avait une très grande mémoire, lui permettant ainsi d’énoncer sa pensée clairement, en une seule fois.

Attentif à ses interlocuteurs, Jean-Paul II prenait en compte leurs avis. Bien qu’ayant une vaste culture personnelle, il n’hésitait pas à demander conseil à ses collaborateurs, comme pour les catéchèses.

De plus, pour s’assurer de la pertinence de ses propos, le Pape veillait à consulter le clergé local pour saisir au mieux les réalités du terrain et les préoccupations réelles des gens. « La pastorale n’est pas une théorie, elle est convivialité. On apprend à vivre en vivant, et à faire en faisant. » La pastorale est donc une affaire de terrain, c’est ce que nous confirme le professeur Grygiel, docteur en philosophie chrétienne et ami personnel de Jean-Paul II. Ouvert d’esprit, le Saint-Père avait le charisme de l’accueil de l’Autre et savait le mettre à l’aise.

Benoît XVI le dit lui-même : « le pape riait volontiers, et ces déjeuners de travail avec tout le sérieux qui s’imposait, étaient en fait aussi l’occasion de se retrouver en joyeuse compagnie »… Avant de poursuivre : « c’est seulement à partir de son rapport avec Dieu qu’il est possible de comprendre son indéfectible engagement pastoral. »

Prière et Eucharistie, moteur et centre de sa vie

Ses journées de travail étaient rythmées par la prière, car le centre de sa vie était l’Eucharistie qu’il vivait comme un « acte ecclésial et communautaire ».

En effet, c’est dans la prière qu’il trouvait « l’énergie pour agir » nous rappelle Mgr Kabongo, prière qu’il vivait intensément, comme une union à Dieu. Jean-Paul II a vécu son sacerdoce comme un don entier et sans retour de sa personne, pour l’Église et pour les hommes, prenant pour exemple la Mère de Dieu à qui il vouait une grande dévotion.

Apôtre de la Miséricorde et adorateur du Saint-Sacrement, « son dialogue avec Dieu était continuel. Il avait constamment besoin de prier » dit son porte-parole Joaquin Navarro-Valls. Après la tentative d’attentat raté du 13 mai 1981, Jean-Paul II dira : « une main a tiré et l’autre a dévié la balle ». Mais cet « athlète de Dieu » au service de ses frères n’en est pas moins incarné ; le Pape va progressivement connaître une vie de souffrance et de douleur. Cependant, malgré les épreuves, il a conservé « une foi d’acier ». Une foi qui lui fit réécrire sa devise, en mars 2005, « Totus Tuus », comme pour confirmer et réaffirmer sa confiance totale en la Providence et de la Mère de Dieu.

« C’est de sa foi que sont nées ses autres vertus », rapporte le cardinal Angelo Amato, préfet de la Congrégation pour la cause des saints.

Appel à la sainteté

« L’Église existe pour engendrer et susciter des saints ». C’est la certitude de Jean-Paul II qu’il a su mettre en œuvre en portant sur les autels 482 saints, tout autant de modèles inspirants pour les fidèles d’aujourd’hui.

« Karol Wojtyla : le futur saint », telle est l’inscription laissée anonyme qu’un séminariste contemporain de Jean-Paul II avait écrite sur sa porte de chambre au séminaire métropolitain de Cracovie où « tout le monde rivalisait pour faire avec lui les promenades hebdomadaires, car nous en revenions enrichis ». Anecdote rapportée par son ami le cardinal Deskur, mais qui révèle l’opinion que beaucoup avaient déjà du futur pape.

Tout comme l’ensemble des collaborateurs du Saint-Père, Mgr Mokrzycki confie son ressenti : « Pour moi, avoir été avec Jean-Paul II, a été fréquenter une école de vie religieuse, de sainteté, d’intériorité. » Une impression que confirme également Benoît XVI : « Durant mes années de collaboration avec lui, il était devenu toujours plus clair pour moi que Jean-Paul II était un saint. »

Sœur Marie Simon-Pierre Normand, petite sœur des maternités catholiques, atteinte de la maladie de Parkinson et guérie par l’intercession de Jean-Paul II a vu en ce pape un saint, un modèle à imiter pour vivre cette épreuve dans la foi. En évoquant le miracle qui s’est opéré en elle, elle dit avoir « fait l’expérience d’une nouvelle naissance, d’une nouvelle vie ».

« Pape, père et ami, tout à la fois »

De manière unanime, tous relèvent le fait que Jean-Paul II leur a beaucoup appris. Mgr Javier Echevarria, à la tête de l’Opus Dei, souligne l’héritage immense laissé par Jean-Paul II, à la fois « un splendide trésor de doctrine et un exemple de charité pastorale ». Comme le rappelle le professeur Grygiel, « il faisait toute chose de façon à ce que sa vie devienne parole ».

« La plupart des gens avaient confiance en lui ; sa foi dense et profonde et son optimisme plaisaient beaucoup » affirme le cardinal Ruini.

Jean-Paul II avait aussi le don de se rendre disponible. Navarro-Valls dit de lui : « Il ne savait pas perdre une minute de son temps ; mais il n’était jamais pressé, » ou encore, pour expliquer son engagement : « Son incroyable audace n’était pas sienne, mais la conséquence de sa confiance en Dieu ».

Un homme de paix reconnu de tous, un exemple de « pasteur universel » à imiter, Jean-Paul II - de par son attitude - a renforcé la foi de nombreux prélats et suscité de nombreuses vocations.

(Hélène de Vulpian)








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