Décès de Shimon Peres, doyen de la vie politique israélienne

(RV) L'ancien président israélien Shimon Peres est décédé ce 28 septembre 2016, des suites d'un accident vasculaire cérébal. Âgé de 93 ans, l'ancien leader du Parti travailliste était le dernier représentant de la génération des "pères fondateurs" de l'État hébreu. 

Dans un télégramme adressé à l'actuel président israélien Reuven Rivlin, le Pape François se dit «profondément attristé d'apprendre la mort de Shimon Peres», et transmet ses sincères condoléances au peuple d'Israël. Le Pape rappelle les moments passés avec Shimon Peres au Vatican, et renouvelle sa «grande reconnaissance pour les derniers efforts infatigables en faveur de la paix». «Au moment où l'État d'Israël pleure Shimon Peres, j'espère que sa mémoire et ses nombreuses années de service vont tous nous inspirer pour travailler avec une urgence toujours plus grande pour la paix et la réconciliation entre les peuples, écrit le Pape François. De cette façon, son héritage sera réellement honoré, et le bien commun pour lequel il a travaillé assidûment va trouver de nouvelles expressions, comme l'humanité s'efforce d'avancer vers le chemin de la paix durable. Avec l'assurance de mes prières pour tous ceux qui sont en deuil, spécialement pour la famille Peres, j'invoque les bénédictions divines de consolation sur la nation», conclut le Saint-Père, qui avait rencontré Shimon Peres à plusieurs reprises.

Du monde entier, les hommages affluent pour saluer la mémoire de celui qui marqua pendant plus de 50 ans la vie politique israélienne. Né en 1923, dans l’actuelle Biélorussie, Shimon Peres n’a que 11 ans lorsqu’il émigre avec sa famille en Palestine mandataire. Le jeune homme s’engage par la suite dans des mouvements sionistes militants, notamment au sein de la Haganah, milice clandestine juive, dont les principaux éléments et cadres formeront plus tard l’armée de Défense d’Israël (Tsahal). Il refusera toutefois de se battre.

Homme de l’ombre, Peres œuvrera surtout en faveur de la politique sécuritaire d’Israël, négociant l’achat d’armement pour le jeune État, développant sa puissance militaire, son industrie aéronautique, et surtout son industrie nucléaire, en lien avec les gourvernements français de la IVe et de la Ve République.

Il décide ensuite de jouer un rôle plus politique au sein du Parti travailliste, devenant membre de la Knesset. Cette longue ascension lui permit d’obtenir plusieurs portefeuilles au sein de gouvernements, dès 1959 en tant que vice-ministre de la Défense, puis de devenir à trois reprises et sans jamais avoir remporté d’élections, Premier ministre de l’Etat hébreu.

De «faucon», car il ferma les yeux sur les premières colonies en Cisjordanie dans les années 1970, il devint «colombe», en étant l’un des principaux artisans des accords d’Oslo, aux côtés de Yitzhak Rabin, avec qui il reçut d’ailleurs le prix Nobel de la Paix en 1994  : un prix partagé avec le leader historique de l’OLP, Yasser Arafat. De 1995 à 1996, il fut Premier ministre de l'État hébreu suite à l'assassinat d'Yithzak Rabin, avant de subir une lourde défaite aux élections de 1996, face au Likoud de Benyamin Netanyahou. Il subit une autre désillusion en l'an 2000, échouant là encore face à un membre du Likoud, Moshe Katsav, pour l'élection au poste de chef de l'État.

Alors qu'à 77 ans, beaucoup le considéraient comme étant arrivé au terme de sa carrière politique, Shimon Peres allait finalement continuer à jouer un rôle central dans la vie politique israélienne.Il revient aux affaires au début des années 2000, comme vice-Premier ministre et ministre des affaires étrangères dans le gouvernement de coalition mené par Ariel Sharon, dans le contexte douloureux de la deuxième Intifada. À nouveau pressenti pour devenir Premier ministre lors du coma d'Ariel Sharon, en 2006, il choisit finalement de s'effacer derrière le ministre des Finances, Ehud Olmert, avec qui il mène la campagne des élections de 2006, non plus dans le cadre du Parti travailliste, mais au sein d'un nouveau parti de centre-droit fondé par Ariel Sharon, Kadima.

Sa popularité en Israël ne fut toutefois effective que lorsqu’il devint Président d’Israël en 2007, pour un septennat durant lequel il a joué un rôle important de représentation internationale, continuant à effectuer de nombreux déplacements à l'étranger malgré son âge très avancé. C’est d’ailleurs en cette qualité qu’il accueillit les Papes Benoît XVI (2009) et François (2014), lors de leurs voyages apostoliques respectifs en Terre Sainte.

Retour sur cette figure emblématique avec Charles Enderlin, journaliste, ancien correspondant de France 2 à Jérusalem. Il répond à Manuella Affejee.

En juin 2014, alors qu’il arrivait au terme de son mandat présidentiel, Shimon Peres avait participé à la prière pour la paix organisée par le Pape François dans les jardins du Vatican, deux semaines après la visite du Pape François en Terre sainte. Revenu en visite privée au Vatican quatre mois plus tard, l'ancien chef de l'État hébreu avait suggéré au Souverain Pontife de diriger une «ONU des religions» pour contribuer à l’arrêt des guerres déclenchées par des fanatiques religieux et combattre les mouvements terroristes qui prétendent tuer au nom de Dieu. Il avait aussi été reçu par le Pape François le 20 juin dernier, avec une partie de sa famille.

Dans le cadre de ses différentes fonctions politiques, Shimon Peres avait également rencontré à plusieurs reprises les Papes Jean-Paul II et Benoît XVI. 

Greg Burke, directeur de la Salle de presse du Saint-Siège, a toutefois démenti, ce mercredi matin, la participation du Pape François aux obsèques de Shimon Peres, prévues ce vendredi à Jérusalem. Un porte-parole du ministère israélien avait créé une certaine curiosité médiatique en annonçant dans la matinée que le Pape serait présent aux obsèques, ce qui aurait été une première historique, mais le Pape François sera pris par son déplacement en Géorgie. On ne sait pas encore qui représentera le Saint-Siège lors des obsèques de Shimon Peres.

(CV-MA)