(RV) La crise des vocations, les affaires de pédophilies, les lefebvristes : ce sont quelques-uns des thèmes abordés par le Pape François dans une longue interview qu’il a accordée au quotidien catholique français La Croix à paraitre dans son édition papier de mardi 17 mai 2016. Si la France est bien la fille aînée de l’Église, « elle est une périphérie à évangéliser », explique le Pape, qui confirme qu’il a reçu une invitation officielle de la part du président François Hollande et de l’épiscopat. Sans rien préciser quant à une éventuelle date, sans doute pas en 2017, année électorale, François a évoqué un passage par Marseille, ville qui n’a jamais été visitée par un pape.
Concernant l’évangélisation, le Pape souligne « qu’il n’y a pas nécessairement besoin de prêtres », citant l’exemple de la Corée. Il a mis une nouvelle fois en garde contre le cléricalisme, « un danger ».
Le Pape n’ esquive pas les problèmes actuels que connait l’Église en France, secouée ces dernières semaines par des affaires de pédophilie. « En ce domaine, il ne peut y avoir de prescription. Par ces abus, un prêtre qui a vocation de conduire vers Dieu un enfant le détruit. Il dissémine le mal, le ressentiment, la douleur. Comme avait dit Benoît XVI, la tolérance doit être de zéro. »
Dans ce contexte, le Pape rend hommage au cardinal Barbarin, archevêque de Lyon. Il « a pris les mesures qui s’imposaient ». « C’est un courageux, un créatif, un missionnaire » ajoute le Pape qui recommande d’attendre la suite de la procédure judiciaire. Pas question pour le Pape que le cardinal Barbarin démissionne. « Ce serait un contresens, une imprudence » affirme-t-il.
Dialogue avec les lefebvristes mais aucun accord
Autre dossier particulier à l’Église de France, les rapports avec la Fraternité Saint-Pie X. Le Pape l’a connue à Buenos Aires. Pour lui, les lefebvristes « sont des catholiques en chemin vers la pleine communion ». Il reconnait qu’il y a un dialogue, reconnaissant que « Mgr Fellay est un homme avec qui on peut dialoguer » : « on avance lentement, avec patience », mais aucun accord vers une éventuelle prélature personnelle n’est pour le moment envisagée.
Après les deux synodes sur la famille, le Pape reconnait être différent. Dans l’exhortation post-synodale, il a cherché à « respecter au maximum le synode ». « C’est une réflexion sereine, pacifique, sur la beauté de l’amour, comment éduquer les enfants, se préparer au mariage. Elle valorise des responsabilités qui pourraient être accompagnées par le Conseil pontifical pour les laïcs, sous la forme de lignes directrices ». Il dit aussi qu’il faut penser « la véritable synodalité ». « Les évêques sont cum Pietro, sub Pietro. Ceci diffère de la synodalité orthodoxe et de celle des Églises gréco-catholiques, où le patriarche ne compte que pour une voix ».
Après son discours à Strasbourg au Parlement européen et celui prononcé lors de la remise du Prix Charlemagne, le Pape est revenu sur les racines de l’Europe. « Il faut parler de racines au pluriel car il y en a tant. En ce sens, quand j’entends parler des racines chrétiennes de l’Europe, j’en redoute parfois la tonalité, qui peut être triomphaliste ou vengeresse. Cela devient alors du colonialisme » tient-il à préciser.
Migrants : se poser les questions
Sur la question des réfugiés, plus européenne, le Pape a reconnu que l’on « ne peut pas ouvrir grand les portes de façon irrationnelle. Mais la question de fond à se poser est pourquoi il y a tant de migrants aujourd’hui. » A la racine de ce phénomène, il y a « un système économique mondial tombé dans l’idolâtrie de l’argent ». Il appelle les Européens à intégrer ces nouveaux arrivants d’autant que « l’Europe connaît un grave problème de dénatalité, en raison d’une recherche égoïste de bien-être ».
Sur la question de l’islam et de la peur de cette religion, le Pape estime que la crainte est plus celle de Daech et de « sa guerre de conquête », même si « l’idée de conquête est inhérente à l’âme de l’islam ». Il invite à « s’interroger sur la manière dont a été exporté un modèle de démocratie trop occidentale dans des pays où il y avait un pouvoir fort, comme en Irak ». Car, « sur le fond, la coexistence entre chrétiens et musulmans est possible ».
Abordant la question de la laïcité, le Pape considère « qu’une laïcité accompagnée d’une solide loi garantissant la liberté religieuse offre un cadre pour aller de l’avant ». « Chacun doit avoir la liberté d’extérioriser sa propre foi. Si une femme musulmane veut porter le voile, elle doit pouvoir le faire. De même, si un catholique veut porter une croix ».
Il regrette que la France exagère la laïcité. « Cela provient d’une manière de considérer les religions comme une sous-culture et non comme une culture à part entière ». Et d’ajouter : « la France devrait faire un pas en avant à ce sujet pour accepter que l’ouverture à la transcendance soit un droit pour tous ». (XS)
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