2016-04-06 17:56:00

Paul Bhatti, l'espérance d'un Pakistan guéri de l'islamisme


(RV) Entretien - L’attentat de Lahore, qui a provoqué la mort de 72 personnes le dimanche de Pâques dans un parc municipal de la 2e ville pakistanaise, a suscité une grande stupeur à travers le monde. L’attaque, revendiquée par un groupe des talibans, visait les chrétiens mais a aussi provoqué la mort de nombreux musulmans.

Parmi les nombreuses victimes de la terreur islamiste, qui a frappé le Pakistan à de nombreuses reprises ces dernières années, figure l’ancien ministre des minorités, Shahbaz Bhatti, assassiné en 2011.

Michele Raviart, du service italien de Radio Vatican a interrogé Paul Bhatti, frère et héritier politique de l’ancien ministre, qui a participé à un colloque de l’université grégorienne à Rome sur le thème : "Asie, terre de martyrs". En voici une traduction en français.

«Il est clair que l’attentat de Lahore a été un grand choc pour nous tous, qui, ce jour-là, célébrions la Sainte Pâques, dans tout le Pakistan. Il s’agit d’un parc très fréquenté par les chrétiens. Nous avons cru que les actes terroristes étaient finis, pas seulement contre les chrétiens, mais contre toute personne, précieuse pour nous. Mais d’une autre part, pour être honnête, cet attentat nous l’attendions, parce que un mois avant a été exécuté l’assassin de Salman Taseer, le gouverneur du Pendjab qui avait défendu Asia Bibi. C’était un ami de mon frère. Nous sommes contre la peine de mort, mais nous avons vu que la justice existe au Pakistan. La Cour suprême a décidé de la peine de mort comme sentence, et le gouvernement a maintenu sa promesse. La condamnation a été exécutée malgré toutes les menaces, toutes les pressions des extrémistes sur le gouvernement et sur la population.

L’attentat s’est déroulé le jour de Pâques, mais a fait plus de victimes musulmanes que de victimes chrétiennes. Quelles répercussions peut-il avoir dans les rapports entre la très grande majorité musulmane et les 2% de chrétiens au Pakistan ?

Je pense qu’il y a une désillusion face à l’État. De nombreux musulmans se sont énervés, parce que ce sont eux, principalement, les victimes : sur 72 morts, 50 sont des musulmans, et il y a eu plus de 300 blessés. Beaucoup ont protesté, et de nombreux journalistes musulmans ont déclaré à la télévision : "à partir de maintenant, nous ne voulons plus entendre le mot minorité, parce qu’ils sont comme nous, et (…) nous serons avec eux". Cela a été un beau témoignage.

Après l’action politique de votre frère, et celle que vous avez continué, il y a encore besoin aujourd’hui d’un ministre pour les minorités au Pakistan ?

Mon frère avait fait diverses choses, des réformes, avec ce ministère pour les minorités. Il était une voix dans le gouvernement, une voix dans le parlement, un point de référence pour toutes les minorités, pour les hindous et leurs si nombreux problèmes. Quand ils venaient avec leurs leaders religieux, nous savions ce qu’ils vivaient et nous pouvions exposer leurs problèmes au gouvernement, au parlement, et on pouvait trouver des solutions. Si elles n’ont pas de point de référence, les minorités souffrent. Nous voulons encore cela maintenant. Nous sommes en train de dialoguer avec le Premier ministre pakistanais sur ces sujets, en disant que nous voulons différents changements, et le changement de la Constitution, qui interdit à quelqu’un appartenant à une minorité religieuse de devenir Premier ministre. Nous voulons que toutes ces choses soient éliminées. Il y a des problèmes aussi de reconnaissance du mariage entre les personnes appartenant aux minorités. Ensuite, il y a aussi des problèmes durant les élections, parce que ces minorités ne participent pas à un système électoral équitable. Ils ne sont jamais élus, en effet, puisque la majorité de la population ne vote pas pour eux. Le résultat est donc qu’ils n’arrivent jamais au parlement. C’est un système de sélection qui ne garantit pas qu’il y ait des représentants des minorités et un ministre en représentation des minorités est très important pour discuter de ces choses.

Quelle est actuellement la situation des chrétiens au Pakistan, les conditions matérielles : elle s’est améliorée, empirée, vous vous sentez plus proches des institutions, au-delà de ces attaques terroristes ?

Je crois que la situation des chrétiens ou des autres minorités est directement proportionnelle à la situation générale du Pakistan. Si au Pakistan il y a la paix, les chrétiens eux aussi vont bien. Si au Pakistan il n’y a pas la paix, les chrétiens, qui sont les plus faibles et les plus marginalisés dans la société, souffrent plus. Mais actuellement, ma sensation est une sensation d’espérance. Je vois une espérance parce qu’il y a des actes concrets de la part des militaires, de la part du gouvernement, de la part des politiques pour éliminer ce terrorisme : il ont éliminé tellement d’écoles religieuses, ils ont éliminé de nombreux lieux où l’on fabriquait les armes, il ont fermé de très nombreux centres terroristes extrémistes, et de nombreuses personnes commencent à parler de changer la Constitution en faveur des minorités. Ceci, alors, est un pas positif, c’est un changement.

Vous avez rencontré plusieurs fois le Pape François. Vous le sentez attentif au Pakistan ?

J’ai vu le Saint-Père cinq fois. La première fois, quand j’étais au gouvernement, à l’occasion de son élection. Je suis venu le féliciter de la part du gouvernement pakistanais, avec une délégation. Il est proche des chrétiens persécutés et très proche du Pakistan. Et puis j’ai vu aussi le Pape Benoît XVI, et la première fois que je l’ai rencontré, il m’a tout de suite dit que mon frère était un martyr. II m’a dit : "ne t’inquiète pas, parce que lui, il t’aide de là-haut"

(CV- Service italien de Radio Vatican)








All the contents on this site are copyrighted ©.