2016-02-15 17:02:00

L'Église du Chiapas, engagée auprès des migrants


(RV) Entretien – Depuis plusieurs décennies l’Église catholique du Chiapas s’est investie aux côtés des indigènes de cet État du sud-est du Mexique où le Pape François se rend ce lundi 15 février 2016. Au programme, une messe avec les communautés indigènes dans le stade municipal de San Cristobal de Las Casas, et un déjeuner avec huit indigènes.

Mais l’un des problèmes majeurs de cette région vient de l’afflux des migrants originaires d’Amérique centrale et du sud qui tentent de rejoindre les États-Unis. Le Chiapas constitue pour eux la porte d’entrée du Mexique. L’Église catholique est sur place, et plus largement dans tout le pays, très présente auprès des migrants. Elle ouvre des centres d’accueil où ils peuvent se reposer, se nourrir et même s’habiller.

Parmi les prêtres et les personnes qui s’impliquent dans cette œuvre d’assistance aux migrants, figure le père Florenzo Rigoni, de la congrégation des missionnaires de saint Charles, plus connue sous le nom de scalabriniens. Il vit depuis une vingtaine d’années au Chiapas. Il a fondé la Casa del Migrante, la maison du migrant, par laquelle sont passés environ 200 000 personnes.

Ce phénomène n’est pas prêt de s’arrêter et prend même une autre envergure. Il raconte que des noirs brésiliens tentent de se faire passer pour des Africains, prétendant notamment venir du Togo. Ils usent d’un mensonge pathétique, qui aux yeux du père Rigoni en dit long sur la désespérance de ces gens, prêts à tout pour atteindre la frontière américaine. Notre confrère de la rédaction italienne, Alessandro Guarasci l’a contacté pour parler de ces migrations qui concerne tout le continent américain

Pendant un temps, le Mexique a été le cimetière sans croix des migrants. C’est la première porte d’entrée pour l’Amérique latine. Et le Mexique a vraiment construit une frontière que j’appelle depuis des années déjà la frontière verticale. La frontière qui te divise s’est transformée le long du chemin en une autre frontière. Le migrant, comme le dit le pape, est un déchet.

Père Rigoni, le phénomène de trafic avec les migrants et pour les migrants est-il fréquent ?

Au début, c’était ce que l’on appelait les coyotes ou les trafiquants ; le migrant les contactait. Aujourd’hui, ce grand trafic est aux mains de la criminalité organisée qui en fait un autre business. Elle transporte jusqu’à 180 migrants dans les doubles fonds des camions, dans des conditions inhumaines. Ici se répète ce que j’appelle la Shoah des migrations : les camps nazis, les trains de la mort… Le train de marchandises qui passe du sud vers le nord, ils l’appellent la Bestia, la Guillotine…

L’exploitation du travail des migrants au Mexique est-il si fréquent ?

C’est un phénomène qui ne concerne pas seulement les migrants. Dans certains endroits, comme au Chiapas, l’Oaxaca ou le Guerrero, les trois grands États de la pauvreté, les droits de l’Homme et les droits du travail ne sont pas respectés… D’autres parts, le migrant sait qu’il n’a pas les cartes en main. Les femmes, depuis quelques années, ont inventé une nouvelle expression : «je n’ai pas de papiers, je n’ai pas d’argent mais j’ai une body card». Au lieu d’une carte bancaire, je fais du troc avec mon corps.

Vous avez certainement de nombreux contacts avec les indigènes. Leurs conditions de vie s’améliorent-elles ?

Je devrais vous dire non. Je suis d’accord avec le fait que le Pape va à San Cristobal et donne de l’importance à la communauté indigène que je considère comme migrante depuis des années, parce que nous l’avons effacée de notre mémoire. "Permettons leur un peu de folklore, un peu d’artisanat, mais rien de plus"... En cela, le Mexique, on doit le dire, comme tant d’autres pays, se considère, ou se retrouve raciste.

Comment la communauté indigène vit en ce moment cette attente de la visite du Pape ?

La communauté indigène en grande partie, n’est pas catholique mais il y a quelqu’un qui parle comme eux, qui utilise leur langage et qui s’en sent proche. Ensuite, il y a un peu de ce mystère, de spiritualité, de représentant de Dieu qui est très fort parmi les indigènes.

(CV-XS)








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