(RV) Après son arrivée ce vendredi 12 février 2016 à l’aéroport de Mexico, le Pape François a commencé effectivement son voyage ce samedi par la visite au Palais national de la capitale, siège de la présidence. C’est là qu’il a rencontré pour la seconde fois le chef de l’État, Enrique Peña Nieto,avant de s’adresser aux autorités, à la société civile et au corps diplomatique. Mais avant cela, le Pape François a pu goûter à la joie et à l’enthousiasme des Mexicains.
En effet, entre le spectacle haut en couleur qui a accueilli le Pape vendredi soir à l’aéroport de Mexico, et la foule amassée dans les rues pour saluer le pape ce samedi matin, les Mexicains sont là et bien là : on parle de 300 000 personnes rien qu’hier soir sur le parcours entre l’aéroport et la nonciature et ce matin, ils étaient certainement tout aussi nombreux sur la route du Palais national. Certains ont passé la nuit sur le Zocalo, cette immense place sur laquelle se dresse le palais du président et la cathédrale… c’est dire l’enthousiasme des Mexicains.
Le pape François a rencontré le président, les autorités, la société civile et le corps diplomatique. Dans son discours, le premier sur le sol mexicain, le Pape François a surtout voulu situer sa visite dans une perspective spirituelle, disant venir «comme un missionnaire de miséricorde et de paix mais également comme un fils qui veut rendre hommage à sa mère, la Vierge de Guadalupe, et se laisser regarder par elle».
Il a ensuite rendu hommage au Mexique et à ses richesses culturelles et humaines, et en particulier ses jeunes. La moitié de la population est jeune, et pour le Pape cela devrait permettre au pays de «se rénover» et de «se transformer». Mais pour parvenir à «un avenir d’espérance» il faut travailler aujourd’hui, au «bien commun», ce bien qui, au XXIe siècle «n’est pas très prisé» a regretté le Pape. En cherchant les privilèges pour soi, «la vie en société devient un terrain fertile pour la corruption, le narcotrafic, l’exclusion des cultures différentes, la violence, y compris pour le trafic de personne, la séquestration et la mort, causant la souffrance et freinant le développement». Autant dire, les principaux maux dont souffre le Mexique.
Alors, pour que dans cette société personne ne se sente «victime de la culture du rejet», il faut que toutes les composantes de la société s’engagent, et tout particulièrement les chrétiens. La priorité, aux yeux du Pape, c’est «d’offrir à tous les citoyens l’opportunité d’être de dignes acteurs de leur propre destin, dans leur famille et dans tous les domaines où se développe la société humaine, en leur facilitant un accès réel aux biens matériels et spirituels indispensables : logement décent, travail digne, nourriture, justice réelle, sécurité effective, un environnement sain et de paix».
La clé pour y parvenir, selon le Pape, c’est «une formation urgente à la responsabilité personnelle de chacun dans le plein respect de l’autre». François invite donc, non seulement le gouvernement, mais toute la société à se faire protagoniste de son destin. Un message reçu parfaitement, surtout par la société civile qui est déjà fortement engagée en la matière.
Traduction intégrale du discours du Pape François :
Discours du Saint-Père à l’occasion de la rencontre avec les autorités, la société civile et le Corps Diplomatique
Palais de la Nation,
Mexico D.F., samedi 13 février 2016
«Monsieur le Président,
Membres du Gouvernement de la République,
Distinguées autorités,
Représentants de la société civile,
Mes frères dans l’Episcopat,
Mesdames et Messieurs,
Je vous remercie, Monsieur le Président pour les paroles de bienvenue que vous m’avez adressées. C’est un motif de joie de pouvoir fouler cette terre mexicaine qui occupe une place spéciale dans le cœur des Américains. Aujourd’hui, je viens comme missionnaire de miséricorde et de paix mais également comme un fils qui veut rendre hommage à sa mère, la Vierge de Guadalupe, et se laisser regarder par elle.
En cherchant à être un bon fils, en suivant les traces de la Mère, je veux, en même temps, rendre hommage à ce peuple et à cette terre si riche de cultures, d’histoire et de diversité. A travers votre personne, Monsieur le Président, je voudrais saluer et embrasser le peuple mexicain dans ses multiples expressions et dans les situations les plus variées qu’il vit. Merci de me recevoir aujourd’hui sur cette terre.
Le Mexique est un grand pays, doté d’abondantes ressources naturelles et d’une énorme biodiversité qui s’étend sur tout son vaste territoire. Sa position géographique privilégiée en fait un point de référence pour l’Amérique ; et ses cultures indigènes, métisses et créoles lui confèrent une identité propre qui lui offre une richesse culturelle qu’il n’est pas toujours facile de trouver et surtout de valoriser. La sagesse ancestrale liée à sa multi-culturalité est, de loin, l’une de ses meilleures ressources identitaires. Cette identité, qu’elle a appris progressivement à gérer dans la diversité, constitue sans doute un riche patrimoine à mettre en valeur, à promouvoir et à préserver.
Je pense et j’ose dire que la principale richesse du Mexique aujourd’hui a un visage jeune ; oui, ce sont ses jeunes. Un peu plus de la moitié de la population est jeune. Cela permet de penser et de préparer l’avenir, le lendemain. Cela offre espérance et perspective. Un peuple jeune est un peuple capable de se rénover, de se transformer ; c’est une invitation à élever le regard avec espoir vers l’avenir et – en même temps – cela nous interpelle positivement dans le présent. Cette réalité nous conduit inévitablement à réfléchir sur notre propre responsabilité dans la construction du Mexique que nous appelons de tous nos vœux, le Mexique que nous voulons léguer aux futures générations. Cela nous conduit à nous rendre compte également qu’un avenir d’espérance se forge dans la vie présente d’hommes et de femmes justes, honnêtes, capables de s’engager pour le bien commun, ce ‘‘bien commun’’ qui, en ce XXIème siècle, n’est pas très prisé. L’expérience nous montre que chaque fois que nous cherchons la voie du privilège ou du bénéfice de quelques-uns au détriment du bien de tous, tôt ou tard, la vie en société devient un terrain fertile pour la corruption, le narcotrafic, l’exclusion des cultures différentes, la violence, y compris pour le trafic de personnes, la séquestration et la mort, causant la souffrance et freinant le développement.
Le peuple mexicain met son espérance dans l’identité qui s’est forgée dans de durs et difficiles moments de son histoire par de remarquables témoignages de citoyens qui ont compris que, pour pouvoir surmonter les situations nées de la fermeture de l’individualisme, était nécessaire l’accord des Institutions politiques, sociales et économiques, ainsi que celui de tous les hommes et femmes engagés dans la recherche du bien commun et dans la promotion de la dignité de la personne.
Une culture ancestrale et un capital humain prometteur, comme les vôtres, doivent être la source d’inspiration pour que nous trouvions de nouvelles formes de dialogue, de négociation, de ponts capables de nous guider sur la voie de l’engagement solidaire. Un engagement dans lequel tous, en commençant par nous qui nous appelons chrétiens, nous devons nous consacrer à la construction d’«une politique vraiment humaine » (Gaudium et spes, n. 73) et d’une société dans laquelle personne ne doit se sentir victime de la culture de rejet.
Il revient, de façon spéciale, aux dirigeants de la vie sociale, culturelle et politique, de travailler pour offrir à tous les citoyens l’opportunité d’être de dignes acteurs de leur propre destin, dans leur famille et dans tous les domaines où se développe la société humaine, en leur facilitant un accès réel aux biens matériels et spirituels indispensables : logement décent, travail digne, nourriture, justice réelle, sécurité effective, un environnement sain et de paix.
Il ne s’agit pas seulement d’une affaire de lois qui exigent des mises à jour et des amendements – toujours nécessaires –, mais d’une formation urgente à la responsabilité personnelle de chacun dans le plein respect de l’autre en tant que coresponsable de la cause commune de promotion du développement national. C’est une tâche qui implique tout le peuple mexicain dans les diverses instances aussi bien publiques que privées, autant collectives qu’individuelles.
Je vous assure, Monsieur le Président, que dans cet effort, le Gouvernement mexicain peut compter sur la collaboration de l’Église catholique, qui a accompagné la vie de cette Nation et qui renouvelle son engagement ainsi que sa volonté de servir la grande cause de l’homme : l’édification de la civilisation de l’amour.
Je me prépare à parcourir ce beau et grand pays en qualité de missionnaire et de pèlerin qui veut revivre avec vous l’expérience de la miséricorde comme un nouvel horizon de possibilité qui est inévitablement porteur de justice et de paix.
Et je me place sous le regard de Marie la Vierge de Guadalupe afin que, par son intercession, le Père miséricordieux fasse que ces journées et l’avenir de cette terre soient une opportunité de rencontre, de communion et de paix.
Merci beaucoup !»
(CV-XS)
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