2015-12-16 12:51:00

Le message de Noël du Patriarche latin de Jérusalem


(RV) Lors d'une conférence de presse, ce mercredi 16 décembre, le Patriarche latin de Jérusalem, S.B. Fouad Twal, a délivré son traditionnel de message de Noël, axé sur la paix et la miséricorde. Sa méditation intervient au terme d'une année contrastée pour les chrétiens de Terre Sainte, entre la signature de l'accord-cadre entre le Saint-Siège et l'État de Palestine, mais aussi une vague de violences entre Israéliens et Palestiniens qui a fait près d'une centaine de morts cet automne en Cisjordanie.

Voici le texte intégral de ce message :

«Chers amis, chers peuples de Terre Sainte,

A vous tous et à ceux qui vous sont chers, je souhaite un Noël plein de joie et de bénédictions !

Chers amis journalistes, merci de votre présence ; merci également pour votre travail, si précieux. Qu’il s’exerce avec franchise, liberté, et sagesse, et qu’il soit surtout toujours guidé par un souci constant de Vérité.

Dans quelques jours, nous fêterons la naissance du Christ ; Noël, mystère de l’Incarnation, mystère du Verbe Eternel qui «s’est fait chair et a demeuré parmi nous»; Noël, fête de la Lumière qui brille dans la nuit, fête de la Joie, de l’Espérance et de la Paix. Les enfants du monde rêvent d’une fête merveilleuse, de cadeaux, de lumières, d’arbres décorés et de crèches. Cependant, et je reprends les mots mêmes du Pape François, «tout est faussé, car le monde continue à faire la guerre»… Cette fameuse «troisième guerre mondiale par morceaux» dont il nous parle si souvent, se déroule sous nos yeux, en partie dans notre région, sur notre terre.

I- Violences

 Quelle douleur de voir, une fois encore, notre bien-aimée Terre Sainte prise dans le cycle infernal et sanglant de la violence ! Quelle douleur de voir, une fois encore, la haine prendre le pas sur la raison et le dialogue ! La souffrance des peuples de cette terre est la nôtre, nous ne pouvons l’ignorer. Cela suffit. Nous sommes fatigués de ce conflit, et de voir la Terre Sainte ensanglantée.

Aux dirigeants israéliens et palestiniens, nous disons qu’il est temps de faire preuve de courage, et de travailler à l’établissement d’une paix juste. Assez de procrastination, d’hésitations, de faux prétextes ! Respectez les résolutions internationales, écoutez la voix de vos peuples qui aspirent à la paix, et agissez dans leur intérêt. Chacun des deux peuples de la Terre Sainte, les Israéliens et les Palestiniens, a droit à la dignité, à un État indépendant et à une sécurité durable.

La situation que nous vivons en Terre Sainte fait écho, hélas, à celle du monde, confrontée à une menace terroriste sans précédent. Une idéologie mortifère, fondée sur le fanatisme et l’intransigeance religieuse, répand la terreur et la barbarie au milieu d’innocents. Elle visait hier le Liban, la France, la Russie, les États-Unis, mais sévit depuis des années en Irak, et en Syrie. Le cas syrien est d’ailleurs au centre de cette crise actuelle ; de la résolution de ce conflit dépend le futur du Moyen-Orient.

Ces terribles guerres sont alimentées par le commerce des armes, lequel implique plusieurs puissances internationales. Nous sommes face à une absurdité et une duplicité totales : certains parlent, d’un côté, de dialogue, de justice, de paix et promeuvent, de l’autre, la vente d’armes aux belligérants ! A ces trafiquants d’armes sans scrupules et sans conscience, nous disons : convertissez-vous. Votre responsabilité est grande dans ces tragédies qui nous accablent et vous aurez à répondre devant Dieu du sang de vos frères.

La réponse militaire et la voie de la force ne peuvent pas résoudre les problèmes de l’humanité. Il faut trouver quelles sont les causes et les racines de ce fléau, et s’y attaquer. Il faut lutter contre la pauvreté et l’injustice, qui peuvent constituer un terreau favorable au terrorisme ; de même, il faut promouvoir l’éducation à la tolérance et l’acceptation de l’Autre.

L’Église et la communauté des croyants ont également une réponse à apporter à la situation actuelle. Cette réponse est celle du Jubilé de la Miséricorde, inauguré le 8 décembre par le Pape François. La Miséricorde est le remède aux maux de notre temps. C’est par elle que nous rendrons visibles au monde la tendresse et la proximité de Dieu.

La miséricorde ne se limite pas aux relations individuelles, mais devrait embrasser la vie publique dans tous ses secteurs (politique, économique, culturel, social), à tous les niveaux (international, régional et local) et dans toutes les directions (entre États, peuples, ethnies, religions et confessions). Quand la miséricorde devient une composante de l’action publique, elle sera alors capable de transférer le monde de la sphère des intérêts égoïstes à celle des valeurs humaines.

La miséricorde est un acte politique par excellence, à condition de définir la politique dans son sens le plus noble, c’est-à-dire la prise en charge de la famille humaine à partir des valeurs éthiques, dont la miséricorde est une composante principale, qui s’opposent à la violence, l’oppression, l’injustice et l’esprit de domination.

A l’occasion de cette année de miséricorde, nous invitons les pèlerins à visiter la Terre Sainte. Selon l’invitation du Saint Père, nous avons ouvert une Porte sainte, une porte de miséricorde, dans plusieurs églises du diocèse, à Jerusalem (Basilique de Gethsémani), Nazareth (Basilique de l’Annonciation) et Bethléem (Basilique de la Nativité). Les pèlerins ne devraient pas avoir peur de venir. Malgré la situation tendue en cette Terre, leur itinéraire est sans risque. De plus, ils sont respectés et appréciés par toutes les composantes de la Terre Sainte.

II- Que faire ?

Nous croyons en la valeur fondamentale de l’éducation. Et ici justement, comment ne pas rappeler l’âpre lutte menée pour préserver nos écoles chrétiennes en Israël ? Comment ne pas remercier ceux qui y ont pris part, parents, enfants et professeurs ? Beaucoup de politiques, parmi lesquels le président israélien Reuven Rivlin et plusieurs membres de la Knesset, ont œuvré à cette noble cause. Leur engagement nous a montré un attachement certain à l’éducation proposée par ces écoles, ouverte à tous les citoyens sans distinction, fondée sur des principes de fraternité, de dialogue et de paix.

Cette perspective interreligieuse m’amène à évoquer le 50e anniversaire de Nostra Aetate, probablement le texte le plus révolutionnaire du Concile Vatican II. Cette déclaration pose les bases du dialogue entre l’Église et les religions non chrétiennes. Ici, en Terre Sainte, ce dialogue revêt une importance capitale ; les difficultés existent certes, mais il est nécessaire de continuer d’espérer, plus que jamais, à la viabilité d’un dialogue judéo-islamo-chrétien.

Je tiens d’ailleurs à saluer notre vicariat St Jacques pour les catholiques de langue hébraïque, qui a fêté cette année ses soixante années d’existence, qui ne cesse d’œuvrer pour le dialogue judéo-chrétien, et de se donner avec générosité au service des migrants.

III. La fête de Noël cette année :

La situation politique actuelle nous suggère de modérer l’éclat des célébrations, et d’en approfondir plutôt le sens spirituel. Pour cette raison, nous invitons chaque paroisse à éteindre pendant cinq minutes les lumières de l’arbre de Noël, en signe de solidarité avec toutes les victimes de la violence et du terrorisme. De même, la messe de Noël sera offerte pour les victimes et leurs familles, afin que celles-ci reprennent courage, et participent à la joie et à la paix de Noël (...).

Je voudrais conclure ce message en remerciant le Saint-Père, pour plusieurs raisons : D’abord pour la canonisation en mai dernier des deux saintes palestiniennes, pour le synode des évêques sur la famille, auquel j’ai eu la joie de participer, pour le Motu Proprio simplifiant la procédure de nullité de mariage ; pour l’accord bilatéral historique entre l’État de Palestine et le Saint-Siège ; enfin pour son encyclique Laudato Si’ sur la sauvegarde de la création et de l’environnement, sujets majeurs pour notre planète et pour l’humanité.

«Un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! Sur son épaule est le signe du pouvoir ; son nom est proclamé : « Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix» (Isaïe 9, 5).

Chers amis, la naissance du Christ est signe de la Miséricorde du Père, et promesse de joie pour nous tous. Que ce message rayonne sur notre monde blessé, console les affligés, les opprimés, et convertisse les cœurs des violents.

 Saint et joyeux Noël à tous !»

(CV- Patriarche Latin de Jérusalem)








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