2015-09-11 09:27:00

Ban Ki-moon : le Pape très attendu aux Nations unies


(RV) Entretien exclusif - Dans quelques jours, le Pape François s’envolera pour l’Amérique, un voyage apostolique à Cuba, puis aux Etats-Unis au moment même où les deux pays sont dans une phase de réconciliation historique, facilitée par le rôle du Saint-Siège. Le Pape profitera de son étape américaine pour se rendre au Palais des Nations unie, à New York, 50 ans après le discours célèbre de Paul VI qui s’exclamait le 4 octobre 1965, « Plus jamais la guerre ! Plus jamais la guerre ! »  

A l’occasion du déplacement , le 25 septembre prochain, du Saint-Père au siège de l’ONU, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki Moon a accordé un entretien exclusif à Radio Vatican. Il est interrogé par notre confère italien Paolo Mastrolilli.

Nous attendons avec une grande impatience le Pape François, pour sa visite aux Nations unies…Il s’agira de ma quatrième rencontre avec le Pape mais dans l’histoire des relations entre le Vatican et l’ONU je pense que ça sera la première fois que le Saint-Père se rend à l’ONU pour une Assemblée générale. Le Pape est un homme humble et empreint d’humanité, c’est un homme qui porte une parole morale et résolue, en particulier dans notre monde qui subit de nombreux conflits : réfugiés, migrations, violations des droits de l’homme, changement climatique…Nous avons vraiment besoin d’une voix forte et juste comme celle du Pape. Cette rencontre rassemblera plus de 150 chefs d’Etat et de gouvernement du monde entier. Il est difficile d'imaginer une rencontre de leaders du monde entier, y compris le Pape, plus grande, plus significative et plus importante, que celle-ci. Je suis reconnaissant au Saint-Père de tenir son autorité avec compassion pour la paix et l’humanité. 

En Europe, une crise migratoire est en cours. Récemment, vous avez parlé avec divers dirigeants européens. Vous pensez que l’Europe devrait faire plus pour accueillir les réfugiés ?

J’approuve la prise d’initiative et la solidarité que manifestent les chefs d’État et de gouvernements européens, mais dans le même temps, au regard de la gravité et de la proportion prise par cette crise, je me serais attendu à ce que les dirigeants européens fassent plus. Les personnes fuient la guerre et les persécutions et pour cette raison, elles doivent être protégées de manière adéquate et rapidement. C’est un défi sans précédent pour le monde entier, en particulier pour l’Europe. On doit cependant souligner que le continent européen et ses habitants ont bénéficié de ce type de migration et recherché la liberté et de meilleures opportunités. Maintenant que les économies européennes constituent les plus grandes et plus riches économies du monde, nous espérons qu’elles manifestent leur complète solidarité et qu’elles se conduisent miséricordieusement, en prenant soin de toutes ces situations humanitaires.

Beaucoup de réfugiés viennent de Syrie. Selon Moscou, des consultants russes opèrent aujourd’hui sur le terrain. Y voyez-vous le risque d’une ultérieure escalade militaire ?

Il n’existe pas de solution miliaire. Il y a eu des combats pendant plus de quatre ans et demi. 250 000 personnes sont mortes, 4 millions de Syriens ont quitté leur pays, et douze millions de personnes sont directement touchées par cette crise. J’ai constamment demandé à ce que cette situation soit réglée par un dialogue politique. Au mois de juin 2012, il y a eu un bon accord conclu à Genève, à partir duquel j’ai cherché, via mon envoyé spécial Staffan de Mistura, d’instaurer des groupes de travail dans le domaine militaire, de la sécurité, de la tutelle et de la protection, de la réconciliation et du développement des infrastructures, dans les domaines politique et constitutionnel. Ce fut une tentative pour élargir le champs politique, au sein duquel résoudre le conflit. Je demande avec force aux membres permanents du Conseil de sécurité de se réunir et de nous démontrer leur unité d’intention dans ce moment difficile.

Souvent les chrétiens sont victimes de violences au Moyen Orient et dans d’autres régions du monde. Les Nations Unies peuvent-elles contribuer à arrêter ces persécutions ?

Il ne devrait y avoir de discriminations envers personne, qu’elles soient basées sur la religion ou l’appartenance ethnique. Il est absolument inacceptable de persécuter et de discriminer les personnes sur la base de leur conviction religieuse, sur la base de ce que tu aimes ou de ce en quoi tu crois. En particulier, lorsqu’il s’agit de migrants et de réfugiés qui devraient être traités avec humanité et responsabilité, sous la tutelle de la Convention internationale des réfugiés, du Droit humanitaire international et des Droits humains. Pour cette raison, encore une fois, je demande avec empressement aux leaders européens qu’ils ouvrent leur frontière et qu’ils fournissent l’aide humanitaire requise. Nous devons éprouver de la pitié vis-à-vis de ces personnes.

L’encyclique « Laudato Si » du Pape François concerne la protection de notre maison commune. La Conférence des Nations unies sur le changement climatique se tiendra à Paris, à la fin de l’année, mais lundi dernier le président français a alerté sur un possible échec des négociations, en particulier si la question du financement des nations émergentes n’était pas résolue. Que manque-t-il aujourd’hui pour parvenir à un accord global, à Paris, sur les changements climatiques ?

Tout d’abord, je dois dire que je suis reconnaissant au Pape pour son encyclique publiée au mois de juin. Quand j’ai été reçu en audience en avril, il m’a expliqué qu’il se serait fortement engagé à travailler avec les Nations unies pour affronter le problème et les phénomènes liés au changement climatique. Il m’a dit que le fait de ne pas réduire les émissions de gaz à effet de serre serait « moralement indéfendable ». La terre est l’unique lieu où l’humanité puisse vivre, et les générations qui nous succèderont devront pouvoir continuer à bénéficier d’une vie en harmonie avec la nature. Maintenant, en ce qui concerne ces négociations, je suis préoccupé par la lenteur avec laquelle elles avancent. Voilà pourquoi je comprends ce qu’a dit le président français Hollande. Concernant le soutien financier (aux pays émergents), nous travaillons étroitement avec le président François Hollande, la chancelière allemande Angela Merkel, avec le président du Pérou, Humala. Tous ensemble, nous collaborons étroitement avec le président de la banque mondiale et avec les responsables du Fonds monétaire international, ainsi qu’avec le secrétaire générale de l’Uis (le centre de données de l’Unesco) afin de présenter un plan politiquement crédible qui nous permette de trouver 100 milliards de dollars d’ici 2020, et qui puisse par la suite fournir 100 milliards de dollars par an aux pays en voie de développement, en particulier aux pays les moins développés et aux pays insulaires en voie de développement. Ces pays ne sont pas historiquement responsables des phénomènes climatiques et ils n’ont aucune possibilité de modérer (le phénomène) ni de s’y adapter. J’espère que nous trouverons cet argent et que nous pourrons fournir une assistance financière et technologique afin que nous puissions trouver un accord universel à Paris en décembre prochain.

Lors de la prochaine Assemblée générale des Nations Unies, l’Agenda  du développement durable post-2015 devrait être adopté. Quels seront les points clés pour affronter les problèmes de pauvreté et d’iniquité économique, pour mettre l’économie au service des personnes comme l’a demandé le Pape lors de sa récente visite en Bolivie ?

A la fin du mois, les dirigeants du monde se retrouveront aux Nations unies, et ils adopteront l’Agenda pour le développement durable qui inclut dix-sept objectifs de développement durable. Ces objectifs représentent la vision à long terme des dirigeants mondiaux face aux changements afin de rendre le monde meilleur pour tous, un monde dans lequel personne ne sera laissé pour compte afin que toutes les personnes puissent vivre dans la dignité et en harmonie avec la nature, et notre planète Terre. C’est l’unique lieu dans lequel nous puissions vivre.

Cet agenda couvre tous les aspects de notre vie avec comme point central, l’éradication de la pauvreté. Tout est centré sur la personne et le respect de l’environnement. Nous devons apprendre à vivre en harmonie avec notre planète terre et la nature. C’est l’idée principale de ces objectifs de développement durable.

Je m’attends à ce que tous les États membres des Nations unies réfléchissent à ces dix-sept objectifs et qu’ils les intègrent dans leurs politiques nationales, au niveau économique, social et environnemental, et qu’ils en fassent des lois contraignantes, afin qu’en 2030, nous puissions vivre dans la prospérité, le bien-être, l’égalité et la justice. Tout cela prévoit également une bonne gouvernance et des sociétés démocratiques et pacifiques. J’espère sincèrement que, sur la base de ces objectifs de développement durable, nous puissions rendre ce monde meilleur pour tous, un monde dans lequel personne n’est laissé pour compte.

Que pensez-vous de l’accord conclu sur le programme nucléaire iranien ?

J’ai accueilli très favorablement cet accord nucléaire, signé par les 5+1 et l’Iran. Je suis conscient qu’il existe des préoccupations et critiques, mais au regard de ce que je sais, comme Secrétaire général des Nations Unies et au regard de mon expérience personnelle de négociateur, je crois que c’est un bien meilleur accord, bien mieux structuré, bien plus rigoureux et qui pourra empêché l’Iran d’acquérir des armes nucléaires sur le long terme. Ainsi, j’espère vraiment que cet accord soit ratifié par toutes le parties impliquées. Les Nations unies sont prêtes à garantir la mise en place de ce processus, via les contrôles et vérifications de l’Agence international pour l’énergie atomique. Cela sera également une contribution pour établir la paix et la sécurité aux Moyen Orient et au-delà.

 








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