2015-06-23 13:00:00

L'OTICE, vigie des essais nucléaires à travers le monde


(RV) 5ème conférence de l’Organisation pour l’Interdiction des tests nucléaires : à Vienne, l’OTICE rassemble plus de 1000 personnes : des experts en infrasons, en isotopes, en données sismiques ou hydroacoustiques. Il s’agit de renforcer ses liens avec la communauté scientifique et de permettre aux chercheurs sensibles à la lutte contre la prolifération nucléaire de se connaître et ainsi de se mobiliser. Le secrétaire exécutif de l’organisation, le Burkinabé Lassina Zerbo, souhaite « mettre la science au service de la diplomatie ».

Qu’est-ce que l’OTICE ? Ces dernières décennies, plusieurs traités ont été signés par l’Assemblée des Nations-Unies pour lutter contre la prolifération nucléaire. L’un d’eux est le Traité d’interdiction des tests nucléaires signé le 10 octobre 1996 à New-York par 183 Etats. Pour des questions géopolitiques ou de politique intérieure, huit pays ne l’ont toutefois pas ratifié, empêchant sa mise en œuvre : la Corée du Nord, la Chine, les Etats-Unis, l’Iran, Israël, l’Egypte, l’Inde et le Pakistan. En attendant, en espérant et travaillant pour leurs prochaines ratifications, la commission qui sera chargée de la bonne application du Traité ne perd pas son temps, au contraire.

Un réseau mondial

Pour un coût initial d'un milliard de dollars financés par ses 183 pays membres (aujourd’hui à 22% par les Etats-Unis), l’Organisation pour l’Interdiction des tests nucléaires a mis sur pied, un peu partout sur la planète, et même dans les zones les plus reculées, au fond des océans ou au milieu du désert, un réseau gigantesque composé de plus de 300 stations qui sondent la terre, la mer et l’atmosphère pour détecter tout test nucléaire.

Chaleur, vitesse, tensions ou odeur suspecte… Chaque jour, quelque 15 gigabits de données sont envoyés à Vienne au siège de l’Organisation où elles sont décryptées et analysées par 107 scientifiques. Ils reçoivent ainsi, par exemple, quelque 30 000 signaux sismiques qui permettent d’identifier en moyenne 130 événements sismiques jugés sérieux. L’OTICE est la seule organisation dans le monde à avoir un tel arsenal de données mesurant l’évolution de la planète depuis plus de 15 ans, et considérées par tous comme extrêmement fiables.

« Ce qui est du bruit pour moi, pourrait être un signal précieux pour d’autres » : ainsi Randy Bell, le directeur de la Data division, est chargé quotidiennement de transmettre les données collectées aux pays signataires du Traité (à leur centre dédié à l’énergie atomique, à leur ministère de la Défense, de l’énergie ou des sciences en fonction des souhaits de chaque Etat) qui les fournissent ensuite à leurs équipes de chercheurs. Des centaines d’instituts de recherche dans le monde travaillent aujourd’hui sur les données de l’OTICE.

Des applications diverses

Aujourd’hui, le réseau fonctionne bien. Les essais effectués ces dernières années par la Corée du Nord ont tous été détectés immédiatement. En 2009, deux heures après une explosion, l’OTICE présentait ses premières conclusions à ses Etats membres. Le Traité n’étant pas ratifié par tous, aucun Etat ne peut toutefois investir l’organisation de contrôle sur le terrain. Cependant, une simulation s’est déroulée en Jordanie à l’automne 2014. L’OTICE a déployé des centaines de tonnes de matériel et envoyé plusieurs équipes d’inspecteurs sur place pour analyser le sable et les cratères du désert jordanien.

Au-delà de sa mission première, l’OTICE permet aujourd’hui aux chercheurs d’avancer à pas de géant dans leurs travaux. Les données sismiques et stratosphériques permettent ainsi au projet européen ARISE, Atmospheric dynamics Research Infrastructure in Europe, de tenter d’établir des prévisions météorologiques à long terme. Ces données aident aussi les avions à éviter les fumées dégagées par les éruptions volcaniques.

Autres applications utiles, les stations enregistrent immédiatement les tsunamis et l’OTICE permet ainsi aux gouvernants de prendre les bonnes décisions, comme l’évacuation de leurs populations des zones côtières.

Dans les océans, les appareils de l’OTICE entendent les icebergs se fracturer ou captent le mouvement des baleines. Des clés essentielles pour comprendre l’évolution de la planète. (De notre envoyée spéciale à Vienne, Marie Duhamel)








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