2015-04-08 17:20:00

Journée mondiale des Roms : le témoignage du père Arthur Hervet


(RV) La Journée mondiale des Roms, chaque année le 8 avril, est l'occasion de mettre en lumière la situation de ces populations qui aujourd'hui, malgré une prise de conscience générale, restent marginalisées. Depuis des siècles, des Églises chrétiennes, des prêtres, des pasteurs et des laïcs s’efforcent d’aider la communauté rom à améliorer leur intégration sociale tout en préservant leur culture : école des devoirs, services de santé, nourriture, conseil juridique et autres.

Le père Arthur Hervet, prêtre assomptionniste de la région lilloise, fait partie de ces prêtres qui mènent un combat depuis plusieurs années contre l'acharnement et les exclusions de la minorité roms. Il est interrogé par Anne-Sophie Saint-Martin :

Pensez-vous que l'opinion publique est suffisamment informée de la réalité des Roms ?
Il y a des mensonges qui sont colportés. Ils sont 15.000 en France, 20.000 en Belgique et 30.000 en Allemagne. Donc 15.000 en France alors que la France est beaucoup plus grande que la Belgique. De plus, on me dit que ce sont des voleurs. Je réponds « mais vous savez, quand il y a un vol, les voleurs ne sont pas tous dans leur camp ». Quand la police ne veut pas faire d’enquêtes, on dit « oh, ce sont des Roms ». Et les gens se satisf
ont de cela. Au fond, on leur prête beaucoup de choses. Ils font la manche, mais ils n’ont pas le droit de travailler ! C’est la crise, donc ils ne peuvent pas travailler. Ça, c’est grave. On dit aussi qu’ils nous coûtent cher mais ils coûtent quoi ? Ils ne dépensent rien. Ils n’ont pas le droit à l’eau. Moi, je suis obligé de prendre des bouteilles d’eau tous les jours, de les remplir, de les amener pour pouvoir boire, pour pouvoir se laver. Ils n’ont pas de quoi se loger. Ils sont dans des abris de fortune avec des bâches, etc.  Et puis, je dis aussi « Mais vous savez, ce ne sont pas des bêtes. Ce sont des croyants, ce sont des chrétiens. - Ah bon ? - Oui, ce sont des chrétiens ! ». Dans chaque campement un peu important, ils construisent une chapelle. Ils se réunissent là pour louer le Seigneur. Chaque fois que je vais au milieu d’eux, ils me disent « Alléluia. Amen. Amen ». Je crois que si vraiment on découvrait les Roms d’une façon personnelle, on découvrirait que ce sont des gens très attachants.

Est-ce que vous pensez que le sentiment anti-rom a augmenté ces dernières années ?
Je disais que la situation en France n’est pas bonne. Je ne connais pas bien les autres pays mais c’est une corrida. Il y a un taureau, c’est l’économie et puis, il y a le toréador, c’est le gouvernement avec les ministres, le président, etc. Mais il faut un chiffon rouge. Le chiffon rouge, ce sont les Roms. Si ça ne va pas, c’est à cause des Roms parce qu’ils volent, parce qu’ils sont une source de souci. On dépense trop d’argent mais on ne dépense rien pour eux, on ne leur donne rien. Les enfants n’ont même pas le droit d’aller à l’école ou c’est une minorité qui peut y aller. Ce n’est pas normal. Tout enfant, quel qu’il soit, a le droit d’y aller. Je me souviens, il y a encore quelques temps, les enfants - ils ne le disent plus maintenant parce qu’ils voient bien que je suis incapable d’arriver à trouver une solution - me disaient « scola, scola, rajai, scola. On veut aller à l’école ». Je pense qu’un jour, le bon Dieu nous demandera les comptes et le demandera à l’Église. Aujourd’hui, combien de presbytères et combien d’églises sont vides ? Moi, j’ai demandé à ce que des églises soient affectées à cela. On devrait réquisitionner. Pas par l’État : l’Église devrait dire « nous mettons les églises à la disposition des Roms ». On pourrait mettre dans les Églises des bungalows. On pourrait construire des abris de jardin dedans et ils seraient au moins à l’abri.

Est-ce que c’est une nécessité que les Églises européennes publient un texte pour inciter les chrétiens à s’ouvrir à ces populations ?
Je pense que ce serait très important parce que l’Église a beau être décriée, c’est quand même la voix, non pas du peuple, mais c’est la voix des pauvres. Et si l’Église peut publier, pas simplement un petit laïus de rien du tout, mais un livre, un truc provoquant comme sait le faire le Pape François, un texte qui soit comme criant, je trouverais ça super. Pas un truc lénifiant, des trucs comme cela, on n’en a pas besoin. Moi, j’ai été ordonné prêtre en 1968 à Nanterre. J’allais visiter les bidonvilles de Nanterre et à l’époque, c’étaient des Portugais. C’étaient les Roms de l’époque. Ils étaient dans des conditions déplorables mais aujourd’hui, ils sont sortis d’affaire et ils ont régénéré l’Église de France parce qu’ils ont apporté leur foi, leur dynamisme et leur sens du travail. Si nous donnions la chance aussi à des Roms, ce serait super !

Les chrétiens doivent s’engager sur cette question ?
Quand je vois que Jésus a accueilli tout le monde : il a accueilli aussi les étrangers, les samaritaines, les lépreux, la Syro-phénicienne, enfin, tous les pauvres, tous les boiteux et les aveugles. Jésus a osé faire cela. Et aujourd’hui, il faut qu’il y ait des disciples de Jésus comme Saint Vincent de Paul, l’abbé Pierre et comme tant d’autres. Moi, je vais tous les mois sur la tombe de l’abbé Pierre célébrer la messe et puiser des forces parce que c’est important de m’appuyer sur lui. 








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