2015-03-18 16:36:00

Les chrétiens du Pakistan mis de nouveau à l'épreuve


(RV) Quinze personnes ont été tuées et environ 80 blessées dimanche matin lors d’une double attaque, contre une église catholique et un temple protestant, à Lahore, au nord-ouest du pays. Ces attentats ont été revendiqués par les talibans.

C’est une nouvelle épreuve pour les chrétiens du Pakistan, déjà soumis à de nombreuses humiliations au quotidien, et parfois victimes du terrorisme. En 2013, un centre protestant de Peshawar, près de la frontière afghane, avait été la cible de la pire attaque anti-chrétienne de l’histoire du Pakistan, avec près de 80 morts. En décembre 2014, dans la même ville, ce sont plus de 130 enfants qui ont été tués dans un attentat dans une école tenus par l’armée pakistanaise.

Les chrétiens du Pakistan représentent environ 2 % de la population de ce pays de près de 200 millions d'habitants, majoritairement musulmans. Ils sont souvent relégués aux tâches ingrates et victimes de discrimination. Suite aux attentats, des chrétiens, se sentant délaissés par le gouvernement, ont manifesté leur tristesse et leur colère lors de manifestations qui ont parfois pris un tour violent.

Régis Anouil, directeur de l’agence Eglises d’Asie, revient avec Cyprien Viet sur cette situation douloureuse des chrétiens du Pakistan.

Il y a des manifestations importantes, à la fois pacifique et des manifestations de prière de la part des chrétiens et puis, également des manifestations qui se heurtent à des barrages de police et il y a eu des heurts. Il y a eu un mort lors de ses manifestations. Donc, il y a eu des choses qui ont dérapées et on sent effectivement monter une espèce de ras-le-bol au sein de la communauté chrétienne du Pakistan, aujourd’hui, qui s’exprime à travers ces manifestations. Bien évidemment, les évêques appellent au calme, au fait qu’il faut faire confiance au système judiciaire en place, qu’on ne peut pas faire justice soi-même et donc, appel à la prière et au calme, au recueillement plutôt qu’aux manifestations. Mais on voit à travers cette réaction « de la rue » chrétienne pakistanaise, un sentiment de ras-le-bol qui effectivement, monte. Cette fois-ci, l’ampleur de l’attentat et sa visibilité, en plein cœur de Lahore résonne d’une manière particulière.

Il y a environ cinq millions de chrétiens au Pakistan. Comment vivent-ils ? Est-ce qu’il y a des quartiers chrétiens dans les villes ? Est-ce qu’il y a des villages chrétiens ou est-ce qu’ils sont mêlés au reste de la population ?

Les deux. Ils sont parfois mêlés. Dans les villages à la campagne, vous avez de temps en temps, quelques familles chrétiennes dans les villages principalement musulmans. Mais du fait des conditions de vie extrêmement difficiles, ils se sont regroupés et au 19° siècle, des missionnaires catholiques ou protestants ont souvent cherché à créer des villages chrétiens. Donc, cet héritage perdure et il y a encore quelques villages chrétiens dans la région du Pendjab notamment et dans les grandes villes où vous avez ce qu’on appelle « les colonies » qui sont des quartiers qui sont pour les chrétiens souvent aux allures quasi de bidonvilles puisque les chrétiens sont tout en bas de l’échelle sociale. Il y a d’autres endroits comme le lieu où a eu lieu l’attentat à Youhanabad, un quartier au sud de Lahore, dans la banlieue sud et qui regroupe entre 100.000 et 130.000 chrétiens. Donc, il y a vraiment des regroupements importants, les gens se serrent les coudes autour de leur lieu de culte. Au fil des dernières décennies, la plupart de ceux qui pouvaient partir sont partis. Donc, on connait au Pakistan un phénomène un peu semblable à ce qu’on connait au Moyen-Orient, c’est-à-dire une émigration des élites ou en tout cas de ceux qui peuvent avoir un deuxième passeport prennent cette possibilité et ne restent sur place finalement que ceux qui n’ont pas les moyens économiques ou culturelles de partir. Et c’est donc une des caractéristiques de la communauté chrétienne au Pakistan, c’est non seulement effectivement, elle est harcelée sinon persécutée du fait de sa religion mais elle est également tout en bas de l’échelle sociale. Ils sont balayeurs, éboueurs ou fermiers, paysans sans terres.

Est-ce qu’il y a quand même des élites, par exemple des hôpitaux ou des universités chrétiennes ?

Oui, c’est l’autre visage de la communauté chrétienne au Pakistan et le premier ministre pakistanais l’a souligné lorsqu’il a témoigné après l’attentat de dimanche. Il y a effectivement une élite, Dieu merci, une élite qui comme partout en Asie effectivement, est très implantée dans le domaine social à travers l’éducation, les meilleurs lycées à Karachi sont des lycées chrétiens, catholiques notamment. Saint Antony qui forme toute une partie de l’élite pakistanaise, dans les hôpitaux également. Donc, il y a un service à la nation à travers ces écoles ou ces hôpitaux dans lequel sont bien sur soigné toute personne sans distinction de religion, donc très majoritairement des musulmans puisque ce pays est à 97% musulman. Donc, oui, il y a une petite élite qui permet de représenter cette communauté chrétienne mais elle reste un tout petit groupe à côté de l’ensemble des 4 à 5 millions de chrétiens qui sont, eux, tout en bas de l’échelle sociale.








All the contents on this site are copyrighted ©.