(RV) - Entretien - 4 ans que la guerre civile a débuté en Syrie et pourtant la situation continue d’empirer, surtout pour les civils. L’ONG Médecins sans frontières profite de ce triste anniversaire pour alerter sur la situation des victimes des bombardements et des violences quotidiennes, notamment à Alep, où il est aujourd’hui quasiment impossible de trouver des prothèses ou des chaises roulantes pour les blessés.
L’armée largue par hélicoptère presque chaque jour des barils d’explosifs sur des quartiers résidentiels, qui selon Damas abritent abriter des « terroristes ». Dans cette 2e ville de Syrie, où MSF gère encore deux petits hôpitaux, les moyens humains font aussi cruellement défaut. Les médecins et infirmiers sont de plus en plus nombreux à fuir et certains sont enlevés ou tués. Mego Terzian, le président de MSF, évoque la situation à Alep. Des propos recueillis par Jean-Baptiste Cocagne.
Comment est la situation aujourd'hui à
Alep ?
La situation est de plus en plus catastrophique et
paradoxalement, l’aide amenée à ces populations du gouvernorat d’Alep a diminué par
rapport à l’année 2013. Avant la guerre, près de 2500 médecins travaillaient dans
le gouvernorat d’Alep. Aujourd’hui, à peine 100 médecins sont toujours là dans des
structures de santé créées récemment pendant la guerre et ils essayent de travailler
de leur mieux. Par exemple, dans un autre gouvernorat, pas à Alep mais dans une banlieue
de Damas où on soutient un hôpital, le médecin a raconté, il y a quelques jours, qu’ils
ont reçu 126 blessés : ils ont pu en soigner 65 et ils ont perdu près de 68 patients
parce qu’ils n’avaient plus de médicaments ou de matériel chirurgical pour apporter
des soins.
La montée en puissance de l’État islamique
a vraiment changé la donne ?
En tout cas pour nous, ça a changé la donne parce
que les commandants locaux de l’État islamique nous avaient fait des promesses de
sécurité et des garanties dans le courant de 2013 et début 2014, ces promesses n’avaient
pas été respectées et notre personnel avait été enlevé. On a été obligé de fermer
au moins quatre hôpitaux dans les gouvernorats de Raqqa, d’Idleb et aussi à Alep,
parce qu’on a estimé que les garanties de sécurité ne sont pas respectées. Tant qu’on
n’a pas de garanties de la hiérarchie de ce groupe, Médecins sans Frontières va malheureusement
faire le travail de secours a minima dans plusieurs gouvernorats, aujourd’hui, en
Syrie.
Des accords ont-ils été trouvés avec le
gouvernement de Damas ?
Malheureusement non ! Depuis le début de ce conflit
en 2011, le gouvernement de Damas a rejeté toutes
les demandes de Médecins sans Frontières pour pouvoir opérer officiellement dans le
pays. Ces négociations ont duré des semaines et des semaines, à travers des ambassades
en Europe et aussi, sur place, à Damas, mais sans succès. MSF continue d’une façon
indirecte à tenter de dialoguer avec le gouvernement pour avoir une présence officielle
dans le pays.
Est-ce qu’on peut dire que la Syrie est l’un des terrains les plus difficiles
en termes d’accès aux victimes, aux blessés ?
En tout cas, moi, j’ai 15 ans d’expérience humanitaire
avec Médecins sans Frontières. C’est mon expérience
la plus difficile. C’est la première fois, ou l’une des rares fois, où j’observe que
Médecins sans Frontières n’a pas accès à des populations qui ont besoin d’une assistance.
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