(RV) Entretien - « Un pays dans lequel les leaders ne sont pas des managers mais des hommes en mesure d’assurer le bien commun » : c’est ce que les évêques de Grande-Bretagne souhaitent en vue des élections du 7 mai prochain. Pour l’occasion, le cardinal Vincent Nichols, président de la Conférence épiscopale locale, a présenté aux médias la lettre des évêques. Notre collègue de la rédaction anglaise, Philippa Hitchen lui a posé quelques questions.
Quel est le message de cette lettre ?
La première chose est un appel à la qualité du débat
et à la réflexion pendant les prochains mois. Nous demandons en particulier aux catholiques
de prendre à cœur ce sur quoi insiste l’Évangile, c’est-à-dire la dignité de chaque
personne. Nous sommes vraiment en train de dire que nous ne voulons pas un débat idéologique :
nous voulons un débat qui naisse vraiment d’une vision de la personne humaine dans
toute sa dignité qui lui est donnée par Dieu et de la façon dont la personne progresse
ou ne réussit pas à progresser dans cette société moderne complexe. Ce sont les choses
que nous voulons entendre des candidats et non des slogans sur telle ou telle politique
en particulier.
C’est quelque chose de difficile à demander car les politiciens cherchent
naturellement des slogans pour pouvoir gagner les élections…
Oui, c’est vrai et je crains que les personnes se
fatiguent des déclarations avec effet immédiat, qui ne vont pas en profondeur ou que,
quelque fois, nous ne soyons pas prêts à analyser. En effet, parfois, les gens ne
sont pas prêts à analyser la pensée qui se cache derrière. Par exemple, toute la question
de l’immigration. J’aimerais voir un leadership politique qui ne joue pas sur la peur
des gens mais plutôt qui multiplie leurs perspectives. La Grande-Bretagne est un pays
prospère et qui peut vraiment accueillir ceux qui sont le plus désespérément dans
le besoin. Bien sûr, nous avons besoin d’une politique de l’immigration. Bien sûr,
nous avons besoin d’un contrôle de l’immigration, mais nous ne devons pas engager
le débat en cherchant à déverser sur les gens qui sont arrivés dans ce pays, l’insatisfaction
et la peur née d’une période de crise économique.
Pensez-vous finalement que les personnes sont plus intéressées par l’économie
et à ce que l’économie peut faire pour "moi et ma famille" ?
L’économie est vraiment très importante. Et l’on pourrait
dire qu’au cours des cent dernières années ou peut-être plus, la politique a suivi
l’économie. Donc il n’y a rien de mal dans le fait de décrire la façon dont ce gouvernement
va gérer l’économie et quels seront les moyens par lesquels il sera en mesure de soutenir
ma famille ou mes employés. C’est une priorité qui est juste. Mais l’économie n’est
pas un choix entre d’une part, le fait de se retrousser les manches et se démener,
et d’autre part, une aide infinie de la part de l’État. Le débat doit aller au-delà.
Il doit entrer, d’un côté, dans ce qui constitue véritablement la contribution de
l’individu et de l’autre côté, entrer dans les raisons de la pauvreté aujourd'hui
en Grande-Bretagne et pourquoi des gens, même en ayant un travail, se rendent à la
Banque alimentaire. Pour le moment, les modèles d’emplois ne sont donc pas assez bons
pour permettre aux gens de soutenir leurs familles - ce qui est le point principal,
du point de vue du travailleur, du travail - et il y a donc quelque chose qui doit
être revu. Il faut revoir de manière plus approfondie la relation entre les entreprises
et le bien commun de la société. Les activités économiques doivent aider à « réparer »
la société car aucune affaire n’aura du succès dans une société anéantie. Elle détruira
les affaires. C’est donc le genre de discussion dont nous avons besoin. De mon point
de vue, j’ai cherché à promouvoir ce type de discussion à travers une initiative au
nom de « Blue Print for Better Business » qui s'implante aussi bien dans
de grandes sociétés internationales que dans de petites sociétés comme des entreprises
familiales qui fournissent du travail à une douzaine de personnes. Mais il est très
difficile faire en sorte que les politiciens s’engagent dans ce type de débat. C’est
dommage.
Pensez-vous qu’il y a quelque chose comme un "désir de catholicisime" aujourd’hui
en Grande-Bretagne ?
Non, je pense que c’est un droit des personnes d’analyser
les choses à fond, d’embrasser une orientation, peut-être en suivant la tradition
de la famille ou peut-être en ne suivant pas les attentes culturelles, mais en cherchant
sincèrement à réfléchir à fond sur les principes, sur la vision du type de société
que nous voulons être et sur la façon dont les brèves périodes de notre gouvernement
peuvent aider à poursuivre cette vision. Cinq-six années représentent une période
assez brève pour chercher à construire une société. Ce que nous voulons de nos politiciens,
c’est qu’ils soient des leaders, non pas des managers. Nous avons besoin d’un leader
avec une vision : le rôle de la Grande-Bretagne, sa contribution au monde, au bien-être
de ses citoyens et de ceux qui en ont le plus besoin dans le monde.
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