2015-02-06 16:22:00

Crainte de famine dans le nord du Cameroun à cause de Boko Haram


(RV) Entretien- Pour la première fois, Boko Haram a lancé une attaque au Niger, contre la bourgade de Bosso, dans le sud-est du pays, à la frontière avec le Nigeria. Elle intervient alors que le parlement nigérien doit se prononcer théoriquement lundi sur une intervention militaire contre la secte islamiste. Des troupes tchadiennes sont par ailleurs disposées le long de la frontière entre le Niger et le Nigeria depuis plusieurs jours et n’ont qu’une rivière à traverser pour pénétrer en territoire nigérian.

Cette dernière attaque de Boko Haram hors du Nigeria est la dernière d’une série d’incursions à l’étranger. Dernièrement, c’est au Cameroun que les islamistes ont mené des actions violentes. Les autorités camerounaises semblent d’ailleurs dépassées et ont accepté que leur voisin du Nord, le Tchad, intervienne militairement sur son territoire dans le cadre d’une coalition militaire régionale dirigée explicitement contre le groupe islamiste et approuvée par le gouvernement d’Abuja du président sortant Goodluck Jonathan. Le Conseil de sécurité de l’ONU a ainsi invité jeudi ces pays africains à intensifier leurs opérations militaires et la coordination de leurs forces contre Boko Haram. Des dizaines d'experts africains et occidentaux participent depuis jeudi à Yaoundé à une rencontre qualifiée de « cruciale » pour le déploiement d'une force africaine de 7.500 soldats.

En attendant, ce sont les populations civiles qui paient le tribut le plus lourd aux exactions commises par les djihadistes, et notamment dans le nord du Cameroun, zone la plus touchée par les récentes attaques de Boko Haram. Mgr Jean Mbarga, l’archevêque de Yaoundé, revient au micro de Xavier Sartre sur les exactions commises par les islamistes et sur leurs conséquences sur le Cameroun :

Boko Haram crée au Cameroun une crise inexplicable. Le projet de Boko Haram a commencé par des gestes de pirates, des missionnaires qui ont été enlevés et puis finalement, de là, on est parti vers quelque chose de plus pervers, des agressions réelles jusqu’au jour où notre président a déclaré la guerre. De fait, Boko Haram en faisait déjà un peu trop. Donc, nous pouvons dire une chose simple : naturellement, Boko Haram a sa base-arrière au Nigéria voisin et de là, ils viennent régulièrement attaquer, rançonner et piller les populations du nord du pays. Cela a des conséquences. D’abord, la frontière nigériane-camerounaise était un lieu d’activités commerciales. Cela ne peut plus se faire. Les gens ne peuvent plus s’adonner à l’agriculture parce qu’ils pillent tout. Les éleveurs sont saisis, tués et les bêtes enlevées. Bref, il n’y a plus de possibilités d’entreprendre quoi que ce soit pour ces populations. Donc, nous redoutons bientôt une grande famine et puis, une déstabilisation profonde. Les réfugiés affluent de partout, les populations locales sont déplacées. Bref, c’est un peu une situation impensable. Aujourd’hui plus que hier, Boko Haram s’est armé d’armes lourdes et tue sans aucune hésitation. Nous avons appris des témoignages reçus que Boko Haram tue autant les musulmans que les chrétiens. Ils brûlent les mosquées autant qu’ils brûlent les Églises. Donc, c’est une force aveugle, des pirates d’une autre époque où la barbarie est inexplicable. Et la manière de tuer est vraiment symbolique de leur inhumanité.

Que fait au juste l’Église, à son niveau, au Cameroun ?

Par rapport à tout cela, nous, les évêques, nous avons lancé l’appel pour l’unité de tous les Camerounais, afin d’être unis face à l’agression qui est réelle, forte et inhumaine. Nous avons aussi lancé un appel à la solidarité parce qu’il faudra aider les populations du nord qui vont vivre, ces jours-ci. des moments particulièrement difficiles. On doit dire que maintenant, c’est la saison sèche qui arrive et donc, ils vont devoir affronter une grande famine. Pour cela, nous avons aussi lancé un appel à l’international en disant que le Cameroun, à lui tout seul, ne peut pas affronter cette nébuleuse. On ne peut pas savoir si ce sont des djihadistes, des islamistes. Il y a tous les noms. Et donc, nous nous réjouissons qu’aujourd’hui, des efforts sont en train d’être réalisés pour pouvoir permettre que les pays se coalisent pour mettre fin à cette situation qui est fortement regrettable et qui aura fait beaucoup de mal. Peut-être qu’il faudra attendre un peu pour connaître l’ampleur du massacre, tellement il y en a.

Vous approuvez l’intervention armée du Tchad dans le nord de votre pays ?

Nous sommes en légitime défense et le Tchad autant que nous. Le Tchad a compris aussi que ces adversaires ne vont pas tarder. Jusqu’à une certaine date, ils étaient en paix avec nous. Et puis, ils ont ouvert la guerre. Et je pense que le Tchad a compris quelque chose. En barrant le nord du Cameroun, le Tchad s’est coupé des vivres puisque tout passe par là et de même au sud du Nigéria. Donc, par solidarité, nous approuvons qu’en ce moment, on ait besoin de forces de défense pour pouvoir résister à ces attaques inexplicables et barbares.

Selon vous, la coexistence entre les communautés chrétiennes et musulmanes au Cameroun, est-elle menacée ou au contraire, vous, en tant qu’homme d’Église, vous faites tout pour maintenir les liens entre tous les Camerounais ?

La question au Cameroun n’est pas posée en termes de religion. Le phénomène Boko Haram ne traduit en rien l’Islam. Les musulmans eux-mêmes le rejettent, le condamnent et je crois que la mobilisation au Cameroun est générale, unie face à un adversaire vraiment de plus en plus nocif. 








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