2015-02-06 17:05:00

A-M Pelletier : "il y a une désaffection des femmes pour l'Eglise"


(RV) Entretien- « Les cultures féminines : égalité et différence » : c’est le thème de l’Assemblée plénière du Conseil pontifical pour la Culture, qui se tient à Rome jusqu’à samedi 7 février.

Ce vendredi, la théologienne et exégète française Anne-Marie Pelletier a été invitée par les responsables de cet événement à animer un débat intitulé : « Femmes et religion : fuite ou recherche de nouveaux modèles participatifs ? ». Celle qui a reçu le Prix Ratzinger l’an dernier – souvent surnommé le Prix Nobel de théologie – revient au micro de Jean-Baptiste Cocagne sur le sens de tels débats au Vatican :

A quoi sert une rencontre telle que cette Assemblée plénière, consacrée à la place des femmes dans l'Eglise ?

Je crois que le questionnement existe de fait dans l’Église, puissamment, je dirais, sur le terrain. La nouveauté, d’une certaine manière et l’importance de cette rencontre, c’est que nous puissions être, nous, femmes et hommes laïques- parce que cela engage aussi l’identité des laïques-  en dialogue et en échange avec des représentants du magistère sur cette question.

Le thème de votre intervention s’intitule « Femmes et religion : fuite ou recherche de nouveaux modèles participatifs ? ».  Il y a le mot « fuite » dedans. Selon vous, comment l’interprétez ?

Effectivement, ce mot de « fuite » fait partie du programme, tel qu’il a été élaboré par les responsables de cette rencontre. Alors, fuite peut s’entendre en deux sens. En un sens que j’ai entendu spontanément et je crois que c’est celui que les organisateurs avaient en tête, à savoir qu’il existe aujourd’hui une désaffection des femmes pour l’Église, pour la participation à la vie de l’Église. C’est évidemment un souci du magistère et normalement de l’ensemble de l’Église que de s’interroger sur ce qui écarte les femmes, finalement, de la participation à la vie de l’église et quelquefois même, de la pratique chrétienne. Un autre sens du mot « fuite », ce serait qu’effectivement, il y a une tendance forte, une tendance lourde, probablement depuis toujours et peut-être un peu moins aujourd’hui que dans le passé, à ignorer ce genre de problèmes. Et l’intérêt de ces journées de rencontres, c’est précisément de donner une visibilité à la question.

Une désaffection des femmes pour l’Église. Selon vous, pourquoi ?

Je pense qu’il y a tout de même un écart assez sensible entre les grandes évolutions qui se font aujourd’hui dans la société où les femmes acquièrent de plus en plus d’autonomie, de capacité à intervenir dans la sphère sociale, politique et économique. Et puis, une Église catholique qui reste, qu’on le veuille ou non, fondamentalement masculine.

Dans le thème, il y a aussi «  cultures féminines », au pluriel. Le « s » est-il important dans l’intitulé de cette assemblée plénière ?

Alors, le pluriel est capital car nous avons tendance et j’ai envie de dire, spécialement dans l’Église, lorsque nous réfléchissons ces questions, disons un peu brutalement, à essentialiser les femmes et donc, à parler de « la » femme au singulier et de surcroît, quelque fois en ajoutant une majuscule,   «  la Femme ». C’est absolument capital de se souvenir que la femme n’existe qu’à travers des femmes. Donc, à travers la spécificité de profils personnels et puis aussi, la spécificité des cultures du monde.

Vous avez été lauréate, il y a quelque mois, du prix Ratzinger. Est-ce que cela a changé quelque chose véritablement pour vous ou en tout cas, dans la portée de ce que vous dites aujourd’hui ?

Ce prix, je l’ai dès le début conçu comme justement, une reconnaissance des femmes dans l’Église. C’est ainsi que j’ai supporté le choc de ce prix auquel je ne m’attendais vraiment pas et que j’ai vécu un peu spontanément comme surdimensionné. Mais ce qui tout d’un coup m’est apparu, c’est qu’à travers moi, c’était effectivement une reconnaissance du travail colossal qu’accomplissent les femmes au service de l’Évangile dans nos sociétés. Et du coup, oui, probablement que ce prix donne un petit peu plus de poids à ce que je peux exprimer sur ce sujet-là ou bien aussi tout simplement dans mes activités d’enseignement, à l’intérieur de l’Église, quand je m’adresse, par exemple, à des séminaristes.

Le Pape François fait souvent référence à la figure maternelle, à la figure de la femme dans ces discours. Est-ce qu’il y a quelque chose de nouveau avec le Pape François vis-à-vis de la place de la femme dans l’Église ?

De nouveau, oui puisque c’est une voie nouvelle et en même temps, c’est une voie qui s’inscrit dans la lignée des voies précédentes d’autres Papes. Donc, en ce sens-là, il prolonge et il relance des choses qui ont été dites, qui ont été souhaitées et qui ont été même impulsées dans le passé. Pour ma part, j’étais tout de même frappée de ce qu’il utilise le mot de « chantier », en invitant à ouvrir un chantier. J’ai trouvé que le mot était un peu saisissant puisqu’on ouvre un chantier quand une question est inaugurale alors que beaucoup a été dit et fait dans l’Église et je me suis dit « Tiens, le Pape François a l’idée que finalement, tout cela ne suffit pas et qu’il y a encore beaucoup à faire ». Je me suis dit « en ce sens-là, il aura joint typiquement ce que beaucoup de femmes dans l’Église sont en train de penser ». 








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