2015-02-04 17:03:00

RDC : l'alternance politique est nécessaire


(RV) Entretien - De la nécessité de l’alternance démocratique en Afrique : c’était le thème d’une conférence-débat qui s’est tenue à Paris ce mardi, sous l’égide, entre autres, de Secours Catholique-Caritas France. Parmi les intervenants, Mgr Fridolin Ambongo, président de la commission Justice et paix de la CENCO, la conférence épiscopale congolaise.

On sait que la question de l’alternance politique est brûlante en République démocratique du Congo (RDC). Fin janvier, le vote sur le projet de réforme de la loi électorale, en faveur du président actuel, avait provoqué de violents heurts entre forces de l’ordre et opposants à cette loi ; des violences qui s’étaient soldées par plusieurs morts et blessés, et entraîné de nombreuses arrestations.

Le calme semble aujourd’hui être revenu dans le pays, notamment à Kinshasa, épicentre de la contestation, mais reste fragile. Mgr Fridolin Ambongo, président de la commission Justice et paix de la CENCO, évoque la situation présente, et les interrogations qui demeurent, avec Manuella Affejee.

Quelle est la situation actuellement en RDC ?
Il y a quand même une accalmie à Kinshasa, parce que les gens attendaient cela. Depuis que cette loi a été modifiée, il y a une accalmie. Cependant, il y a eu beaucoup d’arrestations. Tous ces gens qui ont été arrêtés et jetés en prison sont considérés généralement comme des malfaiteurs, des pillards, etc. Ce n’est pas vrai. De notre point de vue, il y a peut-être des gens qui ont fait des dégâts mais il y a des personnalités qui sont injustement arrêtées. Pour nous, ce sont des prisonniers d’opinion politique.

Qu’est-ce que vous demandez au pouvoir actuellement ?
Tout simplement leur libération. Un pouvoir n’a pas le droit d’arrêter quelqu’un s’il n’a pas commis un délit. Si quelqu’un exprime son opinion politique, ce n’est pas un délit, c’est d’ailleurs constitutionnel. Dès qu’on arrête des gens, qu’on invente des histoires pour les accabler, c’est inacceptable. Nous demandons leur libération. Vous savez aussi que depuis ces évènements jusqu’à aujourd’hui, Internet est coupé. On ne peut pas communiquer via Internet. Les sms sont supprimés. Ce n’est pas normal. Rien que du point de vue économique, comment est-ce que les affaires peuvent fonctionner ?

Est-ce que vous diriez que la démocratie est en danger en RDC ?
Je dirais que oui parce que nous avons beaucoup d’inquiétudes. Malgré le fait que le gouvernement a reculé face à la révolte du peuple. Jusque là, le pouvoir en place n’a pas encore clarifié sa position par rapport au maintien au pouvoir du président actuel, le président Kabila, au-delà de 2016. Il y a un silence absolu. Un deuxième élément nous inquiète, c’est la publication du calendrier électoral. Jusque là, la Ceni (Commission électorale nationale indépendante) n’a publié qu’un calendrier partiel. Pourquoi ne publie-t-on pas un calendrier global incluant les élections présidentielles et législatives de l’année prochaine ? Ces deux points nous font craindre que le pouvoir a encore d’autres intentions et nous ne savons pas lesquelles. Ça nous inquiète !

C’est donc dans ce contexte que vous intervenez à une conférence-débat sur l’alternance démocratique en Afrique. Cncrètement, pourquoi l’alternance politique en Afrique est-elle nécessaire ? Pourquoi cela constitue-t-il un véritable défi ?
Il y a deux objectifs que nous poursuivons avec notre mission de plaidoyer, ici, en Occident. C’est d’abord du point de vue politique : la nécessité d’une alternance politique, démocratique dans nos pays, notamment en République Démocratique du Congo, au Congo-Brazzaville, au Burundi et puis demain, au Rwanda et dans les autres pays qui sont concernés. Le premier objectif est donc cet effort-là. Nous voyons quand même que nos différents peuples d’Afrique sont aujourd’hui politiquement mûrs. Il y a une maturité politique de la part du peuple qui n’accepte plus qu’on le traite, qu’on le manipule comme on faisait autrefois, il y a de cela des décennies. Aujourd’hui, le peuple s’est dressé, il veut prendre sa destinée en main et il dit non à toutes ces manœuvres qui visent tout simplement à maintenir au pouvoir des individus. Le deuxième objectif de notre visite, c’est un plaidoyer auprès de puissances occidentales pour qu’elles puissent adopter une loi contraignante sur la gestion de ressources naturelles chez nous, un peu sur le modèle de la loi américaine appelée loi Dodd-Frank, parce que nous sommes convaincus qu’il n’y aura pas de vraie démocratie dans nos régions si nos ressources naturelles sont seulement gérées par des groupes, parfois même des groupes mafieux, et qui ne profitent qu’à une petite oligarchie au mépris de l’intérêt général du peuple. Démocratie et transparence dans la gestion de nos ressources naturelles : voilà les deux objectifs de notre plaidoyer.

Vous évoquez le rôle possible de la communauté Internationale, un rôle de pression. Qu’en est-il du rôle de l’Église dans tout cela ?
Vous connaissez la réalité de la République Démocratique du Congo. L’Église catholique est mère et éducatrice. En tant que mère, notre rôle, est d’accompagner le peuple dans ses efforts, sa quête vers plus de dignité, de respectabilité, de démocratie. Là, nous sommes à côté du peuple pour l’accompagner. Mais l’Église est aussi éducatrice. Notre rôle est d’éduquer le peuple dans le sens de la démocratie, dans le sens de revendication de ses droits, sans recourir à la violence. C’est un travail que nous avons déjà commencé depuis presque une décennie à travers notre programme intitulé « Éducation civique et électorale ».

Tous les problèmes que vous évoquez - l’alternance politique, l’alternance démocratique - en quoi tout cela peut-il nous interpeller nous, Européens ?
Nous pensons que l’Europe a un rôle déterminant dans ce qui se passe chez nous. Toutes les dictatures en Afrique ont été soutenues par des puissances occidentales. Pour que le système, que ces dictatures en Afrique puissent fonctionner, il faut qu’il y ait un parrain quelque part. Alors, en allant parler à ces parrains - ce qui nous fait beaucoup de bien aujourd’hui – on voit que l’Europe est dans une situation de changement. L’Europe ne cautionne plus les dictatures et elle n’accepte plus cette velléité de changement constitutionnel pour le maintien au pouvoir d’un homme. Je crois qu’une page vient d’être tournée. 








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