Mgr Paglia : « Dieu envoie en mission Mgr Romero et le Pape François »

(RV) Entretien - L’annonce en a été faite ce mardi et a été saluée avec une joie immense au Salvador et dans toute l’Amérique latine : Mgr Oscar Romero, l’archevêque de San Salvador assassiné en pleine messe en 1980, a été officiellement reconnu comme martyr et sera béatifié dans les prochains mois. A l’approche de cet évènement, dont la date précise n’est pas encore fixée, une conférence de presse a été organisée ce mercredi matin en la salle de presse du Saint-Siège, en présence notamment du père Jesus Delgado, qui fut le secrétaire de Mgr Romero durant ses trois ans d’épiscopat à San Salvador.

Contrairement à l’image que beaucoup se font aujourd’hui de Mgr Romero, il a expliqué que sa nomination dans la capitale salvadorienne en 1977, alors qu’il avait une réputation de prélat conservateur, avait été accueillie très froidement par le clergé local. C’est donc très progressivement que des liens d’intimité se sont créés entre Mgr Romero, ses prêtres et les pauvres du diocèse. Des liens de solidarité tissés dans le contexte de l’après-Concile Vatican II et d’un engagement fort de l’Eglise dans la société, au nom d’une théologie de la libération assumée, mais « celle de Paul VI », tenait à préciser Jesus Delgado, et non celle des révolutionnaires adeptes de la lutte armée.

Les positions de Mgr Romero en faveur de la paix et de la justice sociale lui avaient d’ailleurs valu des menaces de mort venant tant de l’extrême-gauche que de l’extrême-droite. Mgr Vincenzo Paglia, connu au Vatican comme président du Conseil pontifical pour la famille, est aussi le postulateur de la cause de béatification de Mgr Romero. Durant la conférence de presse, il a dit sa joie de voir bientôt élevé aux autels cette personnalité très aimée et respectée dans tous les couches de la société salvadorienne. Il évoque au micro de Cyprien Viet le sens de cette béatification pour l’Eglise d’Amérique latine et, plus largement, pour le monde.

Quelle est la signification de la béatification de Mgr Romero ?
Je crois que la béatification de Mgr Romero a une signification profonde pour le petit pays du Salvador et pour le continent latino-américain parce que c’est le fruit absolument splendide d’un christianisme qui a choisi de se mélanger avec les plus pauvres, pas un christianisme qui est tourné vers lui-même, comme nous pouvons le faire en discutant sur les principes, sur les théories, sur le rite liturgique. Romero a choisi d’aller dans les milieux des pauvres, dans les banlieues pour semer la vérité de l’Evangile qui donne un espoir à tous, en partant du plus pauvre. Je crois que la coïncidence de son témoignage avec le pontificat du Pape François signifie que Dieu les envoie en mission tous les deux. Je le vois, à côté du Pape François, dans une église, en sortant vers les plus pauvres. C’est pour cela que c’est une personnalité, un évêque qui est un exemple pour tous les évêques, pour tous les prêtres, pour tous les chrétiens et aussi pour les hommes de bonne volonté.

Le monde actuel est frappé par des phénomènes de violence parfois absurdes contre lesquels on a du mal à se positionner. Est-ce que c’est aussi un exemple de rapport à la violence, de savoir comment désarmer l’adversaire ?
Oui, Mgr Romero est contraire au fait de préserver sa vie pour soi-même, pour être en bonté, pour être en bonne santé, pour être tranquille. Il est contraire à cette attitude et à l’autre attitude, peut-être plus violente, d’éliminer la vie des autres avec des attentats, avec la guerre, pour la défense de ses propres droits. Mais nous croyons que l’amour évangélique est la force révolutionnaire que le monde d’aujourd’hui doit redécouvrir. Le Seigneur l’a donné en abondance. A nous de l’accueillir et de l’utiliser dans un certain sens.