(RV) Entretien - La Cour pénale internationale (CPI) a ouvert vendredi 16 janvier une enquête préliminaire contre Israël pour crimes de guerre en Palestine. Il est reproché à l’état d’Israël d’avoir violé un grand principe de droit international : celui de la distinction entre objectifs civils et objectifs militaires.
La CPI a annoncé qu'elle allait ouvrir un examen préliminaire, étape préalable à une enquête, sur ces « crimes de guerre présumés » en Palestine en juillet et en août 2014, lorsqu’Israël avait lancé son offensive contre la Bande de Gaza, provoquant la mort de près de 2.200 Palestiniens, en grande majorité des civils.
L’ouverture de cette enquête planait depuis l’adhésion de la Palestine, en janvier dernier, à la Cour pénale internationale. La démarche palestinienne a immédiatement été qualifiée par les Etats-Unis d’« escalade contre-productive » qui « alourdit le climat » avec Israël.
Selon Werner Hoeffner, juriste spécialisé en droit international, cette enquête préliminaire de la CPI contre Israël pourrait en effet geler le dialogue de paix entre le gouvernement israélien et la Palestine, comme il l’explique à Fanny Cheyrou.
Comment interpréter la démarche d'adhésion de la Palestine à la CPI ?
La démarche palestienne est assez fine parce qu’à la riposte des États-Unis et d’Israël
(qui ne sont pas parties au statut de la Cour), l’Autorité palestienne oppose une
démarche qui est fondée sur le droit. En fait, ce qui est vraiment en jeu derrière
la simple question de la CPI, c’est une dynamique diplomatique qui vise à permettre
à la Palestine d’obtenir la reconnaissance officielle en qualité d’État. Ce sont les
opérations menées par Israël en juillet-août 2014 qui sont en ligne de mire. Mais
après, quand un État, quel qu’il soit, adhère à la CPI, ça donne tout à fait mandat
aux autorités de la Cour d’examiner si lui-même ne connaît pas des crimes qui entrent
dans son statut.
Est-ce qu’Israël a un quelconque moyen d’échapper à cette enquête de la
CPI ?
Le Procureur va mener son examen préliminaire. Supposons
que la Chambre préliminaire lui donne feu vert et qu’il puisse continuer son enquête,
la Cour ne pourra être compétente, à partir de ce stade-là, que s’il est démontré
que les tribunaux israéliens n’ont pas d’ores et déjà été jugé les responsables des
violations alléguées du statut. C’est ce qui est en train de se passer parce qu’au
moment où nous parlons, l’avocat général de l’armée israélienne a ouvert un certain
nombre d’enquêtes en Israël devant les tribunaux israéliens, au sujet d’incidents
au cours de l’opération à Gaza, au mois de juillet et août 2014. Ce qui veut dire
qu’Israël est en train, potentiellement, de juger les personnes qui pourraient tomber
dans le filet de la CPI. Si Israël mène ces procédures de bout en bout avec sérieux
et que rien ne peut être contesté, alors la CPI pourra difficilement se déclarer compétente.
C’est ce qu’on appelle le principe de complémentarité.
Et que se passera-t-il si la chambre préliminaire autorise le Procureur
à ouvrir une enquête ?
On se retrouvera alors dans un mécanisme très classique.
Ce sera donc au Procureur d’enquêter et si la gravité des faits est avéré au regard
du statut et si un certain nombre d’autres conditions sont remplies, on pourra avoir
un procès en bonne et due forme devant la CPI.
Est-ce que cette démarche palestienne qui vise à rendre Israël coupable
de crimes de guerre ne risque pas de geler le dialogue de paix ?
Il y a beaucoup d’éléments qui font de cette démarche
aujourd'hui une démarche assez contre-productive sur le plan diplomatique. Ce qui
nous ferait dire, a priori, que les États-Unis sont dans le vrai en estimant que diplomatiquement,
cette démarche est problématique, c’est le jeu des taxes, qui sont pour le moment
confisquées et mises sous séquestre par l’État d’Israël. Israël est chargé de collecter
un certain nombre de taxes qui sont ensuite reversées à l’Autorité palestienne. Ce
qu’il faut bien comprendre est que le budget de l’Autorité palestienne est tributaire
à plus de 90% de ces sommes-là. Israël, en réaction, a indiqué qu’elle bloquait les
fonds sine die jusqu’à ce que la situation décante.
106 millions d’euros de taxes collectées. La Palestine se met quand même
en danger ?
Bien sûr ! C’est la ressource première pour le fonctionnement
de l’Autorité palestienne. En être privé ouvre la voie au gel du versement des salaires,
puis à leur blocage, à leur annulation pure et simple et donc, à une escalade de la
violence. À l’évidence, ce blocage de l’essentiel du budget n’est pas un élément favorable
pour le maintien de la paix et de l’ordre social. Surtout que ces taxes-là sont dues
! Soyons clairs, ce ne sont pas des dons. Ce sont des taxes qui ont été perçues en
vertu d’un accord international. Cet accord doit être respecté et clairement, il ne
l’est pas. Je doute effectivement qu’Israël accepte de rétablir le versement des taxes
à horizon immédiat, sous couvert d’enquêtes qui risquent d’être diligentées sur son
propre territoire.
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