2015-01-17 13:00:00

Journée du migrant en France dans un climat de peur


(RV) - Entretien - « Eglise sans frontières. Mère de tous », c’est le thème de la 101ème Journée mondiale du migrant et du réfugié, célébrée dimanche 18 janvier. Une journée instituée en 1914, par le Pape Benoît XV. Dans de nombreux diocèses, paroisses et communautés multiplient les initiatives : organisation de temps de partage, prières universelles dans plusieurs langues, concerts, animations pour les enfants…etc. L’objectif est de promouvoir la culture de la rencontre. C’est l’appel qu’a lancé le Pape François dans son message, à l’occasion de cette journée, publié en septembre dernier.

Le Saint-Père avait en effet exhorté à passer d’une attitude « de défense et de peur, de désintérêt et de marginalisation, à une attitude qui ait comme base la culture de la rencontre ». Cette année, cette journée se tient en France dans un contexte très particulier, après les attaques à Paris et à Montrouge qui ont fait 17 morts et traumatisé toute une nation. C’est ce que nous explique le père Lorenzo Prencipe, sociologue, théologien, directeur du Service national de la pastorale des migrants et des personnes itinérantes, au sein de la conférences des évêques de France. Des propos recueillis par Hélène Destombes.

« C’est un contexte un peu préoccupant suite aux attentats que nous venons de vivre, un climat de peur, de méfiance et de difficulté que toute la société vit en ce moment particulier. Mais la journée mondiale du migrant et du réfugié tombe justement dans une situation difficile pour inviter et réinviter toujours les croyants catholiques, mais aussi les croyants de toute religion, à redécouvrir que le seul chemin pour une cohabitation et pour un vivre-ensemble raisonnable, paisible et efficace, c’est redécouvrir la rencontre, le respect de l’autre et essayer de dépasser toute frontière, non seulement géographique mais aussi toute frontière culturelle et individuelle que nous érigeons pour nous protéger de cette peur de l’autre.

Depuis les attaques qui ont eu lieu à Paris et à Montrouge, est-ce que les migrants que vous accueillez subissent des critiques ? Est-ce que le regard que la population porte sur eux a changé ?

Je pense surtout qu’auprès des migrants de foi musulmane, plus que le regard de l’autre, c’est l’auto-regard des migrants eux-mêmes qui est victime de cette situation. Ils ont presque l’impression qu’il y a des erreurs quelque part, même dans leur manière de croire ou de vivre l’Islam.

Il y en a quelques uns qui disent : « après tout ce qui s’est passé, j’ai presque honte de mon appartenance ». Mais derrière cela, ce qui émerge, c’est justement la nécessité et le besoin de redécouvrir et de s’accrocher à la véritable dimension de la religion. Et la véritable dimension de toute religion et aussi de l’Islam, c’est d’aider les personnes à vivre paisiblement, à vivre avec eux-mêmes et avec les autres dans un climat et dans un contexte de respect mutuel.

Et donc, redécouvrir les racines de nos attaches et de nos croyances. C’est à mon avis le défi de cette situation et de ce climat conséquents aux attentats pour chacun, pour tout citoyen, pour toute personne qui vit dans cette société, non seulement en France mais aussi dans toute l’Europe.

L’accueil des étrangers dans les paroisses posent de nouvelles questions. Il modifie aussi, en quelque sorte, le visage des paroisses. Ces paroisses doivent-elles devenir des communautés de communautés ?

On peut dire que démographiquement, elles le sont déjà. Démographiquement, si nous participons à des célébrations ou des rencontres dans les paroisses, nous nous apercevons immédiatement que la composition démographique des populations est déjà diversifiée par rapport au passé.

Mais le constat d’une différence et d’une diversité ne suffit pas. Il y a un besoin de réflexion, de connaissance mutuelle et un besoin de reconnaitre que chacun apporte quelque chose de positif dans la cohabitation et dans la construction de la société et de l’Église.

Et donc, une communauté de communauté, c’est justement l’expression qui peut traduire aujourd’hui ce besoin de communion, ce besoin d’universalité que l’Église catholique a dans son ADN, dans sa génétique. L’Église est catholique parce qu’elle est ouverte. Elle n’a pas de frontières à ériger. Elle n’a pas de barrières, de murs à construire. L’Église dépasse toujours cette dimension d’enfermement et de peur parce que l’Église est construite depuis le début sur un Araméen errant qui a été invité par notre Dieu à sortir de sa terre, à aller vers une terre nouvelle qui est la terre du royaume, la terre indiquée par le Seigneur d’une cohabitation généreuse et ouverte envers les autres. »








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