2015-01-02 08:27:00

2014 en Ukraine : Les Eglises face à la crise politique


(RV) Entretien- L’actualité 2014 a été marquée par le conflit ukrainien. En février 2014, la place de l’Indépendance s’est embrasée à Kiev. Au départ pacifiques pour protester contre le  rejet d'un accord d'association avec l'Union européenne, les manifestations s'émaillent de violences. Des barricades sont montées. En mars, le parlement de Crimée, au terme d'un référendum unilatéral proclame la sécession de la République de Crimée et son rattachement à la Russie. Dans le Donbass, les séparatistes pro russes tentent de suivre le mouvement. Les nouvelles autorités de Kiev pro européennes ne le permettent pas, sans parvenir à reprendre le contrôle de Donetsk et Lougansk. Comment les Eglises, gréco-catholiques et du patriarcat de Kiev, ont-elles vécu cette évolution ?

La réponse de Antoine Arjakowski, Directeur de recherches au Collège des Bernardins, et auteur de « Russie-Ukraine : de la guerre à la paix ? » (Paris, Parole et Silence, 2014) :

Dans les 90% du territoire ukrainien, les Églises se réjouissent de la nouvelle situation politique. Arseni Iatseniouk, le premier ministre est lui-même gréco-catholique. Le président Porosenko est lui-même orthodoxe. Il y a beaucoup de députés qui ont été élu, qui se définissent comme chrétiens comme par exemple le maire de…Henri Sadovic qui a formé une liste Sadikovic qui a eu beaucoup de voix aux dernières élections. Donc, ce qui se passe dans le pays en Ukraine, c’est plutôt positif depuis la révolution de la dignité, des Églises sont respectées, reconnues. Les institutions chrétiennes comme les universités, l’université catholique d’Ukraine et d’autres institutions chrétiennes comme les écoles chrétiennes sont reconnues maintenant par le gouvernement alors que dans le gouvernement précédent d’Ianukovitch, c’était au contraire une situation de tension permanente. Maintenant, c’est vrai que dans cette région du Donbass, qui est occupé -on peut le dire- par la Russie, puisque ce sont des armements russes et des soldats russes qui sont dans la région de Donetsk et de Lougansk. C’est extrêmement préoccupant. Il y a effectivement une armée orthodoxe qui a été créée et qui a été soutenue par le patriarcat de Moscou, qui contribue à la guerre, à l’offensive anti-ukrainienne et là, ça provoque des tensions très fortes. C’est une zone de non-droit. Les gens vivent dans des caves, les personnes âgées ne reçoivent pas leur pension et donc, il y a une situation humanitaire extrêmement grave. Les Églises qui pourraient agir sur le terrain pour aider ces personnes sont également considérées comme des agents de l’étranger, comme des agents de Kiev, etc. Donc, elles ne peuvent pas vraiment agir.

Le cardinal Schönborn a été récemment l’envoyé du Pape François en Ukraine, pour les 25 ans du retour à la légalité de l’Église gréco-catholique sur place. Il a entendu des témoins de prêtres évoquant même le retour d’une Église des catacombes.

On a parlé d’une Église persécutée essentiellement en Crimée. En Crimée, il y a la loi russe qui est beaucoup plus sévère vis-à-vis des religions non reconnues et notamment vis-à-vis des orthodoxes du patriarcat de Kiev qui doivent réenregistrer leur paroisse mais également vis-à-vis des Églises gréco-catholiques et qui sont désignées comme des ennemis de la part du patriarcat de Moscou. Oui, il y a des témoignages venant des prêtres de cette Église gréco-catholique expliquant qu’ils ont beaucoup de problèmes juridiques pour se faire reconnaitre et pour mener leurs activités pastorales.

Vous parlez des difficultés pastorales. A quoi pensez-vous ?

Le premier ministre de Crimée, Monsieur Aksionov, est quelqu’un qui a été condamné par la justice ukrainienne pour avoir détourné plusieurs millions d’Hryvnia. Le procureur de la République de Crimée, c’est une personne qui n’a aucun diplôme et qui a été nommé là au mois de mars. Il n’a aucune compétence dans son domaine. C’est un gouvernement complètement improvisé et manipulé depuis Moscou et qui pose un certain nombre de difficultés à l’ensemble des institutions de Crimée qui cherchaient à continuer à vivre comme auparavant, c’est-à-dire dans un état démocratique libre. Il y a une nouvelle configuration politique et les Églises en souffrent, ce que notamment l’Église gréco-catholique ukrainienne et l’Église du patriarcat de Kiev étaient des Églises qui soutenaient le mouvement de la révolution de la dignité qui était un mouvement contre la corruption et en faveur de la défense des libertés individuelles. Vous savez qu’il y a plusieurs personnes qui ont été arrêtées, qui sont en prison, qui sont torturées. L’armée russe détient plus de 900 prisonniers ukrainiens dans le Donbass mais aussi en Crimée. C’est une situation humanitaire extrêmement difficile. 








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