2014-12-03 16:15:00

Le Père Bernard Kinvi, sa vie pour la paix en Centrafrique


(RV) - Entretien - Il est prêtre, catholique, et a sauvé la vie de centaines de musulmans, au risque de sa propre vie. Le père Bernard Kinvi est un exemple de courage et de charité dans un pays détruit par la violence : la Centrafrique. Ce religieux camillien togolais dirige l’hôpital de la mission catholique de Bossemptelé. C’est dans cette ville, située à plus de 200 km de Bangui, que le 18 janvier 2014, des centaines de civils sont massacrés par des anti-balaka, les milices d’auto-défense. Malgré le danger, le père Bernard continue sa mission : soigner les blessés et accueillir les déplacés, sans aucune discrimination. L’ONG Human Rights Watch lui a remis le Prix Alison Des Forges pour récompenser son action. Une action qu’il va poursuivre à son retour en Centrafrique, en janvier prochain. Car le père Bernard Kinvi est pour quelques semaines en Europe. A Rome, Adélaïde Patrignani l’a rencontré. Il commente d’abord la situation en Centrafrique :

Le père Bernard Kinvi appartient à l’ordre fondé par Saint Camille de Lellis au XVIe siècle. Les religieux camilliens prononcent quatre vœux : pauvreté, chasteté, obéissance, et celui de soigner les malades, même contagieux, au péril de notre vie. Un engagement qui a motivé le père Bernard à continuer sa mission, quelle qu’en soit l’issue :

Plusieurs fois, le père Bernard a senti qu’il risquait de mourir. Il nous raconte un de ces moments où sa vie et celle des autres étaient en jeu :

Plus qu’une épreuve physique et morale, le conflit centrafricain est aussi un parcours spirituel qui transforme la  foi. Celle du père Bernard Kinvi, loin de s’affaiblir, a grandi. Écoutons-le :

 

Objectivement, je ne peux pas dire que la situation est calme. On peut dire qu’il y a un calme précaire mais il y a toujours des zones de conflit dans le pays. On sait que beaucoup de milices sont encore armées. Et parfois, ils agissent encore sans être inquiétés. Et donc, de façon générale, la situation est très précaire. En réalité, personne n’a été désarmé. Et si un groupe de rébellion se fâche, il peut y avoir encore des situations désastreuses dans le pays.

Selon vous, qu’est-ce qu’il faudrait faire pour que la paix revienne ? Est-ce qu’il faudrait de l’aide matérielle, de l’aide militaire ? Est-ce que cette aide doit venir du gouvernement ou de l’extérieur ?

C’est un problème centrafricain. Et c’est d’abord à la Centrafrique de penser à une résolution des problèmes, à une sortie de crise. Il faudrait une prise de conscience de chaque Centrafricain et que chacun cherche vraiment à rétablir la paix. Et que chacun comprenne, avant tout, qu’il y a beaucoup de personnes qui vivaient dans la pauvreté et qui n’avaient pas accès aux soins. Ces personnes ont besoin de vivre. Donc, toutes les personnes qui ne sont pas en Centrafrique, qui voudraient aider les Centrafricains, qu’ils les aident à s’auto-suffire à eux-mêmes en les aidant à développer leurs ressources et en les aidant dans l’éducation parce que quand l’éducation n’existe pas, on ne peut pas espérer une paix durable.

Pendant ce conflit, vous avez décidé d’aider la population, quelque soit la religion des personnes. Qu’est-ce qui vous a décidé à faire cela ? Est-ce que vous faisiez cela aussi avant la guerre ?

Avant tout, je suis un prêtre. Un prêtre camillien fait le vœu de servir les malades, même au péril de la vie. Et donc, je me suis retrouvé dans une situation où je voyais des blessés par balles et des malades qui venaient dans l’hôpital où je suis responsable. Mon travail est d’accueillir toute personne, tout être humain qui vient à moi pour se faire soigner. Moi, je n’ai pas à voir qui est cette personne, voir son identité ou sa religion, à savoir s’il est un rebelle ou pas. C’est un être humain créé par Dieu. Voilà pourquoi je les soigne. Nous n’avons pas à faire de distinction entre les gens.

Qu’est-ce qui vous a permis de tenir ?

Avant tout, le premier soutien, c’est le Christ lui-même. Au milieu de ces angoisses, de ces peines, de cette souffrance, il était là. À chaque fois qu’on l’appelait, il était là. Je ne me suis jamais senti seul et j’ai toujours senti ma prière exaucée, surtout dans les moments les plus dangereux. Mais au-delà de ça, j’avais les sœurs carmélites. Elles sont cinq sœurs exceptionnellement formidables qui se sont mis à servir les malades et les réfugiés avec un amour indéfectible. J’avais le soutien du personnel le l’hôpital qui allait avec moi dans les quartiers récupérer les blessés, enterrer les morts, sauver ceux qu’on pouvait sauver. Mais au –de là de la zone de Bossemptelé, il y a aussi d’autres prêtres dans d’autres régions. De façon générale, beaucoup de prêtres se sont mobilisés pour protéger les plus faibles. Notre Église peut être fière d’avoir fait ce travail exceptionnel. Ce n’est pas moi seul mais ce sont beaucoup de prêtres et beaucoup d’évêques en Centrafrique qui ont mené cette lutte pour sauver des vies humaines. 








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