2014-12-01 19:25:00

Retrait compliqué en vue pour l'OTAN en Afghanistan


(RV) Entretien - Dans un mois jour pour jour, le 1er janvier 2015, la présence militaire internationale en Afghanistan sera réduite à 12 500 soldats. Depuis l’intervention américaine en 2001, on a parfois compté jusqu’à 130 000 hommes de l’OTAN dans le pays. Les dirigeants afghans sont cette semaine en Europe pour finaliser le lancement d'une nouvelle mission « Soutien résolu », qui aura pour objectif d'assister et de continuer à former l'armée afghane.

Pourtant, en 13 ans, la première mission de l'OTAN dans le pays s’apparente à un échec : les Taliban ont certes été écartés du gouvernement, mais leur pouvoir de nuisance est toujours intact. En témoignent les attentats à répétition : à Kaboul, la capitale, ce ne sont pas moins de neuf attentats qui ont eu lieu en 15 jours. Ce lundi encore, au moins neuf personnes ont été tuées dans une attaque suicide menée lors de funérailles dans la province de Baghlan, dans le nord du pays.

Les Taliban sont donc loin d’être neutralisés, comme l’explique Olivier Guillard, directeur de recherche Asie à l'Institut de recherches internationales et stratégiques (IRIS) à Jean-Baptiste Cocagne.

Intuitivement, la population se demande et elle a quasiment la certitude que cette évolution va plutôt être à la baisse ou encore plus vers la difficulté. A choisir, même si cette assistance internationale n’est pas parfaite, si elle génère parfois quelques conséquences plus que désagréable pour la population, malheureusement, l’Afghanistan au premier janvier 2015 n’est pas encore suffisamment stable ni suffisamment sûr ou solide pour qu’on puisse la laisser à son libre cours. Tout le mal qu’on souhaitera à cet Afghanistan, c’est  d’être capable de se débrouiller toute seule et ne pas se rapprocher davantage du chaos. Malheureusement, lorsqu’on regarde ce qui se passe dans ce pays, du nord au sud, d’est en ouest, du 1° janvier au 31 décembre, encore en 2014, il y a peu de chance qu’on y arrive à long terme.

Le secrétaire générale de l’OTAN se dit convaincu que les forces afghanes seront capables de faire face à la situation, c’est la méthode Cauet ?

Je pense que c’est la méthode Cauet que l’on nous sert à la fois dans l’Occident et également sur le terrain. J’étais en Afghanistan il y a encore quelques mois. La majorité des individus vous servent en l’espace de quelques secondes toute leur conviction que les 340.000.- officiellement, je me demande s’ils sont vraiment tous présent sur le terrain – membres des forces de la sécurité afghane : police, armée, seront à même de prendre en main la gestion de la sécurité nationale. Ce n’est évidemment pas le cas. On ne s’en sort déjà absolument pas tout en profitant d’un concours international fort. Donc, avec des moyens que ne disposera pas encore techniquement l’armée afghane avant encore peut-être deux décennies, de toute évidence, où il y a de la méthode Cauet, il n’y a aucune chance que les afghans s’en sortent tous seuls eux-mêmes. Même avec le concours puissant, matériel, décidé de forces infiniment mieux équipées, ils ne s’en sortent pas. Donc, de toute évidence, bien sûr que non, malheureusement !

Est-ce qu’on peut craindre un retour des talibans au pouvoir après une série d’attentats meurtriers encore plus intensifs ?

Les talibans s’en donnent à cœur joie. Ils estiment que le retrait bien engagé que la Communauté Internationale est une victoire politique et militaire pour elle. L’insurrection talibane n’a pas été du tout défaite. Au contraire, on invite maintenant depuis deux ou trois ans a essayé de se rapprocher politiquement de l’équipe au pouvoir démocratiquement élue, même si non exempte de tous reproches. Les talibans, ça ne les intéresse pas. Ils se demandent pourquoi se rapprocher d’un gouvernement que nous dénonçons. La direction talibane veut réinstaurer un Émirat islamique afghan. Sur le terrain, on le voit, les talibans se sentent les vainqueurs. La voie vers Kaboul leur est pratiquement complètement ouverte, à quelques restrictions près. Mais les talibans n’ont aucun souhait de laisser passer ce moment favorable. Ils ont du temps. Leur calendrier n’est pas rythmé par des échéances électorales, par des élections, par des sondages d’opinion. Le temps de revenir à Kaboul arrivera en 2105, 2016,2017 ou 2020, peu importe ! Mais les talibans se sentent à nouveau avec le sens de l’histoire et le vent de l’histoire dans leur dos pour revenir à Kaboul. Malheureusement, dans les faits, on n’a pas le sentiment que cette logique soit dénuée de toute probabilité.

En treize ans, qu’est-ce qui a changé dans le rapport de force avec les talibans ? Est-ce qu’on peut parler d’un véritable échec de cette mission internationale de l’OTAN ?

On regarde un petit peu froidement les choses, la Communauté Internationale a évidemment bien fait de venir au secours d’une population afghane. La Communauté Internationale a bien fait d’essayer d’engager une reconstruction, d’assister le gouvernement afghan, d’apporter un peu d’assistance technique, financière, internationale et sécuritaire à la population afghane qui fait évidemment gré aux efforts et au sang versé par les cinquante pays qui ont contribué d’une manière ou d’une autre à cet élan de générosité ou de reconstruction. Ca n’a malheureusement pas suffit pour des raisons diverses et variées. Il faut que nous continuions d’une manière ou d’une autre à assister ce pays. Les afghans doivent s’y mettre également. Ce qu’ils font dans une certaine mesure mais dans un dénuement qui leur laisse une marge de manœuvre relativement réduite. C’est une équation qui est à la fois afghano-afghane mais également régionale et internationale. Malheureusement, je n’ai pas le sentiment que 2015 apporte une solution à court terme à cette crise qui couve déjà depuis plusieurs décennies.

La clef, c’est quoi ? C’est la transition politique avec notamment un nouveau président et un premier ministre ?

Malheureusement, la transition politique, pour l’instant, elle est bien compliquée. Après douze ou treize ans de gestion politique du président Karzai, on est passé aujourd’hui à un exécutif post-Karzai qui est bicéphale avec un chef de l’État, Monsieur Ghani et avec un premier ministre, Monsieur Abdullah Abdullah, une sorte de chef du gouvernement. Ces deux individus sont nommés depuis maintenant quasiment deux mois et ils n’ont pas encore réussi à s’entendre sur la composition du gouvernement, ce qui est quand même assez extraordinaire dans un pays qui est en crise et un pays qui est exsangue à tout point de vue. On apprenait encore hier ou ce matin que les quelques autorités qui étaient déjà en place sont appelées, pour ce qui est de certains portefeuilles ministériels, à démissionner et on va renommer un petit peu de tout ce petit monde sous un jour nouveau à partir d’aujourd’hui ou de demain. Donc, évidemment, ça ne se présente pas forcément bien. On sait également que le chef de l’Etat, Monsieur Rani et Monsieur Abdullah, son premier ministre, sont des rivaux qui se sont juste associés dans une matrice politique unitaire sous la pression des États-Unis et de la Communauté Internationale. Chacun lutte pour avoir davantage d’autorité dans le gouvernement, pour les personnes qu’ils ont soutenu jusqu’à ce jour. De ce point de vue politique, ça se présente mal. Alors comment voulez-vous qu’à l’échelon national ou au niveau sécuritaire, économique, diplomatique, les choses se présentent sous un jour plus facile ? Fin 2014, début 2015, le scénario n’a malheureusement pas l’air d’être plus rose !








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