2014-11-20 17:14:00

« Vivre en famille » se voit décerné le Prix Balzan


La Fondation Internationale Prix Balzan a remis cinq prix ce 20 novembre au Palais présidentiel du Quirinal, à Rome. Chaque année, cette fondation récompense quatre intellectuels de renom, dans la culture et les sciences. Elle décerne aussi un prix pour l’humanité, la paix et la fraternité entre les peuples… Prix reçu cette année par l’association française « Vivre en Famille ».

La petite ONG créée en 1993 est d’abord connue pour son action dans l’adoption en France et à l’international ; c’est aujourd’hui le volet humanitaire qui est mis à l’honneur. Le million de francs suisses reçu de la Fondation Balzan permettra à « Vivre en Famille » de conduire des missions sociales et médicales en Afrique. Edith et Maurice Labaisse sont les fondateurs de l’association. C’est à eux que le président italien Giorgio Napolitano a remis le prix. Une récompense marquante, lorsqu’on sait que Jean XXIII ou l’abbé Pierre l’ont reçu avant eux. 

On est vraiment très honorés de recevoir cette distinction et d’apporter une grande aide à l’association pour ces actions humanitaires.

D’après vous, qu’est-ce que ce prix vient récompenser ? Qu’est-ce qui a pu convaincre le jury ?

Je pense que ce prix, c’est l’immense honneur mais aussi la reconnaissance de ces vingt années pendant lesquelles on a essayé d’apporter du réconfort aux enfants les plus déshérités, qu’ils soient handicapés, qu’ils soient orphelins, qu’ils soient dans l’extrême misère en Afrique. Peut-être aussi un peu notre parcours personnel : comment un jeune couple qui n’était pas touché par le handicap a pu s’intéresser à ces enfants.

De quelle manière ce prix va vous aider dans vos futurs projets ?

Ce prix est d’abord très généreux : un million de francs suisses. Il est déjà quasi dépensé virtuellement puisque nous avions déjà listé un grand nombre d’actions, notamment dans ces pays africains qui souffrent beaucoup aujourd’hui. Nous avons commencé par construire une maternité dans la forêt équatoriale du Congo, dans la province orientale, là où des femmes accouchent – soixante accouchements par mois- dans des conditions inacceptables : sur des lits quand il y a un lit, sur des lits rouillés où il n’y a pas de matelas, où il n’y a pas d’hygiène, avec une mortalité infantile et aussi de femmes extrêmement importante. Il faut savoir que la misère est telle que ces femmes n’arrivent souvent pas à régler leurs soins pour accoucher qui est de l’ordre de cinq dollars, c’est-à-dire un peu moins de quatre euros. Et pour autant, elles ne peuvent pas payer ! Ensuite, toujours dans cette région, la rénovation d’un grand groupe scolaire qui accueille plusieurs centaines de petites filles et d’autres projets aussi pour la population, notamment des pygmées où quatre enfants sur dix seulement atteignent l’âge de quinze ans.  Ce sont vraiment des gens qui vivent en marge. Et il faut faire quelque chose.

Venons-en à ce pourquoi vous êtes le plus connu : en France, vous agissez pour l’adoption, notamment d’enfants handicapés. Est-ce que les demandes sont nombreuses et comment savoir que les futurs parents seront capables d’accueillir un enfant ?

Les parents ne sont pas si nombreux que cela. Quand on fait déjà la démarche d’adopter un enfant handicapé, c’est qu’on y a bien réfléchi depuis longtemps. Il y a l’obligation d’un agrément du département, un psychologue et une assistante sociale qui préparent déjà les parents. Et nous après, on les rencontre, on prend beaucoup de précautions, également avec notre équipe de professionnels. Pour la majorité des parents, ce sont des parents catholiques qui font cette démarche. C’est une démarche familiale. Nous l’avons vécu personnellement. Il faut bien sûr que toute la famille soit prête à accueillir ce petit enfant. Ce n’est pas une bonne action de deux jours. C’est pour une vie, une vie qui souvent dépassera même les parents. Donc, il faut bien que les frères et sœurs soient en symbiose.

L’accueil de ces enfants, c’est vraiment une démarche d’amour. D’abord pour les parents qui adoptent ces enfants mais aussi pour les frères et sœurs. Ca devient vraiment un petit frère ou une petite sœur à part entière. Ce n’est pas une bonne action. Ca ne peut pas être une bonne action.

Ca fait plus de vingt ans que votre association existe. Est-ce que vous avez perçu une évolution des valeurs familiales ou de la notion de famille dans la société française ?

Ce point-là mériterait certainement d’être débattu. La famille perd quand même sa place, perd ses valeurs. Il faut vraiment remettre la famille au milieu, les vraies valeurs de la famille.

Si on parle maintenant des adoptions internationales, est-ce qu’il y a des blocages dans les pays d’origine et aussi dans le pays d’accueil, la France ? Sur quels points est-ce qu’on pourrait progresser ?

L’adoption internationale est en déclin déjà depuis plusieurs années. Et ça peut s’expliquer et parfois, c’est tant mieux, parce que ces pays pauvres ont mis en place où mettent actuellement en place des mesures sociales conduisant à ralentir le nombre des abandons. Et ça, c’est bien ! Mais on trouve aussi des situations où certains pays veulent plutôt cacher leur misère et donc, réduisent les adoptions. Et là, ça va à l’encontre de l’intérêt des enfants. S’il y a un blocage, s’il y a des contraintes, ça vient plutôt des pays d’origine, donc, des pays où on adopte. Ca ne vient pas des pays occidentaux, des pays d’accueil. Dans tous nos pays et c’est vrai en France, nous avons énormément de jeunes candidats à l’adoption et pour autant, ils ne trouvent pas d’enfants. Alors que des enfants orphelins, des enfants vulnérables dans les orphelinats, il y en a énormément. Mais il faut aussi peut-être que les pays s’en mêlent et apportent aussi des moyens pour sécuriser ces adoptions, notamment au niveau des états civils où c’est parfois un peu embryonnaire avec forcément, beaucoup de risques.

Vous opérez dans des pays où il y a un manque de stabilité politique, parfois un manque d’infrastructures. Sur qui une petite ONG comme la votre peut compter pour mener ces actions à bien ?

Depuis toujours, nous avons une faculté à être bien accueilli dans tous ces pays parce que nous avons aussi cette volonté d’être reconnu et de ne pas faire n’importe quoi. Nos actions dans ces pays s’inscrivent toujours dans les priorités des gouvernants. Lorsqu’on va pour la première fois dans un pays, la première chose qu’on fait, c’est demander une audience au ministre des affaires sociales ou de la famille pour qu’on puisse se présenter et voir un peu ce que nous, nous sommes en capacité de faire, d’apporter dans ce pays et de voir aussi ce qu’en pense ce gouvernement. On ne doit pas s’imposer et ça se passe bien à chaque fois. Et c’est ce qui explique sans doute les facilités qu’on obtient. Nous arrivons à mobiliser de généreux donateurs qui nous adressent des dons, souvent modestes. Je vous parlais d’un accouchement de cinq dollars. Vous voyez qu’avec des moyens parfois limités, quel bonheur on peut apporter, quels bienfaits.

On ne peut être qu’admiratif devant un tel exemple de charité : une vie consacrée aux plus petits, un amour de la famille et on a envie de vous poser une dernière question. Et Dieu dans tout ça ?

Il doit nous tenir la main et nous guider. On va lui demander de ne pas nous lâcher. 








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