2014-11-08 11:56:00

Radio Vatican et la chute du Mur de Berlin


La chute du Mur de Berlin représente pour Radio Vatican un évènement d’une portée particulière. Pendant des décennies, une génération de rédacteurs et de techniciens ont travaillé afin d’apporter, grâce aux fréquences de la Radio du Pape, un soutien journalistique aux catholiques habitant de l’autre côté du rideau de fer.

Notre confrère, Alessandro De Carolis nous en raconte l’histoire:

Le Mur de la honte portait inscrit sur quelques mètres de son béton et depuis longtemps la prophétie du sort qui lui serait réservé. Une bande de lettres tremblantes, taguées avec de la peinture rouge, longue de cinq ou six mètres- un segment minuscule par rapport à ces 150 km de bout en bout-  des lettres écrites en toute hâte par quelqu’un, comme une épitaphe prémonitoire, écrite de travers et mais de manière très nette, par dessus les graffitis du dessous : « Tôt ou tard, tous les murs tombent ».

L’auteur inconnu avait gravé comme un espoir sur le ciment du Mur de Berlin- alors que pour les allemands et tout un continent, le mot « liberté » était écrit avec des fils barbelés et criblé par des mitraillettes. Dans les rédactions de Radio Vatican, cet espoir a été cultivé comme une certitude depuis l’aube de la Guerre Froide jusqu’à cette incroyable soirée d’il y a 25 ans. Une certitude basée sur une conviction de foi- l’amour de Dieu l’emporte sur la haine de n’importe quel totalitarisme- mais d’une certaine façon galvanisée par l’énergie d’une dure saison de lutte vécue avec un militantisme décidé pendant au moins quatre décennies. Les journalistes du Vatican, particulièrement ceux de l’Europe de l'Est, travaillaient à insuffler jour après jour l’Évangile aux poumons de l’Église de l’autre côté du rideau de fer, contrainte à une dramatique apnée par les régimes.

Le 9 novembre 1989, le reste du monde observe, consterné, cet évènement incroyable, comme s’il était presque venu de nulle part : les pelleteuses contre le Mur, les parois soulevées par les grues, les pioches et les coups à mains nues et puis, une marée croissante qui, les larmes aux yeux, passe d’Est en Ouest, de la terreur au soulagement, au cri de « Freiheit ! », « Liberté ! », défilant devant les uniformes immobiles et pour une fois inoffensifs des terribles « Vopos ». Dans les bureaux de la Radio du Pape, les mêmes larmes de joie, contenues par la sobriété typique des européens de l’est, saluent cette nuit merveilleuse et tant attendue comme une victoire dans la victoire, une sorte d’intime promesse réalisée. 

Pour Radio Vatican, le Mur de Berlin ne s’est pas effondré à l’improviste, comme touché par la foudre de la science-fiction. Au premier étage de Palazzo Pio où sont situées les rédactions des langues d’Europe de l’Est, mais pas seulement là, règne plutôt une atmosphère d'épuisement et de tranquillité après une interminable bataille. Au siège de la Radio du Pape, on cueille en filigrane sur les visages ivres de joie encadrés dans les ruines du Mur, le contour nuancé d’un autre plus grand visage, le visage heureux de « l’Église du silence » qui finalement, grâce à la force des évènements amorcés des années auparavant peut finalement s’ôter la douleur et la cruauté d’un bâillon honteux.

L’Histoire contemporaine compte désormais le Pape Jean-Paul II « venu d’un Pays lointain » parmi les acteurs principaux de la chute du bloc communiste, avec la première fissure que le fils de Pologne a amorcée en 1979, à l’occasion du premier retour dans sa patrie, jusqu’aux décombres de Berlin, dix ans plus tard. En revanche, les historiens en savent beaucoup moins sur le rôle joué par Radio Vatican, au service du Pape Wojtyla, pour affermir non seulement la foi des chrétiens de l’autre côté du Mur mais aussi pour empêcher que la soif de liberté de toute une zone de la planète ne se tarit dans le désert d’une utopie irréalisable. La Radio exploite le talon d’Achille de la grande barrière. À l’époque de son impénétrabilité maximale le Mur a une hauteur de trois mètres et demi, mais pour les ondes de la Radio, il n'a la consistance que d’un océan vu d’un satellite : une tâche.

Les ondes moyennes et courtes le traversent sans problème, portant avec elles la centaine de milliers de messages lancés quotidiennement par Radio Vatican pour soutenir les catholiques qui, sans problèmes de fuseaux horaires, pouvaient écouter les Paroles du Pape, les célébrations liturgiques, les enseignements du magistère, les pages de la Bible, les Sacrements, les vies des Saints, les catéchèses pour adultes et enfants, des informations ecclésiales de toutes sortes mais aussi les enseignements sur les droits de l’homme, la justice, le désarmement, la culture, l’art. Un massage cardiaque sur des cœurs que la propagande aurait voulu voir battre pour un autre. Un combat serré, mètre après mètre, sur le terrain brutalement labouré par l’athéisme d’État et ressemé patiemment par des voix qui, avec du rythme et une imagination radiophonique, parlent du Christ et de l’Église. Ils le font en russe, en ukrainien, en hongrois, en roumain, en lituanien, en tchèque, en slovaque, en croate, en letton, en slovène, en bulgare, en biélorusse, en arménien et en albanais. Ainsi, ce corps qui aurait du être démembré et annihilé, au moment du règlement de comptes- et la Pologne le démontrera avec une certaine évidence  - a encore une unité et une force suffisante pour réagir. Donc, longtemps avant que le socialisme réél ne découvre la valeur politique de la « glasnot », Radio Vatican travaillait pour rendre transparente- c’est-à-dire audible, fonctionnelle- aux clandestins de la foi, une programmation qui élargit l’esprit que d’autres étouffent et qui avec le temps, finit par conquérir une cible beaucoup plus vaste que celle prévue au départ. 

Outre le témoignage des Églises locales, les quelques lettres qui arrivaient à cette époque-là à Rome défiant les censures racontaient par exemple que des orthodoxes russes écoutaient attentivement la Radio du Pape, que des athées croates préféraient ces émissions aux endoctrinements, que des musulmans albanais étaient informés par des programmes sur mesure des paroles et des voyages de Jean-Paul II- pour contrebalancer, dans le monde islamique, la propagande de Tirana qui déclarait à tout bout de champ la mort de l’Église. Un combat à coups de microphones qui se répercute dans des milliers de maisons où il se peut que la peur soit vaincue par une radio posée au centre de la table, branchée sur les fréquences du Vatican et tout autour, les membres de la famille à genoux pour écouter la Messe et pour se nourrir d’une communion faite de confiance, de courage et de mégahertz interdits.

La réponse du Pape Wojtyla à la foule d’Assise est inscrite dans l’histoire. Le Souverain Pontife à peine élu était arrivé de Rome pour confier à Saint François son ministère qu’il avait à peine entamé. À ceux qui lui criait « Vive l’Église du silence », Jean Paul II répliquait : « Il n’y a plus d’Église du silence, maintenant, elle parle à travers la bouche du Pape ». C’était le 5 novembre 1978 et ce jour-là, un coup de pied invisible était envoyé aux check point de Berlin Est. Commençait alors le compte à rebours jsuqu'au coup d’épaule final contre un Mur qu’une génération d’ondes « telluriques », produites par la Radio du Pape, avait contribué à remettre en question. 








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