"L'Irak a été le coup de grâce pour les chrétiens de Syrie"

(RV) Entretien- Les regards sont fixés sur l’Irak, où s’organise la contre-offensive face à l’Etat islamique, et semblent s’être pour le coup détournés de la Syrie, engluée depuis trois ans dans une interminable guerre civile.

De féroces combats opposent toujours l’armée gouvernementale, rebelles syriens de l’ASL, ainsi qu’une myriade de groupes jihadistes, au premier desquels l’Etat islamique, qui contrôle la province de Raqqah et se rapproche de la ville d’Alep.

Nous avons joint Mgr Antoine Audo, archevêque chaldéen de cette ville assiégèe, où les habitants tentent de résister tant bien que mal à des conditions de vie de plus en plus difficiles :

 

Presque tout le monde est devenu pauvre. De loin, vous croyez qu’on est en train de mourir de faim. Non, on peut trouver tout ce qu’on veut mais tout est cher. Tout est multiplié par trois, par quatre ou par cinq. Ca dépend des produits : les légumes, les viandes, le pain. Cela accable surtout les pauvres gens. Beaucoup de gens sont au chômage. Peut-être que 80% des gens ne travaillent pas. En tant que président de la Caritas Syrie, j’ai tout le temps des demandes de jeunes gens, de jeunes filles à la recherche de travail. Je ne sais vraiment pas quoi faire pour leur rendre service et les soulager. Voilà un premier problème.

Le deuxième problème, c’est tout ce qui a rapport avec l’eau et l’électricité. Nous sommes en été. Sur 24heures, si on a 6 heures d’électricité, c’est bon. Imaginez-vous pour les frigidaires ! Les nuits toujours sombres. C’est pénible. Ca a des répercussions très négatives sur les gens. Je remarque beaucoup de dépression, beaucoup de découragement.

Comment ont réagi vos fidèles face aux récents évènements qui ont eu lieu en Irak ?

Tout ce qui s’est passé en Irak, tout ce que les chrétiens ont subi comme déplacement, délogement, ça a une très mauvaise répercussion, surtout sur nos amis chrétiens. Jusqu’à maintenant, ils étaient conscients et ils se disaient « encore quelques mois, ça va se résoudre. On va avoir la paix ». Et plus ça dure, plus les gens se découragent. Et je vous assure que tout ce qui est arrivé en Irak, je dois dire que pour les chrétiens de Syrie, c’est un peu le coup de grâce. Nous, en tant qu’évêques, en tant que responsable d’église, vous ne pouvez pas vous imaginer combien cela nous inquiète parce que ça relève de l’avenir de nos églises, de nos communautés. Je vous le dis très franchement.

Mgr. Audo, par rapport à la progression des djihadistes de l’État islamique... Menacent-t-ils Alep directement, à l’heure où nous parlons ? Que savez-vous précisément de cette situation ?

Il y a différents groupes armés qui attaquent et c’est très difficile de préciser qui fait quoi, qui est avec qui, contre qui. Pour nous ici de l’intérieur, c’est vraiment la confusion totale