(RV) Entretien - Prendre soin de la Création, c’est la mission principale de l’Église verte. Ce programme œcuménique, né en 2006 au Canada, a pour objectif de soutenir les communautés chrétiennes qui luttent contre la crise écologique. Il est dirigé depuis cinq ans par Norman Lévesque, météorologue et vulgarisateur scientifique. Sa passion pour la protection de l’environnement est un fruit de sa foi chrétienne. Déjà l’auteur du livre « Les pages vertes de la Bible » aux éditions Novalis, il a publié en mars 2014 « Prendre soin de la Création », toujours aux éditions Novalis, un guide pastoral pour passer à l’action. En visite au Vatican, Christelle Pire l'a rencontré, pour parler avec lui de cette initiative qui mêle foi et écologie.
« Le programme “Église verte” est né en 2006 dans une petite église Unie du Canada, qui est une église réformée à Montréal. Une étudiante zélée est venue faire un stage d’été et elle voulait tout transformer. La directrice de cette Église était une pasteur, elle était très touchée, au niveau spirituel, par ces changements et par le fait de dire que "lorsqu’il y a un impact sur la création, il faudrait réduire cet impact". Elle a tout de suite vu le lien et ça s’est répandu à d’autres églises Unies de la région de Montréal. En 2009, j’ai été engagé comme nouveau directeur avec un mandat pour que le projet devienne œcuménique. De six églises en 2009, nous sommes passés en 2014 à 42 églises de toutes confessions chrétiennes, partout à travers le Canada. »
Quel est le principe de cette Église verte ? Comment est mise en œuvre votre sensibilisation ?
« Il y a trois axes. Le premier axe, c’est l’action. Donc, le recyclage, le compostage, la réduction de consommation d’eau, prendre soin des jardins ou de l’entretien extérieur de manière respectueuse pour l’ordre de la Création. Comme on est dans le contexte canadien, il y a aussi l’isolation du bâtiment qui est très importante pour le chauffage en hiver. Dans le fond, ce sont tous des gestes pour lesquels il faut mettre la main à la pâte. Ça, c’est l’action.
Le deuxième axe, c’est la sensibilisation. À quoi cela sert-il de changer toutes les habitudes dans une paroisse si les fidèles ne comprennent pas pourquoi on le fait ? Nous faisons donc de la sensibilisation, par exemple en projetant un film, en mettant des petites capsules écologiques dans le bulletin paroissial ou en invitant un conférencier. Ce sont des manières de favoriser la sensibilisation environnementale.
Et le troisième axe, c’est la spiritualité. Il s’agit donc de retrouver dans les enseignements catéchistes et dans l’homélie, des enseignements qui viennent de la tradition chrétienne au sujet de la Création. Et cela va même un petit peu plus loin que ça. On peut organiser une retraite spéciale, soit dans la nature soit en paroisse, sur ce thème de la Création ou bien organiser deux ou trois fois par an, une célébration spéciale. Voilà une manière spirituelle de pouvoir prendre soin de la Création. »
Comment sont perçues vos actions par les chrétiens ?
« Les différentes confessions chrétiennes ont tendance à très bien répandre ce projet et l’un des succès de notre programme, c’est de s’appuyer sur la Bible. Les exemples, les récits, les enseignements proviennent d’abord des Saintes Écritures. Ensuite, "les modèles de la foi" nous aident aussi. Nous utilisons cette expression car les protestants n’utilisent pas forcément le mot "Saint" ou "Sainte" de la même manière. Mais on retrouve là des Saints qui ont été canonisés dans l’Église catholique et dans d’autres églises dont les églises orthodoxes. Plus récemment, il y a dans l’histoire protestante des figures de proue, des gens qu’on connait un peu plus du côté protestant. Un exemple excellent est Jean-Frédéric Oberlin qui était un pasteur réformé alsacien. Notre approche consiste donc à montrer que dans la tradition chrétienne, il y a des éléments qui répondent à la crise écologique. Soyons maintenant attentif à cette tradition-là ! Après avoir reçu les bons enseignements, agissons en conséquence ! »
Vous parlez de la Bible. Quels passages parlent par exemple de cette crise écologique ?
« Il y a trois prophètes qui ont été témoins de dégradation environnementale. Il y a Jérémie, Osée et Isaïe. Tous les trois décrivent, à un moment donné, dans leur prophétie que la Terre souffre. Les expressions sont diverses "la terre est en deuil", "les animaux disparaissent". Et puis, le prophète continue en disant "les gens doivent vivre maintenant une conversion et être fidèle à l’alliance". Dans le fond, si on détruit notre environnement, nous ne sommes pas fidèles à l’alliance que nous avons avec Dieu.
Il y a aussi le récit de la création du premier humain. Ce n’est pas par un tour de magie que l’être humain est apparu. Comment l’humain est-il né dans la Création ? Dans le chapitre 2 du Livre de la Genèse, on raconte qu’il n’y avait rien sur la Terre. "L’eau arrosa la terre et Dieu pris la boue, le mélange d’eau et de terre et forma, façonna le premier être humain. Il souffla dans ses narines une haleine de vie, l’être humain devint un être vivant." De quoi est fait l’être humain ? Il est fait de terre, d’eau et d’air. Il est fait des éléments qui l’entourent. Nous avons une relation intime avec notre environnement. Nous ne sommes pas extraterrestres. Nous sommes profondément terrestres. Et voilà un enseignement biblique.
Finalement, un autre exemple facile de cette solidarité, c’est l’Arche de Noé. Qu’est-ce que Noé fait ? Il prend soin de la biodiversité terrestre pendant des mois et puis, il doit prendre soin de chacune des créatures. Toutes les espèces doivent être présentes dans l’Arche. À la fin, l’Arche touche terre, les animaux ressortent et recommencent à repeupler la terre. Il y a un arc-en-ciel qui est là pour témoigner d’une alliance entre Dieu, l’humanité et toute créature. Nous sommes dans la même alliance, nous sommes dans le même bateau. Et si quelque chose arrive à une espèce, ça va arriver à d’autres. »
Vous agissez beaucoup au niveau local, au Canada. Est-ce que vous faites quelque chose pour le niveau global ?
« Penser globalement, agir localement. La majorité des problèmes viennent du fait d’une accumulation de choses qui ne semble pas si grande à l’échelle locale. L’exemple des changements climatiques est typique. Chacun utilise sa voiture, chacun émet des gaz à effet de serre. Comme cela s’additionne et reste dans l’atmosphère, ça crée une couverture qui conserve la chaleur dans l’atmosphère.
L’une des choses que nous ne faisons pas dans le programme Église verte, c’est se mêler de la politique. On préfère avoir un regard intérieur dans l’Église et convertir l’Église pour ensuite être un phare qui illumine. C’est ce qui s’est passé dans certaines églises. Elles ont par exemple adopté des panneaux solaires. Certaines vont organiser une journée de foire environnementale à l’échelle locale et tout d’un coup, l’église est reconnue par des gens du quartier, par les citoyens comme étant un haut-lieu de protection environnementale. On préfère prêcher par l’exemple. Je pense que le plus important, c’est d’être en relation. L’être humain est un être de relations. Jusqu’à Descartes, les chrétiens et l’église étaient en relation avec leur environnement. Nous avons à redécouvrir cela. Quand on y pense, on protège seulement ce que l’on aime et on l’aime seulement ce que l’on connaît. Donc, plus on va être en relation avec notre environnement, plus on va le connaître, plus on va l’aimer et plus on va le protéger. »
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