2014-08-04 18:44:00

Sommet inédit entre les Etats-Unis et l'Afrique


(RV) Entretiens - Depuis le lundi 4 août, une quarantaine de dirigeants africains sont réunis à Washington autour du président américain Barack Obama pour un sommet inédit. L’objectif principal de cette rencontre, de trois jours, est de renforcer les liens économiques avec le continent africain. Mais les Etats-Unis, qui ne figurent qu’en troisième place au tableau des échanges commerciaux avec l'Afrique, loin derrière l'Union européenne et la Chine, ont annoncé que la sécurité, la gouvernance et les droits de l'Homme seraient également à l'ordre du jour. Pour Christian Bouquet, chercheur au laboratoire « Les Afriques dans le monde » de Sciences-Po Bordeaux, il s’agit pour Washington de rattraper « un certain retard ». Il est interrogé par Hélène Destombes.

C’est un retard d’image parce qu’Obama est quand même le premier président noir avec une ascendance kenyane. À ce niveau de son second mandat, il donne l’impression d’avoir un petit peu négligé le continent africain. Ensuite, c’est un retard parce qu’il n’y a pas de sommets États-Unis- Afrique alors qu’il y a des sommets franco-africains tous les deux ans et maintenant, des sommets franco-chinois tous les trois ans. Il faudrait aussi se positionner sur ce créneau mais je crois surtout que c’est le retard commercial que les États-Unis voudraient commencer à combler parce qu’ils ne sont que le troisième partenaire de l’Afrique, après la Chine et l’Union Européenne.

Certains analystes voient derrière ce nouvel engagement des États-Unis en Afrique un bras-de-fer entre les États-Unis et la Chine. Partagez-vous cette analyse ?

Je ne pense pas parce que les Américains ont des méthodes très particulières, tout d’abord dans leurs relations avec les pays du sud. Il ne faut pas oublier que les Américains ont une politique d’aide au développement qui est parallèle à celle des Nations-Unies. Les Nations-Unies ont les objectifs du millénaire pour le développement, les « OMD », lancés en 2000. Les États-Unis ont lancé du temps de Bush, en 2002, le fameux  « millenium challenge account ». 

Par ailleurs, ils semblent quand même se placer sur un autre terrain puisqu’ils sont volontiers donneur de leçons. En matière de démocratie et de droits de l’homme, ils leur arrivent de dire qu’il faut davantage d’alternances en Afrique. D’ailleurs, la thématique du sommet est intitulée « Investir dans la jeune génération ». Cela veut donc bien dire que les vieux caciques des régimes africains doivent laisser la place. Cet aspect de donneur de leçons en termes de démocratie n’est pas du tout le langage des Chinois.

Pour renforcer un partenariat économique, les États-Unis seraient-ils prêts à fermer les yeux, en quelque sorte, sur la gouvernance, le manque de démocratie dans certains états africains ?

Même nous, les français, qui sommes les défenseurs des droits de l’homme, nous fermons les yeux sur ce qu’il se passe dans certains pays dès lors qu’ils peuvent être de très bon partenaires commerciaux. Je ne les citerai pas mais vous les connaissez. Pour le moment, les États-Unis n’ont pas besoin de marchés importants en matière première et c’est la différence avec la Chine. Les chinois ont besoin de matières premières alors que les États-Unis ont besoin de marchés de consommation. On n’est pas dans le même tempo. Ils peuvent encore continuer, en effet, à donner des conseils et à faire des recommandations. D’ailleurs, vous avez remarqué que quatre pays n’ont pas été invités, précisément parce qu’aux yeux des américains, ils ne sont pas politiquement corrects.

Washington a promis que la question sécuritaire, la bonne gouvernance et les droits de l’Homme seraient à l’ordre du jour. Aujourd’hui, s’agit-il de véritables priorités pour les États-Unis ?

La question sécuritaire et donc celle de la bonne gouvernance sont incontestablement des questions de grande acuité, notamment pour la zone sahélienne mais pas seulement ! Les États-Unis n’ont pas oublié 1991 et leur départ honteux de la Somalie. Ils ont analysé qu’ils ont abandonné un pays qui, pendant plus de vingt ans, est resté sans Etat. Et un pays sans Etat, ça devient vite une zone grise avec toute l’insécurité qui se greffe autour de cela. Tout comme la France, ils observent sûrement avec inquiétude tous ces territoires abandonnés par les États à d’autres pouvoirs qui sont la plupart du temps terroristes. Il faut revenir dans une reconquête territoriale pour retrouver de la sécurité. C’est sûr qu’ils vont beaucoup s’intéresser à la question sécuritaire et donc, à la bonne gouvernance. Par contre, à leurs yeux, les droits de l’Homme passent souvent après cela. 

 

 

 

La prolongation de l'Agoa, le programme américain accordant des avantages commerciaux à certains produits africains, ou encore l'initiative "Power Africa", qui vise à doubler l'accès à l'électricité en Afrique subsaharienne, sont au menu des discussions. Quels sont les enjeux de ce sommet ? Pour quelle raison Barack Obama a-t-il attendu son second mandat pour organiser une telle rencontre ? Eléments de réponse avec Christiane Rafidinarivo, Docteur en Science Politique, politologue à l’Université de la Réunion et enseignante à l’Institut d'études politiques de Madagascar. Des propos recueillis par Hélène Destombes.








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