2014-07-22 09:51:00

Israël-Gaza: face aux tensions en France, l'appel au calme de Mgr Lalanne


(RV) Entretien - Le conflit israélo-palestinien a des répercussions directes dans l’opinion publique de certains pays occidentaux, on l’a vu en particulier en France le week-end dernier. Les responsables religieux du pays souhaitent apaiser les esprits. Ils ont été reçus lundi après-midi pendant plus d’une heure par le président François Hollande à l’Elysée, en compagnie du premier ministre Manuel Valls et du ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve. 

Juifs, musulmans, chrétiens ou bouddhistes ont publié une déclaration commune dans laquelle ils dénoncent l’importation du conflit en France mais prient aussi pour la paix, appelant chacun à être responsable de ses propos et de ses actes. Présent à l’Elysée au nom de la conférence des évêques de France, Mgr Stanislas Lalanne, l’évêque de Pontoise, interrogé par Hélène Destombes   

 

Le président de la République, Monsieur Hollande avait souhaité rencontrer les responsables des différentes religions. On l’a rencontré longuement. D’abord, j’ai perçu chez lui, chez le premier ministre et chez le ministre de l’Intérieur qui était aussi présent, une vive inquiétude sur la situation, ayant peur qu’elle dégénère. Il a pris le temps de nous écouter chacun longuement et je crois que notre souci, c’était de manifester ensemble le souci d’assurer un vivre-ensemble. Je pense que c’est une reconnaissance que les religions prennent leur part dans ce travail d’artisans de paix. Pour ma part, j’ai dit deux ou trois choses. La première, c’est qu’il ne faut absolument pas faire d’amalgame entre les adeptes des religions, que ce soit juif, musulman ou chrétien et puis, un petit groupe extrêmement violent et extrêmement organisé qu’on retrouve dans les fins de manifestations et qui ne participent pas aux manifestations, qu’elles soient permises ou pas. Ils arrivent en fin pour casser et à Sarcelles, ça a été extrêmement grave. Deuxièmement, c’est aussi l’occasion de dire que c’est important d’avoir des gestes symboliques au plan national. C’est vrai qu’il est aussi important de vivre tout cela localement et je pense que quand on ne se connaît pas, on a peur de l’autre. Donc, c’est important entre communautés de se comprendre, de se connaître, de se découvrir, de s’apprécier différents et en même temps, vivants ensemble sur le même territoire. Troisièmement, j’ai insisté pour ma part sur l’importance d’un travail éducatif à tous les temps et c’est un travail à long terme. Comment apprendre à des enfants, à des jeunes, le respect de l’autre et la connaissance de l’autre ? C’est vrai au plan de l’école, au plan familial et au plan de nos communautés. Et donc là, il y a un travail immense à faire. En même temps, il est très important de ne pas instrumentaliser la religion, de ne pas la stigmatiser. Et j’ai perçu de la part des responsables de l’État une grande écoute et une importance accordée à ce que pouvait apporter les responsables religieux en France. 


Une rencontre avec le Président français mais également une déclaration des responsables de culte en France, une déclaration pour dénoncer les violences. Ils mettent en garde contre toute tentative d’importer en France ou d’instrumentaliser des divisions. 
Oui, il est extrêmement important d’éviter les transferts de conflits. C’est vrai que le contexte international, je le perçois, quand je rencontre un certain nombre de chrétiens... Depuis hier, j’ai reçu beaucoup de mails et de messages de solidarité des uns et des autres. Il y a une inquiétude, étant donné le contexte international mais il ne s’agit pas de le transférer en France. En plus, je l’ai dit au Président de la République, je crois qu’il y a aussi une précarité sociale qui ne facilite pas les choses. Et puis, chez beaucoup de jeunes, il y a une perception que l’avenir est bouché. Alors, ça n’excuse absolument rien du tout. Il faut être extrêmement clair, extrêmement net sur tout ce qui est slogan antisémite, parole raciste et tout cela. Il faut être extrêmement clair mais en même temps, le climat général ne facilite pas les choses.


Outre cette déclaration des responsables de culte en France, les évêques d’Ile-de-France ont également publié une autre déclaration pour appeler au calme, une déclaration dans laquelle vous vous dites choqué. Il est important, aujourd’hui, que juifs, musulmans et chrétiens parlent d’une seule voix ?
Oui, j’ai été à Sarcelles où à l’initiative du grand rabbin de France et du rabbin de Sarcelles, il y a eu une grande rencontre et un temps de prière auquel nous avons assisté et puis ensuite, une prise de parole dans une synagogue absolument bondée. J’ai vu le choc de ces évènements dans la communauté juive et c’est bien parce que depuis que je suis dans le diocèse, donc un peu plus d’un un, nous avons des relations d’amitié, de confiance. C’est cela qui fait que dans des périodes de crise difficile, on se rassemble naturellement. Ce qui veut dire, je crois, que non seulement la coexistence est possible mais le vivre-ensemble et la vie fraternelle sont possibles entre des hommes et des femmes qui ont des cultures, des religions et des origines différentes. C’est ça que nous avons évoqué dans notre déclaration en disant qu’il est toujours possible de déplacer les peurs et les enfermements idéologiques. Nous sommes bien sûr différents, de religions différentes mais en même temps, il y a un souci commun, un souci du bien commun qui nous anime les uns et les autres, aussi bien des responsables au plan national qu’au plan local. On pourrait dire aussi qu’être artisan de paix, c’est d’abord un travail personnel et un travail intérieur. Donc, je crois que chacun y est appelé.


Vous avez évoqué l’inquiétude du président français. Vous avez le sentiment qu’il y a un véritable risque d’embrassement, d’importation de ce qui est en train de se passer au Proche-Orient ? 
Je crois qu’il y a un risque. Je crois que la société française est très fragilisée et est donc en inquiétude, par rapport à l’avenir sur tous les plans et quand c’est comme cela, des extrémistes peuvent en profiter. Ceci étant dit, je crois que les uns et les autres sont responsables.
De fait, nous avons demandé au gouvernement mais c’est ce qu’il fait, de tout faire  pour maintenir l’ordre républicain. Je sais que c’est une tâche qui n’est pas facile mais qui est essentielle pour assurer la sécurité des uns et des autres. Et donc, je pense que si nous appelons à cette prise de conscience, cette responsabilité dans chaque secteur, nous éviterons de fait un embrassement. Mais il y a aujourd’hui une inquiétude qui fait qu’il s’agit d’être extrêmement vigilant.  


Il y a aujourd’hui, en France, amalgame entre position politique et appartenance confessionnelle ?
C’est le risque. Je crois que quand on est dans une période un peu chaude comme celle-ci où l’émotion est souvent le premier élément qui joue, on risque très vite de faire des amalgames dans tous les sens entre le politique et le religieux, entre quelques personnes, des voyous et des casseurs et puis, l’ensemble de la population qui est calme et qui souhaite vivre en paix. Donc, je pense qu’en tant que responsable de la communauté chrétienne, nous avons aussi notre part à apporter pour que le climat de confiance et de respect puisse être présent. Je crois aussi et je me permets de le dire, que les médias ont aussi leur rôle dans cet avenir de paix. Vous savez, souvent, je le disais au Président de la République, il y a un effet loupe des médias et des évènements avec quelques voitures qui brûlent. C’est très grave. À Sarcelles, on pense que tout le pays est embrassé. J’ai eu des messages de gens que je connais qui viennent d’autres pays et qui n’ont que l’image des médias pour se faire un jugement. Donc, c’est aussi une responsabilité des médias pour donner l’ensemble des éléments qui permettent à chacun de faire son jugement. 








All the contents on this site are copyrighted ©.