Le Traité transatlantique, un traité à la défaveur de l'UE ?
En cours de préparation, le traité transatlantique sera le plus grand accord de libre
échange que le monde moderne connaisse. Cette semaine dernière, du 14 au 18 juillet
dernier, a eu lieu le sixième round des négociations entre les Etats-Unis et l’Union
Européenne. Les discussions, toujours secrètes, ont abordé l’accès aux marchés publics,
la protection de l’environnement ou encore le droit du travail. Ce traité, qui
devrait être finalisé fin 2015, concerne les biens, les services et les capitaux.
Mais ce futur gigantesque marché suscite des inquiétudes.
Interrogée par Christelle
Pire, Magali Pernin est juriste de droit public et spécialisée dans les questions
européennes
Une harmonisation
des normes avec les États-Unis, c’est inquiétant parce qu’on a l’impression que les
États-Unis ont des normes de protection des consommateurs qui sont bien moindres que
celles qu’ambitionnent l’Union Européenne, notamment en termes de normes alimentaires
et de normes environnementales.
Par exemple, concernant les OGM ? Est-ce
que les normes de l’Union Européenne vont être abaissées ?
Il faut savoir
que dans l’Union Européenne, ils sont autorisés. Les législations nationales ont actuellement
beaucoup de mal à retenir les autorisations d’exploitation des OGM. Donc, de ce point
de vue là, non. J’ai l’impression que la législation européenne est déjà en phase
avec les ambitions américaines. Pour le gaz de schiste, c’est un petit peu différent
parce que l’Union Européenne a adopté la position du principe de subsidiarité. Donc,
c’est aux États de décider ou non de l’autorisation des exploitations sur leurs propres
sols. Le Traité transatlantique ne va pas bouleverser cela. Malgré tout, je pense
que les gens ont des raisons de s’inquiéter parce que le gaz de schiste, quand il
est autorisé, doit respecter certaines règles et ces règles pourraient se voir abaisser
si on cherchait à les harmoniser avec les États-Unis.
On parle aussi notamment,
par exemple, de poulet au chlore, de bœuf aux hormones. Est-ce que cela pourrait arriver
sur le marché français avec ce traité transatlantique ?
Ça pourrait arriver.
La Commission européenne promet que cela n’arrivera pas. On voit malgré tout que les
décisions d’autorisation de la Commission en matière alimentaire sont de plus en plus
souples. On a vu le poulet lavé à la javelle être autorisé. Malgré tout, pour le bœuf
aux hormones, ce n’est pas le cas. En contrepartie, il semble que ces pays vont bénéficier
d’une autorisation d’exportation plus massive avec l’Union Européenne de leur bœuf
sans hormones. Donc, les agriculteurs sont inquiets parce que ce sont des normes moindres
avec des coups d’exploitation moindres et donc, l’agriculture française pourrait,
notamment, avoir des difficultés.
On a l’impression que les négociations
sont assez secrètes. Pourquoi ?
Il y a effectivement une grande confidentialité
sur ces négociations parce que les deux parties ne veulent pas faire connaître leurs
positions, ne veulent pas l’étaler au grand jour pour pouvoir négocier le plus efficacement
possible avec l’autre partie. La deuxième raison, c’est qu’elles sont extrêmement
techniques et extrêmement compliquées à appréhender. Du coup, on a l’impression qu’on
ne nous dit pas tout et ce sont des négociations qui sont extrêmement éloignées du
public, des centres de pouvoir tel qu’on peut les imaginer, aujourd’hui, en France.
Ce sont des négociations qui sont menées par la Commission européenne et donc, c’est
encore une institution qu’on connait mal. On a l’impression d’être un petit peu dessaisi
de ces questions-là.
Un des avantages de ce Traité transatlantique prôné
par la Commission européenne, c’est qu'il va booster la croissance économique. Est-ce
que c’est vrai ?
Je ne sais pas si c’est vrai. C’est un cabinet londonien
qui a réalisé cette étude mais qui finalement, n’était pas terrible parce que c’était
1% ou 0,5% du PIB à l’horizon 2025. Donc, ça n’a pas l’air suffisamment enthousiasment
pour soulever les foules en faveur du Traité transatlantique.
Est-ce que
les négociations penchent plutôt en faveur des Américains ou des Européens ?
J’ai
plutôt l’impression, mais c’est une impression de ma part, que les États-Unis mènent
ces négociations parce qu’ils ont accepté de les mener dans un contexte économique
difficile pour l’Union Européenne. Il faut savoir que ce sont des négociations dont
on parle depuis le début des années ’90. Les États-Unis n’ont jamais été très portés
vers l’Union Européenne. Ils le sont plutôt vers le Traité transpacifique. J’ai l’impression
que c’est plutôt nous qui sommes demandeur de ce traité-là. Donc, c’est plutôt nous
qui sommes en situation d’accepter des compromis.
Photo : poulet dans une ferme
du Maryland, en 2005.