2014-07-16 07:27:35

Les défis de Jean-Claude Juncker


(RV) Entretien - L’ancien Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker est le nouveau président de la Commission européenne. Il succède au portugais José Manuel Barroso. Il a été élu mardi par les députés à Strasbourg sans faire l’unanimité, avec 422 voix contre 250. Une soixantaine d'élus britanniques, français ou espagnols ont voté contre lui ou se sont abstenus.

Sa marge de manœuvre pour conduire sa politique risque d’être faible entre la perte d’influence de sa fonction et les crises économiques. Mais son expérience au cœur des institutions européennes, pourrait lui donner un avantage. C’est le point de vue de Philippe Poirier, coordinateur du programme gouvernance européenne à l’Université du Luxembourg. RealAudioMP3 Il est interrogé par Audrey Radondy

Monsieur Juncker a été habitué, par sa très longue expérience de premier ministre du Luxembourg, à établir des compromis entre différents gouvernements au sein du Conseil Européen et au sein de l’Eurogroupe. Donc, c’est plutôt sa capacité de synthèse et de recherche de compromis qui permettra d’avoir une vraie marche de manœuvre, non seulement pour lui mais la commission entière. C’est une des qualités qu’on attend d’un président de la Commission Européenne. Ce n’est pas simplement quelqu’un qui dirige et qui d’ailleurs, n’a pas cette fonction de diriger une sorte de gouvernement avec des commissaires qui obéiraient au président de la Commission. Non, il doit chercher des équilibres entre commissaires ,endosser les réformes proposées par les commissaires et avoir à la fois une propre ligne politique et un respect de quelques exigences, notamment élaborer et proposer par les principaux gouvernements de l’Union Européenne.

En quoi peut-il se différencier de son prédécesseur, José Manuel Barroso ?
Il veut réaffirmer le rôle de la Commission Européenne comme initiatrice de la législation européenne. Deuxièmement, une forte capacité à proposer des nouveautés, à la fois dans le domaine de l’Union Économique et Monétaire mais on peut s’attendre aussi, dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune. Et ce qui le différencie, c’est aussi son positionnement par rapport à différents groupes d’intérêts, à la fois du patronat ou des entrepreneurs et des syndicats. Monsieur Juncker aura plus tendance à rechercher des solutions ou des compromis avec ses différents partenaires économiques et sociaux. Et puis, Monsieur Juncker a toujours eu une position légèrement en retrait par rapport aux États-Unis et à toutes les politiques qu’ils ont mené ces dernières années dans le domaine de la sécurité, de la politique étrangère, des conflits, etc. Donc, il veut maintenir le partenariat privilégié avec l’OTAN et l’Union Européenne mais avec un degré de plus grande autonomie.

Jean-Claude Juncker est depuis des années sur la scène européenne. Peut-il vraiment incarner une nouvelle Europe ?
L’un des défis de Monsieur Juncker sera toujours de retenir l’attention de tous ces chefs d’États et de gouvernements qui sont beaucoup plus jeunes politiquement que lui. Le deuxième aspect, c’est que Monsieur Juncker incarne le canal historique de la démocratie chrétienne au sein du parti populaire européen. Or, le parti populaire européen a aussi beaucoup changé. D’abord, il s’est plutôt converti vers un conservatisme et un libéralisme économique qui ne l’était auparavant et en plus, il est très fortement concurrencé avec les dernières élections sur sa droite avec l’émergence, non seulement de partis eurosceptiques mais d’une multitude de partis plus à droite que le parti populaire européen, ce qui pose une question d’environnement politique qui a changé.
Et puis, il y a un troisième aspect, si on prend l’exemple de 2009. L’investiture de Monsieur Barroso avait été relativement rapide. En revanche, la composition de la Commission et surtout, le programme de la Commission Européenne qui normalement aurait du être adopté fin juillet, in fine a été adopté fin octobre voire début novembre pour certaines parties. Le centre-gauche et la gauche européenne vont peser fortement pour innover dans certaines politiques. Donc, Monsieur Juncker, bien qu’il ait cette majorité plutôt solide au Parlement européen, elle sera d’autant plus vigilante sur la composition des commissions et sur les politiques que Monsieur Juncker mènera.



Photo: le nouveau président de la commission européenne







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