2014-07-15 15:58:15

Les Brics veulent s'émanciper


(RV) Entretien - Ils représentent 40% de la population mondiale et un cinquième des richesses de la planète : les Brics, les grandes puissances émergentes se retrouvent en sommet au Brésil. A Fortaleza, la présidente brésilienne Dilma Roussef doit accueillir les dirigeants russe, chinois, indien et sud-africain. Pour les Brics, un nouveau cycle devrait s’ouvrir avec le lancement effectif d’une banque de développement et d’un fond de réserves. Jugés trop peu représentés au FMI ou à la banque mondiale, ils ont donc décidé de s’émanciper.

Alexandre Kateb dirige le cabinet de conseil et d’analyse économique, géopolitique et financière « Compétence Finance ». Il est l’auteur de l’ouvrage « Les nouvelles puissances mondiales. Pourquoi les BRICS changent le monde ». Marie Duhamel s'entretien avec lui RealAudioMP3


La mise en place de cette banque des Brics et du fond monétaire des Brics sont les deux initiatives qui marquent vraiment le début d’une forme d’institutionnalisation de ce groupement. Donc, le symbole politique est là. C’est aussi un symbole économique dans la mesure où ces institutions participent à un rééquilibrage de la gouvernance mondiale, à l’heure où les institutions De Bretenwoods, le Fmi et la Banque Mondiale ont du mal à se réformer. Là, les Brics montrent qu’ils ne veulent plus attendre et préfèrent prendre l’initiative et accélérer, quelque part, cette reconfiguration du monde vers les puissances non-occidentales à travers ce genre d’initiatives.

À quoi vont servir ces deux nouveaux instruments financiers ?
En fait, ces deux instruments financiers sont calés trait pour trait sur la Banque Mondiale et sur le FMI. C’est-à-dire que pour la banque des Brics, l’objectif sera de financer des projets d’infrastructure et de mise à niveau des économies des Brics mais aussi des autres économies émergentes ou en développement. Et cette banque servira vraiment d’outil de rayonnement et de soft power des Brics et notamment de la Chine qui est vraiment une force motrice de ce projet. Quand au fond monétaire des Brics, l’objectif, c’est petit à petit de ne plus avoir besoin d’aide du FMI en cas de problème. Non seulement pour ces pays là mais encore une fois, ce sera aussi une manière de proposer à d’autres pays tiers de les aider, de leur prêter des réserves en devise au moment des crises qu’ils pourraient traverser. Et donc, cela permettrait à ces pays d’avoir une alternative, une concurrence en quelque sorte au FMI ou à d’autres financiers.

Est-ce qu’il ne risque pas d’avoir des jeux de pouvoirs ? Les croissances sont quand même différentes entre la Chine et la Russie. Est-ce qu’il n’y a pas des déséquilibres aussi entre leurs potentiels apports dans ces deux structures et leurs besoins ?
C’est quelque chose qui explique pourquoi ça a mis tellement de temps à se créer, je pense notamment à la banque des Brics parce que les négociations se poursuivaient sur les apports respectifs des différents pays. Ce qu’on voit maintenant clairement, c’est que la Chine domine très largement les autres Brics. La Chine représente plus à elle seule que tous les autres réunis, en termes de poids économique et donc clairement, il lui revient d’avoir un rôle un petit peu de leadership. Mais la Chine ne peut pas se passer non plus de ces autres pays parce que dans sa stratégie d’affirmation au niveau mondial, la Chine n’est pas encore prête à assumer un certain nombre de choses qui vont avec un statut de puissance mondiale et notamment la gestion d’une réserve mondiale, le Renminbi. La monnaie chinoise n’a pas encore ce statut aujourd’hui et donc, elle a besoin des autres puissances émergentes pour peser dans le débat mondial. On entre aujourd’hui dans un autre monde et je crois qu’il faut vraiment réaliser le tournant symbolique qui est en train de se produire, sans qu’on soit passé par une guerre. En général, dans l’histoire, les changements de pouvoir et les grands rééquilibrages ont toujours nécessité une guerre, une grande conflagration. Et là, c’est peut-être la première fois qu’on passe d’une configuration de pouvoir à une autre, de manière douce et sans que cela génère un conflit majeur. On ne peut pas exclure ce type de conflit à l’avenir, notamment sur les ressources mais je crois qu’aujourd’hui, de ce qu’on peut en voir, les chinois ne sont pas du tout dans cette prédisposition et les autres puissances émergentes permettent justement de rééquilibrer ce jeu et d’amoindrir les tensions qui pourraient exister si les chinois faisaient par exemple, bande à part.


Photo: Vladimir Poutine et Dilma Roussef









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