L'intégralité de l'homélie du Pape contre les abus sexuels
(RV) Lundi 7 juillet, le Pape a célébré la messe dans la chapelle Sainte-Marthe devant
six victimes d'abus sexuels commis par des membres de l'Eglise. Ces adultes venaient
d'Allemagne, d'Irlande et du Royaume-Uni. Retrouvez ci-dessous l'intégralité de
l'homélie du Pape François prononcée à cette occasion.
L’image de Pierre
voyant Jésus sortir de ce terrible interrogatoire, Pierre qui croise Jésus du regard
et qui pleure, cette image me vient au cœur aujourd’hui dans vos regards, dans celui
de tant d’hommes et de femmes, d’enfants ; je vois le regard de Jésus et je demande
la grâce de ses pleurs. La grâce que l’Église pleure et répare pour ses fils et ses
filles qui ont trahi leur mission, qui ont abusé de personnes innocentes. Et aujourd’hui
je vous suis reconnaissant, pour être venus jusqu’ici.
Depuis longtemps je
porte en mon cœur la profonde douleur, la souffrance, si longtemps occultée, si longtemps
dissimulée, avec une complicité qui n’a pas d’explication, jusqu’à ce que quelqu’un
ait senti que Jésus regardait, et un autre de même, et un autre encore…. et ils se
décident à soutenir ce regard.
Et ces quelques uns qui ont commencé à pleurer
nous ont fait prendre conscience de ce crime, de ce péché grave. C’est mon angoisse
et ma douleur, le fait que quelques prêtres et évêques aient violé l’innocence de
mineurs, ainsi que leur propre vocation sacerdotale, en abusant d’eux sexuellement.
C’est plus que des actes condamnables. C’est comme un culte sacrilège, parce que ces
enfants ont été confiés à leur charisme sacerdotal pour être conduits à Dieu, et ils
les ont sacrifiés à l’idole de leur concupiscence. Ils profanent l’image même de Dieu
à la ressemblance duquel nous avons été créés. L’enfance, nous le savons tous, est
un trésor. Le cœur jeune, si ouvert à l’espérance, contemple les mystères de l’amour
de Dieu et est disposé de façon unique à être alimenté dans la foi. Aujourd’hui le
cœur de l’Église regarde les yeux de Jésus à travers ces enfants et veut pleurer.
Elle demande la grâce de pleurer devant les actes détestables d’abus perpétrés contre
des mineurs, des actes qui ont laissé des cicatrices pour toute la vie.
Je
sais que ces blessures sont une source de profonde angoisse émotionnelle et spirituelle,
souvent irrépressible. Voire, de désespoir. Beaucoup de ceux qui ont souffert cette
expérience ont cherché des palliatifs dans l’addiction. D’autres ont fait l’expérience
de perturbations dans les relations avec leurs parents, leurs époux et enfants. La
souffrance des familles a été particulièrement grave parce que le mal provoqué par
l’abus affecte ces relations vitales de la famille.
Certains ont même souffert
la terrible tragédie du suicide d’un être cher. La mort de ces fils si aimés de Dieu
pèse sur mon cœur et sur ma conscience, et sur celle de toute l’Église. A ces familles
j’offre mes sentiments d’amour et de douleur. Jésus torturé et interrogé avec la passion
de la haine est emmené à un autre endroit, et il regarde. Il regarde l’un des siens,
celui-ci qui le renie, et il le fait pleurer. Demandons à Dieu cette grâce, avec celle
de la réparation.
Les péchés d’abus sexuels contre des mineurs de la part
du clergé ont des conséquences graves sur la foi et l’espérance en Dieu. Certains
se sont accrochés à la foi tandis que, chez d’autres, la trahison et l’abandon ont
érodé la foi en Dieu.
Votre présence ici parle du miracle de l’espérance qui
prévaut sur l’obscurité la plus profonde. Sans aucun doute, c’est un signe de la miséricorde
de Dieu que nous ayons aujourd’hui l’opportunité de nous rencontrer, d’adorer Dieu,
de nous regarder dans les yeux et de chercher la grâce de la réconciliation.
Devant
Dieu et son peuple, j’exprime ma douleur pour les péchés et les crimes graves d’abus
sexuels commis par le clergé contre vous et, humblement, je demande pardon.
Je
vous demande aussi pardon pour les péchés d’omission de la part des autorités de l’Église
qui n’ont pas répondu adéquatement aux dénonciations d’abus présentées par des proches
et par ceux qui ont été victimes d’abus ; cela a entraîné une souffrance supplémentaire
à ceux qui ont été abusés, et a mis en danger d’autres mineurs qui étaient en situation
de risque.
D’autre part, le courage que vous, et d’autres, avez montré en exposant
la vérité, a été un service d’amour, portant à la lumière une terrible obscurité dans
la vie de l’Église. Il n’y pas de place dans le ministère de l’Église pour ceux qui
commettent ces abus, et je m’engage à ne pas tolérer le mal infligé à un mineur, par
qui que ce soit, indépendamment de son état clérical. Tous les évêques doivent exercer
leur service pastoral avec le plus grand soin pour assurer la protection des mineurs,
et ils rendront compte de cette responsabilité. Pour nous tous, demeure en vigueur
le conseil que Jésus donne à ceux qui provoquent des scandales : la meule et la mer
(cf. Mt 18, 6).
Par ailleurs, nous continuerons à être vigilants dans la préparation
au sacerdoce. Je compte sur les membres de la Commission Pontificale pour la Protection
des Mineurs, de tous les mineurs ; de quelque religion qu’ils soient, ils sont des
fils que Dieu regarde avec amour.
Je demande ce soutien afin qu’ils m’aident
à garantir que nous disposons des meilleures politiques et procédures dans l’Église
universelle pour la protection des mineurs et pour la préparation du personnel de
l’Église, dans la mise en application de ces politiques et procédures. Nous devons
faire tout notre possible pour nous assurer que de tels péchés ne se produisent pas
dans l’Église.
Frères et sœurs, étant tous membres de la Famille de Dieu, nous
sommes appelés à entrer dans la dynamique de la miséricorde. Le Seigneur Jésus, notre
Sauveur, est l’exemple suprême, l’innocent qui a pris sur la Croix nos péchés ; nous
réconcilier est l’essence même de notre identité commune comme disciples de Jésus-Christ.
En nous tournant vers Lui, accompagnés de Notre Très Sainte Mère au pied de la Croix,
nous cherchons la grâce de la réconciliation avec tout le Peuple de Dieu. La douce
intercession de Notre Dame de la Tendre Miséricorde est une source inépuisable d’aide
dans notre parcours de guérison.
Avec tous ceux qui ont souffert des abus
de la part du clergé, vous êtes aimés de Dieu. Je prie pour que les restes de l’obscurité
dans laquelle vous avez été plongés, soient dissipés par le bras de l’Enfant Jésus,
et qu’au mal qui vous a été fait succèdent une foi et une joie restaurées.
Je
remercie pour cette rencontre. Et, s’il vous plaît, priez pour moi, pour que les yeux
de mon cœur voient toujours clairement le chemin de l’amour miséricordieux, et que
Dieu m’accorde le courage de poursuivre ce chemin pour le bien des mineurs. Jésus
sort d’un jugement injuste, d’un interrogatoire cruel et il regarde Pierre dans les
yeux, et Pierre pleure. Demandons qu’il nous regarde, qu’il ne cesse pas de nous regarder,
que nous pleurions et qu’il nous donne la grâce de la honte afin que, comme Pierre,
quarante jours après nous pussions lui répondre : « Tu sais que je t’aime »
et entendre sa voix : « Retourne sur ton chemin et pais mes brebis », et j’ajoute
« et ne permets à aucun loup de s’introduire dans le troupeau ».