Le sérieux des menaces contre les chrétiens de la Bekaa mis en doute

(RV) Entretien - Au Liban, un groupe terroriste islamiste veut cibler les chrétiens et « purifier » la plaine de la Bekaa de ses églises. Les Brigades des sunnites libres de Baalbek ont affirmé avoir chargé « une unité spéciale de djihadistes » de cette mission, dans un message publié jeudi sur le réseau social Twitter.

Ces mêmes Brigades ont prêté allégeance au chef de l’État islamique qui s’est autoproclamé « calife » en Irak, a annoncé en début de semaine le quotidien libanais francophone l’Orient Le Jour.

Ces menaces doivent-elles être prises au sérieux ? Pour certains oui et pour d’autres non comme le constate Fady Noun, journaliste à l’Orient Le Jour. Il est interrogé par Audrey Radondy :

Il faut à la fois ne pas leur accorder trop d’importance et ne pas négliger l’hypothèse qu’il pourrait s’agir simplement d’une organisation, disons fictive, qui n’a pas vraiment d’existence, qui peut aussi être d’inspiration du service de renseignement. C’est ce que certains disent. En même temps, il ne faut pas minimiser le risque que ce soit orchestré avec tout ce qui se passe sur le plan régional. Ce qui se passe entre dans le cadre du conflit plus vaste qui divise le monde musulman entre sunnites et chiites.
Comme cerise sur le gâteau, on parle aussi du fait qu’on veuille décrocher les cloches des églises. Mais c’est contraire à une longue tradition de coexistence entre chrétiens et musulmans. Au Liban, il n’y a pas de base de frustration antichrétienne. Il y a plutôt une base de frustration anti-chiite à cause de la prédominance du Hezbollah et de son hégémonie sur la vie politique et le pays tout entier.

Et justement, qui sont ces brigades ?
C’est tout récent. C’est quelque chose qui a été signalé, il y a peut-être deux mois. C’est la mouvance de l’État islamique, c’est la mouvance anti-Hezbollah. Voilà, c’est la mouvance fondamentaliste.

Donc, il y aura vraiment une unité contre ces gens-là, faite par les chrétiens et les musulmans ?
Oui, exactement. Vous savez, nous sommes immunisés. Ce que vous voyez maintenant au Moyen-Orient a commencé chez nous en 1975. Nous avons trente ans d’avance, d’expérience de cette guerre et de cette déstabilisation. Et nous avons développé certains réflexes d’immunité, sociaux et politiques. Je pense personnellement que ces réflexes fonctionnent.
Évidemment, des attentats vont continuer à se produire. La sécurité totale, c’est de la fiction, même en Occident. Mais pour que ces attentats atteignent pleinement leurs objectifs, je ne pense pas que le Liban soit un terrain favorable. Ils auront une partie beaucoup plus difficile qu’ils ne l’ont eu en Irak ou en Syrie.
L’évêque maronite de la Bekaa a fait une déclaration dans laquelle il ne se montre pas tellement inquiet sur ce qui se passe dans la Bekaa. Les chefs religieux musulmans sunnites ont dit qu’ils allaient défendre les églises comme ils défendent les mosquées. Le ministre de l’Intérieur libanais qui est sunnite a dit la même chose.

Et si ces menaces sont purement symboliques, à qui profite la confusion et la déstabilisation du Liban ?
La déstabilisation du Liban profite à ceux qui sont en train de tenter de reconfigurer le Moyen-Orient, de changer les lignes des frontières. Donc, cela profite à plus d’une personne, plus d’un État. Cela profite à tous ceux qui sont dans les mouvances fondamentalistes, que ce soit chiites ou sunnites.


Photo : déploiement de policiers à Beyrouth après un attentat suicide le 26 juin