2014-07-03 08:16:04

Mgr Sako : « nous sommes choqués par l'égoïsme des occidentaux »


(RV) Entretien- Le Premier ministre irakien Nouri al Maliki a proposé mercredi une amnistie aux tribus sunnites parties combattre avec les jihadistes de l’Etat islamique contre le pouvoir central, mais aussi aux anciens soldats membre du parti Baas déchu de Saddam Hussein. Cette amnistie, affirme-t-il, concerne toute personne « impliquée dans des actions contre l'Etat » mais ayant « repris ses esprits », à l'exception des meurtriers. Nouri al Maliki dit ainsi vouloir surmonter les obstacles qui s'opposent à la formation d'un nouveau gouvernement irakien.

Et alors que l’Irak s’enfonce chaque jour un peu plus dans le chaos, c’est un véritable cri d’alarme que lance le patriarche de Babylone des Chaldéens. S.B Louis Raphaël Sako dit craindre une guerre civile qui aboutirait à la division du pays. Il s’insurge contre l’immobilisme de la communauté internationale, qui constate sans réagir l’avancée des jihadistes de l'Etat islamique et observe dans une relative indifférence la souffrance des populations irakiennes.

Hélène Destombes l’a joint par téléphone : RealAudioMP3

Le pays vit aujourd’hui une situation chaotique. Il va vers la division. Le Kurdistan est déjà autonome. Les provinces sunnites ne sont pas contrôlées par le gouvernement central. Le Sud est calme parce que presque chiite. Nous, les chrétiens, nous ne savons pas où nous serons. Donc, les chrétiens et les musulmans ont peur. Tout est fragile. On ne sait pas quand cela va éclater. Il y a un grand danger de guerre civile : une guerre civile entre sunnites et chiites et autres. Il faut affaiblir tous ces groupes et dire à la fin « voilà, il n’y a pas que la division du pays en trois cantons ».

Vous avez le sentiment que le pays est en chemin vers une guerre civile et donc, une division de l’Irak ?
Oui, mais ce n’est pas seulement mon sentiment. Dans la rue, vous arrêtez quelqu’un, un simple homme et vous lui posez la question « Où va l’Irak ? », il va vous répondre la même chose.

Qu’est-ce qui pourrait permettre aujourd’hui d’éviter cette guerre civile, d’éviter cette division ?
Pousser les Irakiens, non pas à intervenir militairement mais d’une manière civile et les pousser à trouver une solution pour sauver soit l’unité du pays, soit la vie des gens. Ou bien, s’il y a un plan mondial pour la division du pays, que ce soit fait par un accord, un dialogue et non pas par la guerre. Je crois que les Américains ont le devoir moral d’aider les chefs de la coalition politique irakienne afin qu’ils se mettent d’accord.

Vous avez le sentiment que l’Irak est aujourd’hui oublié par la communauté internationale ?
Tout à fait. La communauté internationale ne se préoccupe que de ses propres intérêts. C’est comme si les gens donnent plus d’importance à un match de football qu’à des guerres comme en Irak ou ailleurs.

Est-ce qu’il y a malgré tout certains signes qui laisseraient apparaître une solution politique qui pourrait permettre le rétablissement de la sécurité ?
C’est très fragile car il y a des murs dressés entre les groupes, entre sunnites et chiites et les autres. Comment faire tomber tous ces murs ? Il faut une puissance très grande.

Quelle est la situation, aujourd’hui, à Bagdad et avez-vous des nouvelles de Mossoul ? On parle d’enlèvements.
La ville de Bagdad est calme mais les gens vivent dans la crainte. Je crois que la ville est bien protégée par l’armée et les milices chiites. En ce qui concerne Mossoul, les deux sœurs et les trois orphelins, on n’a pas beaucoup de nouvelles. On a pris contact avec les chefs des tribus, les imams. J’ai lancé un appel aux responsables kurdes. Ils nous ont promis leur libération cette nuit ou demain mais rien n’est garanti.

Vous évoquez-là l’enlèvement des deux religieuses chaldéennes, de deux jeunes orphelins et d’un garçon de douze ans qui ont été kidnappés à Mossoul, en plein jour.
Oui, il y a quatre jours. Nous n’avons aucune nouvelle.

Ce mercredi soir, une veillée de prière pour l’Irak et la Syrie a été organisée à Rome. C’est un signe important, ce soutien de chrétiens européens en faveur des populations irakiennes ?
Oui, c’est très important. Ce n’est pas Jésus qui dort, ce sont les chrétiens qui dorment. Et ils sont un peu indifférents. Moi, je suis choqué et scandalisé par l’égoïsme et l’individualisme occidental. J’appelle tout le monde et surtout les Églises, les conférences épiscopales, les chrétiens et les communautés religieuses à faire quelque chose, à élever leurs voix et condamner tout cela. Pourquoi avoir peur de dire la vérité ? Il faut nous réconforter et nous encourager pour rester, persévérer et témoigner des valeurs de l’Évangile.




Photo : Les forces irakiennes en route vers la ville de Samarra, afin de protéger les importants mausolées chiites qui s'y trouvent.







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