(RV) Entretien- L’affaire fait la une de toute la presse française. L’ancien
président français Nicolas Sarkozy a été mis en examen dans la nuit de mardi à mercredi
après avoir été mis en garde à vue, ce qui est une première dans l’histoire de la
Vème République. Les chefs d’accusation sont lourds : Nicolas Sarkozy est notamment
soupçonné de corruption active et de trafic d’influence.
Cette mise en examen
arrive au moment où des rumeurs annonçaient sa volonté de prendre la tête de l’UMP
à l'automne, avec pour objectif la présidentielle de 2017.
Mais ce contretemps
pourrait ne pas changer les ambitions politiques de l’ancien président français. C’est
en tout cas l’avis de Thomas Guénolé, politologue et auteur de « Nicolas Sarkozy,
chronique d’un retour impossible ? » aux éditions First. Il est interrogé par Audrey
Radondy
La recette
de la défense Sarkozy, c’est « vous prenez 1kg de : “tout ça est un complot” ».Vous
rajoutez 500g de « toutes ces accusations n’arrivent pas maintenant par hasard »
et vous saupoudrez de « ce dossier est vide, ça fera pschitt ». Vous pouvez servir
réchauffé, c’est meilleur. Et donc, la ligne de défense de Sarkozy sur les mises en
causes judiciaires, c’est toujours la même et ce sont toujours ces trois arguments.
À l’heure où je vous parle, Nicolas Sarkozy a trois batailles en cours. Il
a la bataille de l’opinion publique. Dans la bataille de l’opinion publique, il utilise
la défense Sarkozy que je viens de vous décrire. Il a la bataille d’appareil sur qui
sera le prochain président de l’UMP. Et là, il en est à hésiter encore : y aller lui-même
ou imposer à ses adversaires un candidat de compromis qui lui, le satisferait, par
exemple François Baroin.
Et puis, il a la bataille judiciaire. Et la bataille
judiciaire, c’est d’abord une bataille de procédure pour obtenir l’annulation de la
mise en examen à chaque fois qu’il y en a une. Je rappelle que maître Thierry Herzog
qui est l’avocat de Nicolas Sarkozy, est un excellent avocat. Dans l’affaire Bettencourt,
il avait obtenu l’annulation de la mise en examen, ce qui est quelque chose d’absolument
rarissime dans le fonctionnement du système judiciaire français.
Vous parlez
donc de son retour qui est plus que probable. Quand on parle du retour de
Nicolas Sarkozy, il faut distinguer les types de retour. En réalité, retour dans la
vie politique, non c’est impossible parce qu’il n’est jamais parti. Ça fait deux ans
qu’il est en précampagne présidentielle. Retour à la tête de l’UMP, oui, c’est toujours
possible en utilisant la défense Sarkozy que je vous ai expliqué.
Retour à
l’Elysée, oui, c’est possible. Il suffit de redevenir président de l’UMP et d’être
son candidat. Si vous êtes qualifié au second tour, a priori vous allez gagner puisque
c’est la gauche qui est sortante et que le Front National monte.
Il n’y a
que deux choses qui puissent arrêter judiciairement la trajectoire de Nicolas Sarkozy.
La première, c’est une preuve incontestable qu’il a fait quelque chose d’illégal et
qui sortirait dans le débat publique. La seconde, c’est une condamnation en justice.
Tous les autres cas n’arrêteront pas le bulldozer et quelque part, moi, la situation
de Nicolas Sarkozy me fait penser à celle de Silvio Berlusconi.
Mais dans
les derniers sondages, on dit que plus de 60% des Français ne souhaitent pas son retour
en politique. Oui, mais ça, ça n’a aucune importance parce que déjà sur les
soixante points, vous en avez un peu moins de cinquante qui sont de gauche et de toute
façon, ils ne veulent pas de Nicolas Sarkozy et ils ne voteront jamais pour lui. Et
ça veut dire que malgré une mise en examen et malgré une demi-douzaine de procédures
qui le visent directement ou indirectement en justice, vous avez 40 points qui souhaitent
qu’il revienne. C’est énorme !
Et qu’en est-il concernant l’UMP ? On
parle beaucoup de crise de l’UMP. Crise, c’est un mot galvaudé qui ne veut rien dire
en l’occurrence. L’UMP a de graves problèmes et précis. L’UMP n’a pas de chef. Elle
n’a pas de ligne politique, elle n’a pas de programme de gouvernement. Elle est organisée
comme une armée mexicaine et au niveau des finances, ce sont les écuries d’Augias.
Par ailleurs, il y a une accumulation d’enquêtes judiciaires et policières contre
ce parti. Donc, il va falloir tout changer et pas tout changer comme le guépard. Il
ne faut pas tout changer pour que rien ne change. Il faut vraiment avoir un chef,
adopter une ligne, adopter un programme de gouvernement pour le cas où l’UMP devrait
exercer le pouvoir bientôt, nettoyer les écuries d’Augias, c’est-à-dire faire la transparence
sur la comptabilité de l’UMP et arrêter l’armée mexicaine, c’est-à-dire renouveler
complètement les générations qui sont aux commandes. C’est-à-dire qu’il est temps
que les quinquagénaires prennent la main, les quadragénaires aussi d’ailleurs.
Par
rapport aux différentes luttes de pouvoir qu’il y a au niveau de l’UMP, est-ce que
ça ne va pas non plus pouvoir empêcher Nicolas Sarkozy de pouvoir revenir comme le
sauveur ? Le président de l’UMP est élu par les adhérents de l’UMP. Si Nicolas
Sarkozy est candidat à la présidence de l’UMP, c’est qu’il sera élu président de l’UMP.
Parce que pour la base militante de l’UMP, ce n’est pas Nicolas Sarkozy, c’est leur
Nicolas Sarkozy. C’est sentimental.
A noter que l’actuel chef de l'Etat François
Hollande a souligné que Nicolas Sarkozy devait bénéficier de la « présomption d'innocence
» dans cette affaire. Le Premier ministre Manuel Valls parle lui d’une situation grave.
Photo
: Nicolas Sarkozy quitte son domicile parisien le matin du 2 juillet