(RV) Le monde du dialogue interreligieux en deuil. Mahmoud Azab, conseiller pour le
dialogue interreligieux auprès du grand imam de l’université Al-Azhar au Caire, est
décédé dans la nuit de samedi à dimanche 29 juin. Ancien professeur de langues sémitiques
(hébreu, arabe) à Al Azhar, il a aussi enseigné en France à l'Institut national des
langues et civilisations orientales (INALCO) où il fut professeur associé d'arabe
classique et professeur titulaire d'islamologie. Il fut également amené à exercer
dans différentes universités africaines au Tchad et au Niger.
L’annonce de
son décès a suscité de nombreuses réactions dont celle du père Christophe Roucou,
le directeur du service national pour les relations avec l’islam de la conférence
des évêques de France. C’est une « très triste nouvelle pour tous les acteurs du
dialogue entre chrétiens et musulmans», a-t-il réagi.
Hommage aussi de
la part du ministère français des Affaires étrangères envers « un grand intellectuel,
docteur en études sémitiques de la Sorbonne, qui a formé des générations de jeunes
français à la langue et la civilisation arabes. »
Radio Vatican l’avait
rencontré en octobre 2013 à la Communauté de Sant’Egidio à Rome dans le cadre d’une
rencontre internationale pour la paix. Mahmoud Azab était intervenu à la tribune pour
parler du dialogue entre chrétiens et musulmans en Egypte. Il était revenu au micro
de Xavier Sartre sur les sur la situation qui prévaut dans son pays, sur les relations
entre musulmans et coptes, sur la place des coptes dans la société égyptienne et sur
le futur du pays
Je participe
à beaucoup de forums qui préparent l’Égypte pour l’avenir. Je vois exactement la moitié
dans toutes les délégations. Les coptes sont très présents. Les chrétiens, tous. Les
grands intellectuels sont très présents et là en général leur voix est très claire.
Nous sommes tout à fait d’accord avec la citoyenneté. Il faut respecter et se baser
sur la citoyenneté. Coptes ou musulmans, nous sommes des citoyens égyptiens, tous
pareils : « égalité devant la loi ». En plus, Al Ahar a créé la maison de la famille
égyptienne, le projet de l’imam d’Al Azhar pour protéger l’Égypte unie. Musulmans
et chrétiens se rassemblent avec Al Azhar, l’Église copte orthodoxe et les trois autres
Églises avec leurs chefs et beaucoup de musulmans et chrétiens hors du clergé. Et-je
le répète- ils ont fait des efforts avec deux objectifs. Le premier : diffuser un
discours qui se concentre sur les grandes valeurs musulmanes et chrétiennes, l’islam
et le christianisme et les particularités de l’Égypte, un pays de paix depuis des
siècles et des millénaires. Et étudions ensemble les problèmes sur les malentendus
islamo-chrétiens, les vraies raisons. On démasque souvent des problèmes qui étaient
très souvent politiques mais qui étaient cachés. On travaille jour et nuit. Et même
pour la Constitution, il y a une délégation d’Al Azhar, une délégation de l’Église.
Elles se réunissent très souvent avant d’aller discuter avec tous les autres, avec
les 50 membres. Surtout au début, nous étions d’accord, l’Église et nous, sur les
valeurs de l’Égypte, l’identité égyptienne. L’Égypte est un pays civilisé, tolérant
depuis des millénaires et elle doit continuer comme cela.
Autrement dit,
si je vous comprends bien, vous étiez opposés aux Frères Musulmans et à la voix que
le Président Morsi avait prise ? On s’oppose à toute voix qui oublie ou qui
nie ou ne connait pas les vérités de l’Égypte. C’est un peuple civil et civilisé qui
veut vivre en paix, qui a sa foi musulmane et chrétienne, sans fanatisme, sans impliquer
la religion partout. Le respect de l’État et de ces institutions ne doit pas être
soumis à un groupe ni à un parti quelconque, religieux ou autre. Donc tout ce qu’ils
essayaient de faire, nous serons contre parce que ce n’est pas nous qui le décidons,
c’est le peuple égyptien qui a choisi le 30 juin. Mais malheureusement l’Occident
ne veut pas voir ces vérités. Et c’est pourquoi je tiens à critiquer cette incompréhension.
Quand on essaye chez nous d’améliorer, d’arrêter la violence, au nom de la démocratie
on nous dit de ne pas nous en prendre à ceux qui veulent détruire ou qui veulent du
mal aux égyptiens. Donc il faut que l’Occident soit cohérent et authentique dans son
discours, qu’il aide l’Égypte à être un peu plus consciente pour que les musulmans
et chrétiens retrouvent leur vraie identité.
Est-ce qu’on peut dire que
vous êtes pour une Égypte laïque ? Le mot « laïc » a une très mauvaise réputation
chez nous. Je pense que quand vous dites laïc dans le monde arabe, c’est comme si
vous étiez contre les religions. Vous acceptez en France, en Europe ou ailleurs quelque
chose de ce type. Les Égyptiens sont très croyants et pratiquants, musulmans ou chrétiens.
On dit, dans la déclaration d’Al Ahzar que nous avons écrite ensemble, chrétiens et
musulmans, que nous voulons un pays, un État démocrate, constitutionnel et moderne.