Cardinal Onaiyekan : « La corruption est un moyen de mourir »
(RV) Entretien - Enlèvements, attentats, attaques de villages par la secte
islamiste Boko Haram, corruption, violences, inégalités sociales : le Nigéria souffre
de plusieurs maux symptomatiques d’une société gangrénée par la corruption, l’absence
de bonne gouvernance, et la recherche de l’intérêt particulier. L’Eglise catholique
du pays a décidé de se mobiliser et d’organiser un semestre de prière pour le retour
de la paix.
A partir de ce 1er juillet, et pour les six prochains mois, la
conférence des évêques catholiques du Nigéria appelle les fidèles à prier au niveau
familial, en récitant ensemble à la maison, le rosaire tous les samedis soirs ; au
niveau paroissial, en récitant le rosaire et en participant à une adoration eucharistique
tous les derniers dimanches du mois, avec tous les ecclésiastiques ; au niveau national,
en participant à un pèlerinage national les 13 et 14 juillet prochains à Abuja, au
Centre national chrétien.
Les fidèles sont appelés à prier pour le salut et
le retour de toutes personnes enlevées, pour les victimes de la violence, pour les
soldats, policiers et agents de sécurité qui ont perdu la vie, pour l’unité, la paix
et la bonne gouvernance au Nigéria, pour l’éradication de la corruption et la promotion
de la justice et pour la promotion des valeurs de la famille et la protection de la
ville.
Le cardinal John Onaiyekan, archevêque d’Abuja, revient avec
Xavier Sartre sur ces intentions de prière, et notamment sur celle concernant le mal
principal du pays, la corruption
Un bon gouvernement
s’exprime, dans le domaine de la corruption, par son honnêteté à gouverner. Nous avons
toujours dit que si l’on ne fait rien pour arrêter la corruption, cela va détruire
notre pays. Il est clair que le pays ne peut pas rester debout si les gouverneurs
ne pensent pas aux personnes normales et s’ils volent tout l’argent. Ce ne sont pas
simplement de petits vols mais il s’agit de grandes sommes d’argent. La corruption
est devenue endémique, systématique. Peut-être que celui qui corrompt ne sait plus
distinguer le bien et le mal car c’est devenu presque un moyen de vivre. Mais maintenant,
nous commençons à reconnaître que c’est un moyen de mourir et non pas de vivre. On
peut prendre un exemple très simple. On voit maintenant que parmi les problèmes que
rencontrent les forces de sécurité dans leur effort pour combattre le terrorisme,
il y a le fait que beaucoup d’argent qui leur était destiné ne leur arrivent pas.
Et souvent, l’argent qui leur arrive ne parvient pas aux petites gens sur les champs
de bataille. Si on n’arrête pas ces choses-là, il sera vraiment difficile d’avoir
confiance dans l’armée nigériane. On entend souvent parler les services de renseignement
des autres pays et particulièrement des Américains. Donc, l’armée nigériane est tellement
mauvaise qu’on ne peut pas avoir confiance. Tout cela montre que s’il n’y a pas un
minimum de bonne gouvernance, on ne peut pas continuer à vivre dans un pays sans paix
et sans justice.
Comment faire pour combattre cette corruption ? Comment
faire pour convaincre le gouvernement d’agir réellement et efficacement ? C’est
une maladie dont tout le monde connaît les causes. Tout le monde en parle. Même les
gens qui sont au gouvernement parlent de corruption mais ils ne font pas grand chose
pour la combattre. Il y a toujours des révélations retentissantes à propos de beaucoup
d’argent disparu au Nigéria. On attend mais les coupables ne sont jamais identifiés
et punis. Donc, au Nigéria, se crée cette situation où il y a beaucoup de vols mais
aucun voleur. Pourquoi ? Parce que les voleurs sont toujours ces mêmes personnes
qui devaient être identifiées, attrapées et punies. Cela veut dire que c’est le gouvernement
même qui commet le vol. Lorsqu’on en arrive à un tel niveau, la situation devient
difficile. Moi, personnellement, je ne comprends pas. Parfois, il est dit que
le président n’a pas le courage de se mettre à dos les personnes qui tiennent les
rênes du pouvoir du pays et que le président ne peut pas les toucher. Je ne comprends
pas cela car c’est le président qui a la responsabilité de tout le pays et non pas
ces personnes qu’on ne connait pas. C’est peut-être pour cela qu’il est également
nécessaire qu’on cherche des moyens spirituels, non pas pour convaincre mais convertir
les gens. Il n’est pas question de convaincre. On convainc les gens qui ne savent
pas ce qu’ils font mais en fait, ils le savent très bien. Nous croyons qu’il y a toujours
de l’espace pour la prière et pour l’action de l’Esprit Saint, particulièrement dans
un pays où tout le monde se dit religieux. Ils sont soit chrétiens soit musulmans.