2014-06-30 08:35:53

« Toute la nation irakienne est en danger » selon Mgr Casmoussa


(RV) - Entretien - En Irak, l’armée gouvernementale a lancé une contre-offensive d’ampleur pour tenter de reprendre Tikrit, ancien fief de Saddam Hussein. La ville est aux mains de l’État islamique en Irak et au Levant depuis le 11 juin dernier. La formation djihadiste a annoncé l’établissement d’un nouveau califat islamique sur les régions conquises en Irak et en Syrie.

Le Pape François a exprimé dimanche son inquiétude face à la situation dans le pays. « La violence engendre la violence, le dialogue est l’unique chemin vers la paix » a-t-il déclaré, demandant aux dirigeants irakiens de tout faire pour « préserver l’unité nationale et éviter la guerre».

Le Saint-Père a exprimé sa proximité avec le peuple irakien, surtout avec ces milliers de familles qui ont dû abandonner leurs maisons, face à la menace djihadiste. Parmi ces familles : beaucoup de chrétiens.

Certains ont pu regagner la ville de Qaraqosh, au nord de l’Irak, où les djihadistes ont été repoussés par les combattants kurdes. C’est là que nous avons joint Mgr Georges Casmoussa, l’ancien archevêque syro-catholique de Mossoul. Il réagit à l’appel lancé par le Pape au micro de Manuella Affejee : RealAudioMP3

La situation est calme. Les gens, surtout les jeunes, commencent à rentrer chez eux et la confiance règne. Si le calme continue comme cela, tout le monde va rentrer parce que ce n’est pas très gai d’être dans une grande salle, sans air conditionnée, sans ventilateur et même, sans services rudimentaires. Il y a l’armée kurde qui a maitrisé la situation et qui continue de garder la paix ici et de défendre la ville. Depuis deux jours, grâce à Dieu, il n’y a aucun tir ni d’un coté, ni de l’autre. Et l’armée irakienne n’existe plus dans ce lieu.

Lors de l’angélus, ce dimanche, le Pape François a appelé à prier pour la paix en Irak. Il a également appelé les dirigeants irakiens à préserver l’unité nationale du pays. Comment avez-vous accueilli cet appel du Pape François ?
Nous sommes très contents que cet appel émane du Saint-Père et qu’il y ait vraiment une suite, non seulement pour la dignité nationale mais aussi pour que les grandes puissances puissent comprendre les situations particulières de ces pays et qu’elles ne voient pas seulement leurs intérêts dans leur jugement parce que vous voyez, c’est toute la nation irakienne qui est en danger de perdre son identité et sa paix. Il n’y a que le désordre à l’horizon. Alors, nous attendons des grandes puissances qu’elles entendent l’appel du Saint-Père pour regarder le côté humain dans toute cette affaire-là. Autrement, c’est une autre Syrie qui commence.

On se rappelle évidemment la terrible guerre confessionnelle qui a ravagé le pays en 2006-2007. Selon un responsable irakien, la situation est beaucoup plus grave maintenant. Partagez-vous cette constatation, cette analyse ?
Je crois que c’est beaucoup plus grave maintenant parce qu’il y a différents conflits et qu’il y a surtout les forces islamistes fondamentalistes (les plus fondamentalistes qui existent) qui veulent imposer une religion pure et dure mais aussi imposer une manière de vivre à tout le monde, une manière de penser. À Mossoul même, ils ont mis à bas non seulement la statue de la Vierge qui était sur la terrasse de l’évêché mais aussi certains monuments historiques ou culturels. Même des personnages de la poésie arabe, de la musique arabe et de l’histoire de la ville ont été tous mis à bas, sous prétexte que c’étaient des idoles. Vous voyez donc quelle civilisation nous attend.

Mgr. Casmoussa, quel est l’appel que vous souhaiteriez lancer à la communauté internationale ?
Tout ce que je viens de dire est un appel à la communauté internationale afin de sauvegarder les souffrances de ces petites minorités chrétiennes qui restent. Vous savez, si Qaraqosh tombe, c’est toute la chrétienté de l’Irak qui tombe. Alors, notre appel, c’est de sauvegarder cette chrétienté et de composer avec son existence pour l’avenir de ce que vous appelez la démocratie, pour l’avenir du vivre ensemble, pour l’avenir non pas du dialogue mais de la coexistence islamo-chrétienne. Nous ne sommes pas importés de quelque part. Nous sommes dans notre propre pays et nous étions là avant l’Islam. Nous exigeons de la communauté internationale de ne plus croire que nous sommes des chrétiens venus avec les croisés, ou bien convertis à l’Islam ou importés de quelque part. Nous sommes autochtones donc, nous tenons mordicus à notre terre pour rester avec liberté, dignité et avec nos droits civils.


Photo : Familles fuyant les violences à Mossoul.







All the contents on this site are copyrighted ©.