La revue de la presse catholique africaine. Mercredi 11 juin 2014
Les préoccupations de la presse catholique cette semaine sont assez hétéroclites,
même si revient toujours, par divers aspects, la lancinante question de la coexistence
des religions dans les pays à forte majorité musulmane. Le point d’appui de ces réflexions,
dans les journaux qui l’abordent, c’est bien entendu l’enlèvement des jeunes femmes
du Nigéria par la secte islamiste Boko Haram. Mais procédons progressivement en nous
rendant tout d’abord au Sénégal.
Le portail de l’Eglise dans ce pays, SENKTO,
a rendu largement compte du bon déroulement du pèlerinage marial international de
Popenguine qui s’est clos lundi – Lundi de Pentecôte comme il est dans sa tradition.
Ce pèlerinage draine habituellement une marée de fidèles venant de toute la sous-région
et de plus loin. Les pèlerins sont aussi bien des chrétiens que des musulmans. Aussi
n’est-il pas surprenant de lire dans SENKTO qu’à la fin des célébrations, messes et
prières, le ministre de l’Intérieur Abdoulaye Daouda Diallo a donné l’assurance «
que la commune rurale de Popenguine va être dotée de toutes les infrastructures que
le statut du sanctuaire marial requiert ». Le ministre a affirmé que « toutes les
initiatives de l’Eglise feront l’objet d’une attention particulière de la part du
chef de l’Etat Macky Sall », lui aussi un musulman.
Sous la plume de Sylvestre
Ndoumou, nous lisons dans L’Effort camerounais que le Nonce apostolique invite
les fidèles du Cameroun à bâtir leur Eglise dans l’unité et l’amour sincère, dans
un véritable esprit de famille qui n’exclut personne. Mgr Pietro Pieppo est allé présider
à Maroua Mokolo la messe au cours de laquelle Mgr Bruno Ateba a été ordonné et installé
sur sa cathèdre de Maroua. La célébration a eu lieu, bien entendu, alors que la communauté
était encore dans le traumatisme causé par l’enlèvement, le 4 avril, de trois ouvriers
apostoliques du diocèse par la secte nigériane Boko Haram. Inutile de rappeler que
ces trois missionnaires, deux prêtres italiens et une religieuse canadienne, ont été
libérés depuis mais les propos de Mgr Pieppo n’en gardent pas moins leur valeur prophétique.
Le projet de Dieu pour l’humanité est, a-t-il réaffirmé, celui « de faire
de nous tous l’unique famille de Ses enfants, dans laquelle chacun Le sent proche
et se sent aimé par Lui, comme dans la parabole de l’Évangile, et sent la chaleur
d’être de la famille de Dieu. L’Église a ses racines dans ce grand dessein ». Le Nonce
apostolique a confié : « Il y a quelque chose qu’il ne faut jamais oublier et que
le Saint-Père m’a confié à moi-même son indigne serviteur. Il y a un peu plus d’un
mois j’ai été reçu par lui-même pendant ¾ d’heures. Il m’a parlé et il m’a ouvert
son cœur (…) Avec la nomination de Mgr Bruno (Ateba), le Pape François veut aussi
dépasser les barrières régionales pour promouvoir davantage l’unité de l’Eglise de
notre nation » camerounaise.
De Boko Haram aussi il est question dans la dernière
édition de Diocèse de Rabat, le bulletin en ligne du diocèse marocain. On y
lit que non seulement les fidèles catholiques du Maroc ont accompagné le Pape dans
son voyage de paix en Terre Sainte, dans le Moyen-Orient et dans le monde le 26 mai
dernier - « La Paix, nous avons la responsabilité de la demander à Celui qui peut
vraiment la donner », écrit le bulletin. Mais on y lit aussi que « l’université Al-Azhar,
la plus haute autorité religieuse de l’islam sunnite, a appelé mardi 6 mai le groupe
islamiste armé Boko Haram à relâcher les plus de 200 lycéennes qu’il a enlevées le
mois dernier au Nigeria et menacé de vendre comme esclaves ». Cette information est
loin d’être banale dans un pays musulman comme le Maroc où les catholiques constituent
une infime minorité, d’ailleurs composée d’étrangers pour l’essentiel.
Ces
préoccupations de paix et de sérénité entre les croyants nous introduisent idéalement
à la puissante prise de position de Mgr Ignatius Kaigama, Archevêque de Jos et président
de la Conférence épiscopale du Nigéria. La Conférence épiscopale, nous renseigne l’agence
catholique nationale CNSN, vient de réaffirmer que la proclamation par des
groupuscules islamistes de se constituer en Etats islamiques au Nord est une flagrante
violation de l’article 10 de la Constitution fédérale qui ne donne licence à personne
de remettre en cause les bases de l’équilibre social. Personne n’est fondé à ériger
tout ou partie des Etats fédérés du Nigéria à n’obéir qu’à la loi d’une seule religion.
« La religion est une force sociale d’importance, qui conduit à rassembler,
pas à diviser », soutient Mgr Kaigama qui déplore les trop nombreux épisodes du passé
où, au contraire, la religion a été usée contre les autres et contre les idéaux de
paix. Partout où l’article 10 de la Constitution a été ignoré, les tensions et les
violences ont résulté de la volonté d’une minorité d’imposer leur religion aux autres,
note Mgr Kaigama.
En Afrique Centrale, et plus précisément dans les deux Congo,
les thèmes sociaux sont aussi au centre de l’actualité.
Dans La Semaine
Africaine, journal de l’Eglise paraissant à Brazzaville, on lit l’interview accordée
à Ghislain Ngouma par Mgr Louis Portella-Mbuyu, Evêque de Kinkala, président de la
Conférence épiscopale du Congo et président de tour de l’ACERAC, Association des conférences
épiscopales d’Afrique centrale. Dans la perspective de la célébration à Brazzaville
de la 10è Assemblée plénière de l’ACERAC, du 6 au 13 juillet prochains, près de cent
cardinaux, archevêques, évêques et d’autres délégations du Vatican, d’Europe et d’Afrique
prendront part aux travaux qui porteront sur le thème de « La famille en Afrique aujourd’hui
», nous renseigne le journal.
En choisissant un tel thème, précise Mgr Portella,
« l’Eglise en Afrique centrale voudrait confirmer le choix de l’Eglise universelle
de veiller à apporter un soin particulier à cette cellule de base qui façonne l’homme
et l’oriente, en collaboration avec toutes les autres structures sociétales et ecclésiales,
dans la vie de tous les jours ».
En République démocratique du Congo, le portail
de l’Eglise, CENCO, nous ramène au cœur d’une question qui préoccupe les Eglises
particulières d’Afrique depuis des décennies. On lit que « début mai, les autorités
de Kampala (Ouganda –Ndlr) ont annoncé conjointement avec le Haut-commissariat aux
réfugiés et les autorités congolaises la reprise très prochaine du rapatriement volontaire
des réfugiés de la RD Congo».
Le portail relève que l’Est congolais est en
proie à des épisodes récurrents de guerres depuis une décennie et que « les populations
de cette partie de la république sont tout le temps en déplacement volontaire ou forcé.
Ces déplacements massifs et incessants sont à la base de l’exil forcé ou volontaire
de près de 350.000 réfugiés congolais en Ouganda. Des réfugiés qui pourraient bientôt
rentrer au Congo ». Relative bonne nouvelle lorsqu’on voit que ce sont les symptômes
du mal qui sont traités, pas les causes profondes !