Le roi d'Espagne Juan Carlos, affaibli par des ennuis de santé et à la popularité
ternie par les scandales, a annoncé lundi à la surprise générale qu'il abdiquait au
profit de son fils, le prince Felipe, lui laissant la lourde tâche d'impulser le «
renouveau » d'une monarchie discréditée.
Le prince des Asturies, âgé de 46
ans, doit devenir le prochain roi d'Espagne sous le nom de Felipe VI. Aujourd'hui
épargné par la chute de popularité qui touche son père, il devra néanmoins convaincre
le pays de sa légitimité, alors que l'Espagne, meurtrie par la crise économique et
le chômage, doute de ses institutions.
La conférence épiscopale espagnole a
fait part au roi de sa reconnaissance et de remerciements appuyés pour « son profond
engagement et sa contribution à l’histoire récente de l’Espagne, en particulier
envers la création et la consolidation de la vie démocratique, notamment durant la
transition politique ».
Les prélats espagnols souligne un service dont
la valeur est « extraordinaire » et qui continuera avec le prince Felipe, « qui
a déjà démontré ses qualités et ses compétences, comme vu lors de divers événements
publics ». Ils ont enfin prié Dieu pour qu’Il continue de « soutenir sa Majesté
le roi Juan Carlos et la reine Sofia dans cette nouvelle phase de leur vie et d’assister
la Couronne d’Espagne ».
Le moment de préparer la relève
Même
si le roi, âgé de 76 ans, avait continué à honorer un agenda chargé, il a finalement
révélé lundi que c'était à cette époque, après son anniversaire le 5 janvier, qu'il
avait « estimé que le moment était venu de préparer la relève ».
Le
visage grave, Juan Carlos s'est adressé lui-même au pays lundi. Dans un discours solennel
retransmis à la télévision, il a confirmé son abdication, annoncée le matin par le
chef du gouvernement Mariano Rajoy, exprimant toute sa « gratitude » au peuple espagnol.
Evoquant la soif « en nous d'un élan de renouveau, de dépassement, de correction
des erreurs », le roi a déclaré que son fils, avait « la maturité, la préparation
et le sens de la responsabilité nécessaires pour prendre avec toutes les garanties
la tête de l'Etat et ouvrir une nouvelle étape d'espoir alliant l'expérience acquise
et l'impulsion d'une nouvelle génération ».
38 ans sur le trône
Couronné
le 22 novembre 1975, à 37 ans, deux jours après la mort de Franco, Juan Carlos aura
accompagné le destin d'une Espagne sortie de la dictature pour rejoindre le cercle
des grandes démocraties européennes. Le 23 février 1981, le jeune roi en uniforme
militaire ordonnait, dans un message télévisé resté gravé dans les mémoires, aux officiers
putschistes de la Garde civile qui occupaient alors le Parlement de rentrer dans leurs
casernes.
En déjouant cette tentative de coup d'Etat, celui que le dictateur
Francisco Franco avait, dès 1969, désigné comme son dauphin, s'imposait ce jour-là,
avec éclat, comme le héros de la transition démocratique. Grande figure de la démocratie,
le roi avait pourtant vu sa popularité sombrer sous les scandales qui ont entaché
ses dernières années de règne. D'abord le scandale judiciaire qui frappe sa fille
cadette, Cristina, 48 ans, mise en examen pour fraude fiscale et blanchiment d'argent,
et son époux, Iñaki Urdangarin, soupçonné de corruption.
La luxueuse partie
de chasse à l'éléphant du printemps 2012 au Botswana, qui serait restée secrète si
le roi n'avait pas été rapatrié d'urgence après une chute, avait choqué les Espagnols
plongés dans la crise. Le tout s'ajoutant aux multiples ennuis de santé de Juan Carlos,
qui a subi plusieurs opérations ces dernières années.
Affichant une meilleure
santé ces dernières semaines, il avait repris ses activités officielles. Décrit comme
« un ambassadeur de luxe pour l'Espagne » grâce à de bonnes relations avec de nombreux
dirigeants internationaux, le roi s'était rendu à la mi-mai en Arabie saoudite pour
y rencontrer des responsables saoudiens dans le but de favoriser les relations commerciales
entre les deux pays. (Avec AFP)
Photo : le roi d'Espagne Juan Carlos
signe un document pour son abdication