Le Pape exhorte les consacrés de Terre Sainte à ne pas se laisser vaincre par la peur
(RV) Au long d'une cérémonie courte mais émouvante, le Pape François a rencontré ce
lundi après-midi les prêtres, séminaristes, religieuses et religieux de Terre Sainte,
représentant au total une centaine de congrégations, en l'église de toutes les Nations,
à Gethsémani.
Accueilli par Sa Béatitude Fouad Twal, le patriarche latin de
Jérusalem, le Pape a été interpellé sur le sentiment qu'ont les chrétiens de Terre
Sainte d'être abandonnés, de ne pas recevoir suffisamment de signes d'amitié et de
solidarité de la part des communautés catholiques d'Occident. « Comme Jésus à Gethsémani,
nos jeunes consacrés se sentent souvent seuls et abandonnés, a déclaré le patriarche
Twal au Pape. A travers ta personne et ta voix, nous demandons au monde chrétien
et à nos frères évêques, plus de proximité, plus de solidarité de la part de nos frères
évêques et de sens d'appartenance à notre Église mère. »
Qui suis-je
devant mon Seigneur ?
Après avoir revêtu l'étole utilisée par Paul
VI lors de sa venue 50 ans plus tôt dans cette même église, le Pape a prononcé une
méditation, appelant chacun à s'interroger sur sa propre attitude face à la Passion
du Christ, comme il l'avait fait lors du dimanche des Rameaux, à Rome, le 13 avril
dernier. « Cela nous fera du bien à nous tous, évêques, prêtres, personnes consacrées,
séminaristes, de nous demander en ce lieu : qui suis-je devant mon Seigneur qui souffre
? »
Tout en reconnaissant les difficultés des religieux chrétiens de Jérusalem,
et en leur adressant un salut affectueux, le Pape les a appelés à être « des témoins
courageux de sa Passion et de sa Résurrection ».
L'olivier, symbole
de paix qui relie au Christ
A l'issue de la cérémonie, comme il l'avait
fait le matin même avec le président israélien Shimon Peres dans un tout autre contexte,
le Pape François a planté un olivier, symbole de paix, symbole aussi de fidélité au
Seigneur.
L'olivier planté par François est en effet issu de l'un des huit
oliviers quasiment millénaires, et eux-mêmes issus d'une souche ADN unique dont la
généalogie pourrait les relier aux oliviers contemporains de l'arrestation du Christ.
L'olivier de François voisine désormais avec celui planté par Paul VI en 1964.
Texte
intégral de l'homélie du Pape :
« Il sortit pour se rendre… au mont
des Oliviers, et ses disciples le suivirent » (Lc 22, 39)
Quand arrive
l’heure marquée par Dieu pour sauver l’humanité de l’esclavage du péché, Jésus se
retire ici, à Gethsémani, au pied du mont des Oliviers. Nous nous retrouvons dans
ce lieu saint, sanctifié par la prière de Jésus, par son angoisse, par sa sueur de
sang ; sanctifié par-dessus tout par son « oui » à la volonté d’amour du Père. Nous
avons presque peur de nous rapprocher des sentiments que Jésus a éprouvés en cette
heure ; nous entrons sur la pointe des pieds dans cet espace intérieur où s’est décidé
le drame du monde.
En cette heure, Jésus a senti la nécessité de prier et
d’avoir auprès de lui ses disciples, ses amis, qui l’avaient suivi et avaient partagé
de plus près sa mission. Mais ici, à Gethsémani, le suivre se fait difficile et incertain
; le doute, la fatigue et la terreur prennent le dessus. Dans la rapidité du déroulement
de la passion de Jésus, les disciples auront diverses attitudes à l’égard du Maître
: de proximité, d’éloignement, d’incertitude.
Cela nous fera du bien à nous
tous, évêques, prêtres, personnes consacrées, séminaristes, de nous demander en ce
lieu : qui suis-je devant mon Seigneur qui souffre ?
Suis-je de ceux qui,
invités par Jésus à veiller avec lui, s’endorment, et au lieu de prier, cherchent
à s’évader en fermant les yeux devant la réalité ? Est-ce que je me reconnais
en ceux qui se sont enfuis par peur, abandonnant le Maître à l’heure la plus tragique
de sa vie terrestre ? Peut-être y-a-t-il en moi la duplicité, la fausseté de celui
qui l’a vendu pour trente pièces, qui avait été appelé ami, et qui pourtant a trahi
Jésus ?
Est-ce que je me reconnais dans ceux qui ont été faibles et qui l’ont
renié, comme Pierre ? Peu de temps avant, il avait promis à Jésus de le suivre jusqu’à
la mort (cf. Lc 22, 33) ; puis, poussé dans ses derniers retranchements et assailli
par la peur, il jure de ne pas le connaître. Est-ce que je ressemble à ceux qui
désormais organisaient leur vie sans lui, comme les deux disciples d’Emmaüs, insensés
et lents à croire les paroles des prophètes (cf. Lc 24, 25) ?
Ou, grâce à
Dieu, est-ce que je me retrouve parmi ceux qui ont été fidèles jusqu’à la fin, comme
la Vierge Marie et l’apôtre Jean ? Quand sur le Golgotha, tout devient sombre et que
toute espérance semble finie, l’amour seul est plus fort que la mort. L’amour de la
Mère et du disciple bien-aimé les pousse à rester au pied de la croix, pour partager
jusqu’au bout la douleur de Jésus.
Est-ce que je me reconnais dans ceux qui
ont imité leur Maître et Seigneur jusqu’au martyre, témoignant combien il a été tout
pour eux, la force incomparable de leur mission et l’horizon ultime de leur vie ?
L’amitié de Jésus à notre égard, sa fidélité et sa miséricorde sont le don
inestimable qui nous encourage à poursuivre avec confiance notre marche à sa suite,
malgré nos chutes, nos erreurs et nos trahisons.
Mais cette bonté du Seigneur
ne nous dispense pas de la vigilance face au tentateur, au péché, au mal et à la trahison
qui peuvent traverser aussi la vie sacerdotale et religieuse. Tous nous sommes exposés
au péché, au mal, à la trahison. Nous percevons la disproportion entre la grandeur
de l’appel de Jésus et notre petitesse, entre la sublimité de la mission et notre
fragilité humaine. Mais le Seigneur, dans sa grande bonté et dans son infinie miséricorde,
nous prend toujours par la main, afin que nous ne nous noyions pas dans la mer du
désarroi. Il est toujours à nos côtés, il ne nous laisse jamais seuls. Donc, ne nous
laissons pas vaincre par la peur et par le découragement, mais avec courage et confiance,
allons de l’avant sur notre chemin et dans notre mission.
Vous, chers frères
et sœurs, vous êtes appelés à suivre le Seigneur avec joie sur cette Terre bénie !
C’est un don et aussi une responsabilité. Votre présence ici est très importante ;
toute l’Église vous est reconnaissante et elle vous soutient par la prière. Depuis
ce lieu saint, je désire adresser un salut affectueux à tous ceux de Jérusalem. En
connaissant les difficultés que vous avez dans cette ville, je vous exhorte a être
des témoins courageux de la Passion du Seigneur et de sa Résurrection.
Imitons
la Vierge Marie et saint Jean, et restons près des nombreuses croix où Jésus est encore
crucifié. C’est la route sur laquelle notre Rédempteur nous appelle à le suivre. Il
n’ya pas d’autre voie, c’est celle-ci. « Si quelqu’un veut me servir, qu’il me
suive ; et là où moi je suis, là aussi sera mon serviteur » (Jn 12, 26).
Photo
: le Pape a rencontré plusieurs centaines de religieux catholiques en l'église de
toute les nations à Gethsémani