Le Pape à Bethléem : « Savons-nous défendre les enfants ? »
(RV) Envoyé spécial- C’est au cœur de Bethléem, Place de la Mangeoire, devant
la Basilique de la Nativité que le Pape célèbre une grand messe pour les chrétiens
de Terre Sainte, du moins, ceux qui ont réussi à venir jusqu’ici dans cette enclave,
en ayant les autorisations requises. Quelques 10 000 fidèles, dont une poignée venue
par miracle de la Bande de Gaza, d’autres de Galilée, -où le Pape n’ira pas-, de Jérusalem
aussi, où pour les chrétiens il sera ensuite difficile de retrouver ou seulement voir
le successeur de Pierre, tant les mesures de sécurité sont draconiennes. Et pas mal
de quartiers sont bouclés.
Homélie centrée sur l'enfant
Le
Pape des pauvres et des exclus, comme titrait ce dimanche matin la presse palestinienne,
a célébré la messe de Noël, sur fond d’une grande peinture représentant la crèche,
avec notamment pour personnages les Papes Paul VI, Jean-Paul II, et Benoît XVI en
adoration. La place de la Mangeoire, inondée de soleil, résonnait de chants de Noël,
que les fidèles entonnaient avec ferveur.
Une liturgie en latin et en arabe
durant laquelle le Pape François nous a livré une très belle homélie centrée sur l’enfant.
L’enfant signe d’espérance, signe de vie, mais baromètre pour comprendre l’état de
santé d’une famille, d’une société, du monde entier. « Quand les enfants sont accueillis,
aimés, défendus, protégés dans leurs droits, a déclaré le Pape, la famille
est saine, la société est meilleure, le monde est plus humain ». Et le Pape rappelait
qu’aujourd’hui également les enfants ont besoin d’être accueillis et défendus.
Savoir écouter les enfants, les défendre
« Malheureusement,
dans notre monde qui a développé les technologies les plus sophistiquées, il y a encore
de nombreux enfants dans des conditions inhumaines, qui vivent en marge de la société,
dans les périphéries des grandes villes ou dans les zones rurales. De nombreux enfants
aujourd’hui encore sont exploités, maltraités, tenus en esclavage, objets de violence
et de trafics illicites. De nombreux enfants sont aujourd’hui déracinés, réfugiés,
parfois noyés dans les mers, spécialement dans les eaux de la Méditerranée. De tout
cela nous avons honte aujourd’hui devant Dieu, ce Dieu qui s’est fait Enfant ».
Le
Pape François recommandait de savoir écouter les enfants, de vouloir les défendre,
de prier pour eux et avec eux. Car dans notre monde du rebut quotidien de tonnes de
nourriture et de médicaments, des enfants aujourd’hui encore pleurent de faim, et
souffrent de maladies. Et le Pape de condamner une fois encore le trafic d’armes qui
finissent dans les mains d’enfants-soldats, la main-d’œuvre des petits travailleurs
esclaves pour les multinationales.
Chaque enfant et ses conditions de vie doivent
provoquer une interrogation sur l’état de santé de notre monde. « De ce diagnostic
franc et honnête, peut jaillir un nouveau style de vie, où les relations ne soient
plus de conflit, d’oppression, de ‘‘consommation’, mais soient des relations de fraternité,
de pardon et de réconciliation, de partage et d’amour ».
Etape imprévue
au mur de séparation
Le Patriarche Twal lui aussi devait parler des
enfants, des enfants de Terre Sainte, dénonçait-il, pour lesquels il n’y a plus de
place dans les législations, qui sont absents des négociations pour une paix qui ne
trouve pas le chemin pour arriver jusqu’à nous, une paix qui ne réussit pas à détruire
les murs de la peur et de la méfiance qui entourent cette ville de Bethléem.
Des
murs que le Pape a pu voir se dresser devant lui et toucher du doigt. Décidé à marquer
les esprits, et espérons, les coeurs, le Pape François se rendant au coeur de Bethléem
a fait arrêté le convoi au pied du Mur de séparation, le Mur de sécurité construit
par les israéliens pour isoler les territoires palestiniens. Au pied d’une impressionnante
tour de guet, couverte de barbelés et de graffitis réclamant la liberté, le Pape a
prié
Bernard Decottignies, envoyé spécial en Terre Sainte.
Ci-dessous,
l'homélie du Pape :
« Et voici le signe qui vous est donné : vous
trouverez un enfant emmailloté et couché dans une mangeoire » (Lc 2, 12).
Quelle
grande grâce de célébrer l’Eucharistie en ce lieu où est né Jésus ! Je remercie Dieu
et je vous remercie vous qui m’avez accueilli pendant mon pèlerinage : le Président
Mahmoud Abbas et les autres Autorités ; le Patriarche Fouad Twal, les autres Évêques
et les Ordinaires de Terre Sainte, les prêtres, les personnes consacrées et tous ceux
qui œuvrent pour tenir vive la foi, l’espérance et la charité en ces territoires ;
les représentations de fidèles provenant de Gaza, de la Galilée, les migrants de l’Asie
et de l’Afrique. Merci de votre accueil ! L’Enfant Jésus, né à Bethléem, est le
signe donné par Dieu à qui attendait le salut, et il reste pour toujours le signe
de la tendresse de Dieu et de sa présence dans le monde. « Voici le signe qui vous
est donné : vous trouverez un enfant… ».
Aujourd’hui également les enfants
sont un signe. Signe d’espérance, signe de vie, mais aussi signe “diagnostic” pour
comprendre l’état de santé d’une famille, d’une société, du monde entier. Quand les
enfants sont accueillis, aimés, défendus, protégés dans leurs droits, la famille est
saine, la société est meilleure, le monde est plus humain. Pensons à l’œuvre que réalise
l’Institut Effetà Paolo VI en faveur des enfants palestiniens sourds-muets : c’est
un signe concret de la bonté de Dieu.
Dieu nous répète à nous aussi, hommes
et femmes du XXIème siècle : « Voici le signe qui vous est donné », cherchez l’enfant…
L’enfant
de Bethléem est fragile, comme tous les nouveau-nés. Il ne sait pas parler, et pourtant
il est la Parole qui s’est faite chair, venue changer le cœur et la vie des hommes.
Cet enfant, comme tout enfant, est faible et a besoin d’être aidé et protégé. Aujourd’hui
également les enfants ont besoin d’être accueillis et défendus, depuis le sein maternel.
Malheureusement,
dans notre monde qui a développé les technologies les plus sophistiquées, il y a encore
de nombreux enfants dans des conditions inhumaines, qui vivent en marge de la société,
dans les périphéries des grandes villes ou dans les zones rurales. De nombreux enfants
aujourd’hui encore sont exploités, maltraités, tenus en esclavage, objets de violence
et de trafics illicites. De nombreux enfants sont aujourd’hui déracinés, réfugiés,
parfois noyés dans les mers, spécialement dans les eaux de la Méditerranée. De tout
cela nous avons honte aujourd’hui devant Dieu, ce Dieu qui s’est fait Enfant.
Et
nous nous demandons : qui sommes-nous devant l’Enfant Jésus ? Qui sommes-nous devant
les enfants d’aujourd’hui ? Sommes-nous comme Marie et Joseph, qui accueillent Jésus
et en prennent soin avec amour maternel et paternel ? Ou bien sommes-nous comme Hérode,
qui veut l’éliminer ? Sommes-nous comme les bergers, qui vont en toute hâte, s’agenouillent
pour l’adorer et offrent leurs humbles présents ? Ou sommes-nous indifférents ? Sommes-nous
peut-être des rhéteurs et des piétistes, des personnes qui exploitent les images des
enfants pauvres à des fins lucratives ? Sommes-nous capables de nous tenir à côté
d’eux, de « perdre du temps » avec eux ? Savons-nous les écouter, les défendre, prier
pour eux et avec eux ? Ou bien les négligeons-nous, pour nous occuper de nos intérêts
?
« Voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un enfant… ». Peut-être
cet enfant pleure-t-il ! Il pleure parce qu’il a faim, parce qu’il a froid, parce
qu’il veut rester dans les bras… Aujourd’hui également, les enfants pleurent, ils
pleurent beaucoup, et leurs pleurs nous interpellent. Dans un monde qui met au rebut
chaque jour des tonnes de nourriture et de médicaments, il y a des enfants qui pleurent,
en vain, de faim et de maladies facilement curables. En un temps qui proclame la sauvegarde
des mineurs, se commercialisent les armes qui finissent dans les mains d’enfants-soldats
; se commercialisent des produits confectionnés par de petits travailleurs-esclaves.
Leurs pleurs sont étouffés : ils doivent combattre, ils doivent travailler, ils ne
peuvent pas pleurer ! Mais leurs mères, Rachel d’aujourd’hui, pleurent pour eux :
elles pleurent leurs enfants, et ne veulent pas être consolées (cf. Mt 2, 18).
«
Voici le signe qui vous est donné ». L’Enfant Jésus né à Bethléem, chaque enfant qui
naît et qui grandit en chaque partie du monde, est un signe “diagnostic”, qui nous
permet de vérifier l’état de santé de notre famille, de notre communauté, de notre
nation. De ce diagnostic franc et honnête, peut jaillir un nouveau style de vie, où
les relations ne soient plus de conflit, d’oppression, de ‘‘consommation’’, mais soient
des relations de fraternité, de pardon et de réconciliation, de partage et d’amour.
Ô Marie, Mère de Jésus, toi qui as accueilli, enseigne-nous à accueillir
; toi qui as adoré, enseigne-nous à adorer, toi qui as suivi, enseigne-nous
à suivre. Amen