Mgr Gollnisch : « Venir en pèlerin, le geste politique du Pape François »
(RV) Entretien - Même si on a pris soin de placer le pèlerinage du Pape François
en Terre Sainte sous le signe de la réconciliation entre Eglises d’Occident et d’Orient,
et, selon certaines personnes averties, pris le parti de mécontenter tout le monde
pour éviter toute récupération, beaucoup cherchent à comprendre quand et où ce voyage
sera le plus hautement chargé de résonances politiques.
Pour Mgr Pascal
Gollnisch, directeur général de L’Œuvre d’Orient, « le geste
politique de ce Pape, c’est de venir en pèlerin ». Il s’en explique au micro de
Bernard Decottignies
«
Le voyage, le pèlerinage du Pape François est évidemment essentiel si on veut bien
songer que Jérusalem est une ville de pèlerinage pour l’ensemble des chrétiens, pour
l’ensemble des musulmans et pour l’ensemble des juifs. Par conséquent, je trouve bien
qu’on situe Jérusalem sous cet angle de pèlerinage, dans sa fonction essentielle pour
l’humanité, au-delà des questions locales. Je suis frappé par ce que les gens se demandent
: "est-ce que ça va être religieux ou politique ?" Si on répond politique, on trouve
quand même un peu étrange que le Pape ne fasse pas une démarche religieuse. Mais si
on répond religieux, on dit alors qu’il ne s’intéresse pas aux questions politiques.
Je trouve que de situer ce voyage comme un pèlerinage, c’est un geste politique
car cela remet toutes les questions, par ailleurs, qui se posent autour de Jérusalem
dans leurs justes places. Pourquoi Jérusalem est Jérusalem ? Si l’État d’Israël existe,
c’est parce que Jérusalem avait de l’importance pour le peuple juif. Si les musulmans
sont tellement attachés à Jérusalem, c’est parce que Jérusalem est bien un lieu de
pèlerinage pour eux et il en va de même pour les chrétiens. Autrement dit, le fait
de se situer en pèlerin, ce n’est pas vouloir passer à côté des politiques mais c’est
mettre les politiques devant leurs responsabilités qui font de Jérusalem un lieu exceptionnel,
unique et qui éclaire l’ensemble des aspects du voyage.
Ce qui nous intéresse
dans ce voyage du Pape François, c’est bien sûr le geste œcuménique qu’il veut poser
avec le patriarche de Constantinople. Mais pourquoi est-ce si important ? Il y en
a en permanence des rencontres œcuméniques, à Rome, à Istanbul, à Paris, à Moscou,
à Madrid ou à Milan. C’est si important parce que c’est le lieu logique de l’œcuménisme.
L’œcuménisme n’est pas une recherche de concessions ou de compromis pour qu’on soit
plus dans une coexistence pacifique, c’est rechercher profondément ce qui fait notre
unité et ce qui fait notre unité, c’est précisément l’identité de Jérusalem. Par conséquent,
là encore, situé en pèlerin sur Jérusalem, c’est situer la source de l’œcuménisme
et son sens, sa signification.
Je pense qu’il en va de même pour le dialogue
interreligieux. Je suis quand même très frappé qu’aujourd’hui, ce dialogue interreligieux
demeure incompris par certains et que dans chacune de nos religions et dans chacune
de nos confessions, il y a des montées d’intégrisme chez les musulmans, chez les juifs,
chez les catholiques, chez les orthodoxes, même chez les protestants et même chez
les laïcs d’ailleurs. Ces deniers ne sont pas exempts de montées d’intégrisme qui
fait que ce dialogue interreligieux n’est pas compris. Je crois qu’il faut reprendre
cette pédagogie de dialoguer, de reconnaître ce que l’autre a de bon, de reconnaître
ce que nous avons pu avoir comme torts.
Ce n’est pas parce qu’on dialogue
avec un musulman ou avec un juif qu’on cesse d’être chrétien. Bien au contraire, je
pense que ce dialogue interreligieux est essentiel. Il est important de montrer sa
vitalité pour montrer aussi que ce ne sont pas les religions qui sont source de conflits
mais l’instrumentalisation des religions par les politiques. Et justement, remontrer
aux politiques que Jérusalem est un lieu de pèlerinage. C’est leur montrer qu’il doit
être au service de cette particularité de Jérusalem et non pas des pouvoirs qui peuvent
mettre les religions au service de leur volonté de puissance.»