Le Père Neuhaus : « Tout le monde ne verra pas le Pape »
(RV) Entretien - Le pèlerinage du Pape François en Terre Sainte approche. Un
voyage en trois étapes : Amman, Bethléem et Jérusalem, dont le temps fort sera la
rencontre avec le patriarche de Constantinople, Bartholomée, et l’office œcuménique
au Saint-Sépulcre, 50 ans après les retrouvailles historiques entre Paul VI et le
patriarche Athénagoras.
Autres rendez-vous importants : la rencontre en Jordanie
avec des réfugiés syriens, irakiens et palestiniens et la messe célébrée avec les
ordinaires de Terre Sainte au Cénacle, un site controversé.
Le père David
Neuhaus fait partie du comité d’organisation du voyage papal. Vicaire patriarcal
pour la communauté catholique d’expression hébraïque, il nous parle de ses attentes,
de l’importance de relancer le dialogue œcuménique, mais aussi du climat d’insatisfaction
que suscite la brièveté de cette visite et l’exclusion de la Galilée.
Comme
pour toutes les visites, j’imagine, tout se passe dans une activité très intense.
On essaye de faire un million de choses en même temps et de montrer notre enthousiasme,
notre joie pour sa venue mais aussi de tout bien planifier afin que tout soit comme
il le voudrait.
On sait que ce voyage est très bref. Est-ce que toutes les
communautés seront satisfaites ? Et je pense aussi aux communautés juives et musulmanes. Je
peux dire deux choses en réponse à cette question. Pour le moment, il n’y a personne
qui est satisfait. Je suis sûr et je le dis avec l’expérience des autres visites des
Saints-Pères par le passé, que par après, tout le monde sera très content. Tout le
monde n’est pas content pour le moment parce que la visite est brève, la visite ne
prend pas suffisamment en compte les chrétiens qui sont en plus grand nombre et qui
sont au nord du pays, en Israël. Le Saint-Père ne va pas en Galilée, il ne va pas
rendre visite à ces chrétiens là-bas. Ils sont bien sûr invités à venir à Bethléem.
Mais les possibilités à Bethléem sont très limitées pour la messe qu’il va célébrer
sur la place de la Nativité. Et pour cela, moi, je reçois tous les jours des appels
et j’imagine que beaucoup d’ordres reçoivent le même type d’appels téléphoniques «
Mon Père, vous ne comprenez pas, il n’y a pas suffisamment de place. Tout le monde
veut venir saluer le Pape ». Nous sommes actuellement avec l’intention de dire à tout
le monde de participer de tout cœur, même si ce n’est pas possible qu’ils voient physiquement
le Pape, qu’ils soient physiquement présents quand il sera là. Mais je suis sûr que
le Pape va porter avec lui sa joie et son optimisme. Il est apôtre de l’espoir. Et
pour cela, après la visite, je suis absolument sûr que tout le monde sera ravi mais
pour le moment, il y a beaucoup de travail et un peu de déception parce qu’on commence
à découvrir qui peut être là et qui ne peut pas être là physiquement.
A
votre avis, ça sera pareil pour les responsables israéliens et les responsables musulmans
qu’il va rencontrer de manière rapide mais peut-être en posant des actes plein de
sens et très symboliques ? Le dialogue interreligieux a ce coté-là de la visite.
Ca sera comme a fait Saint Jean-Paul II et le Pape Benoît XVI. Il y aura des moments
partagés avec les musulmans et avec les juifs. Je pense qu’ils attendent le Pape parce
qu’ils savent que le Pape est également ami du peuple juif, comme du peuple palestinien
et du peuple arabe en général. Le Pape est un homme d’écoute et de dialogue et pour
cela, les partenaires dans ce dialogue interreligieux l’attendent avec enthousiasme.
Mais il faut dire que le Pape lui-même a souligné le fait que cette visite se focalisera
sur les relations œcuméniques en donnant un signe très fort du devoir de notre unité
en tant que chrétiens, un message très important pour nous actuellement, au Proche-Orient,
un message à l’unité des chrétiens ou l’unité de notre témoignage et l’authenticité
de notre témoignage est basé sur notre unité.
Vous qui vivez en Terre Sainte,
vous ressentez cette nécessité de relancer, de remettre un peu de flamme dans ce dialogue
œcuménique ? Je pense que c’est nécessaire parce que ça montre que nous formons
un corps. Et cela est vrai dans la vie quotidienne des chrétiens. Peut-être qu’il
faut beaucoup plus travailler avec nos évêques, nos patriarches pour que eux aussi
donnent ce signe que le Pape et le patriarche de Constantinople vont donner. Et là,
il faut renouveler une vraie marche vers l’unité, du point de vue de la collaboration
entre les Églises officielles, les institutions et les fidèles qui sont déjà dans
la rue. Il embrasse le Pape pour les signes qu’il va donner aux autorités ecclésiales.
Et bien sûr, l’image de cet accolade est très importante pour nos frères et sœurs
juifs et musulmans pour qu’ils puissent comprendre aussi que vraiment, les disciples
du Christ ne forment qu’un corps.
Au-delà de tout ce que vous m’avez dit,
est-ce que vous avez une espérance, un espoir secret par rapport à cette visite et
que vous voudriez bien nous partager ? J’espère et je pense que ce n’est pas
seulement mon propre espoir que le Pape nous surprenne, comme il a déjà surpris le
monde, comme il a surpris Rome. Il met des surprises partout. Nous avons besoin qu’il
ouvre notre imaginaire. Notre imaginaire est un peu figé par les circonstances dans
lesquelles nous vivons, des circonstances qui ne sont pas toujours très faciles. Il
y a beaucoup de méfiance, d’animosité. J’espère que le Pape puisse, avec sa joie,
nous surprendre par son message. Il a cette facilité de dire dans des mots très simples
ce qui est notre identité et notre mission. Nous étions déjà surpris par Saint Jean-Paul
II, par le Pape Benoît XVI et par le Pape Paul VI. Nous attendons cela du Pape François
avec la surprise qu’il va nous apporter pour nous renouveler et renforcer notre foi.