(RV) Dans un long entretien accordé au directeur de la Civiltà Cattolica, le Père
Antonio Spadaro, Abraham Skorka, rabbin à Buenos Aires et ami de longue date du cardinal
Jorge Mario Bergoglio , révèle qu’après l’élection du 13 mars 2013, il a pu rencontrer
trois fois le Pape François à Rome. Le rabbin raconte : « À l’occasion de notre
première rencontre, il me dit : ‘ Notre amitié et notre dialogue est le signe que
nous pouvons ‘, et je continuai : ‘ Nous pouvons créer le sentier qui mène vers la
paix et qui sait rapprocher encore plus Rome et Jérusalem ‘ ».
Dans la
conversation avec le Père Spadaro, les noms de certains témoins du dialogue judéo-chrétien
sont cités, comme celui du cardinal Lustiger. Émergent également les lectures que
le Pape considère comme importantes pour fonder un bon dialogue judéo-chrétien. Le
rabbin Skorka explique, en particulier, que selon lui, avec le Pape François, il y
a « l’attente de la part de l’Église d’une réponse juive à Nostra Aetate, un document
accueilli par la majorité du peuple hébreux, qui réponde à la question : Que signifie
un chrétien pour un hébreux ? » « Mais Bergoglio - demande le Père Spadaro-
comment voit-il la religion juive ? ». « Les nombreuses choses que j’ai pu
voir et que j’ai expérimentées aux côtés de Bergoglio me conduisent à affirmer qu’il
voit et ressent la religion juive comme la mère de sa foi. Ce n’est pas une simple
perception intellectuelle mais bien un sentiment qui constitue une composante importante
de sa foi personnelle ». Le rabbin Skorka souligne, en outre, comment certaines
positions et affirmations de Bergoglio trouvent des corrélations évidentes dans la
littérature rabbinique.
Ensemble au Mur Occidental pour donner un signe
fort
« Avec le Pape François, nous nous sommes mis à rêver de nous retrouver
ensemble devant le Mur Occidental, de nous embrasser pour donner un signe fort face
aux deux milles années de désaccords entre les juifs et les chrétiens et que je l’accompagne
à Bethléem pour rester à ses côtés dans un moment si significatif, comme geste d’amitié
et de respect. De laisser un message de paix indélébile à tous les peuples et les
nations de cette région ».
Le rabbin de Buenos Aires explique ainsi sa
participation au pèlerinage dans la délégation officielle du Vatican qui accompagnera
le Pape en Terre Sainte.
« Je ne m’attends pas à ce que le Pape François résolve
tous les problèmes entre les palestiniens et les israéliens ni tous les conflits du
Moyen-Orient et du monde ». « Le vrai pouvoir du Pape- explique t’il - réside
dans la crédibilité qu’il réussit à inspirer aux siens et aux autres »
«
Dans une réalité mondiale qui manque de valeurs, où tout se mesure et s’analyse
dans l’optique du pouvoir géopolitique et du gain matériel, François- affirme
Skorka- vient changer ce paradigme existentiel en introduisant une dimension spirituelle.
Pour forger une paix véritable, il est nécessaire d’obtenir un changement de comportement
de la part de ceux qui sont en conflit et le Pape François peut concentrer ses efforts
sur cet objectif ». Le message du voyage, selon Skorka est beaucoup plus vaste
que l’évènement en soi. « Pour des raisons diverses- dit-il- le conflit
israélo-palestinien fait l’objet d’une attention spéciale et est parmi ceux qui réveillent
les passions les plus enflammées dans d’autres régions du monde. Sa digne et juste
résolution constituerait un modèle pour tous les autres conflits qui affligent l’humanité.
»