CENTRAFRIQUE : Les évêques demandent au peuple de s’impliquer dans la résolution de
la crise
Le conseil permanent des évêques de Centrafrique a publié une déclaration, à l’issue
de leur rencontre qui s’est tenue du 6 au 7 mai dernier. Une déclaration relative
à la situation du pays. Les 4 évêques qui ont signé la déclaration, apprécient
la mobilisation de la communauté internationale en vue de résoudre la crise qui perdure
en Centrafrique, tout en soulignant le constat négatif avec la recrudescence des exactions
sur les populations civiles dans les parties Ouest et Nord-est du pays. Ils condamnent
la tentative d’enlèvement du Curé de Kembé dans le diocèse d’Alindao par des ex seleka,
ainsi que l’enlèvement de l’évêque de Bossangoa et ses trois prêtres et, l’assassinat
de l’abbé Christ Forman WILIBONA du diocèse de Bossangoa.
Face à cette situation,
ils interpellent les autorités de la transition à prêter attention sur certains aspects
notamment sur des questions relatives à la sécurité, à la protection des citoyens,
aux déplacés internes et aux pillages des ressources naturelles. Les évêques exhortent
le peuple de Centrafrique à s’impliquer dans la résolution de la crise, car cette
crise tient en otage le peuple qui est meurt à petit feu. Cette déclaration sera
suivie par un message lors de la session plénière de la conférence épiscopale centrafricaine
qui se tiendra au mois de juin prochain.
L’intégralité du message des évêques
centrafricains :
Réunis en Conseil Permanent de la Conférence Episcopale
Centrafricaine du 6 au 7 mai 2014, Nous, Pasteurs du Peuple de Dieu en Centrafrique,
portons les préoccupations qui habitent le peuple centrafricain meurtri par la crise
militaro-politique. La rébellion déclenchée depuis le 10 décembre 2012 par l’ex-coalition
seleka a plongé le pays dans un état de chaos que nous n’avons cessé de dénoncer. Nous
apprécions la mobilisation de la communauté internationale et tous les efforts consentis
en vue de résoudre cette crise qui continue, hélas, à endeuiller beaucoup de familles,
à ôter des vies innocentes et à causer de nombreux dégâts matériels sur l’étendue
du territoire national. Le constat est à ce jour négatif avec la recrudescence des
activités militaires et des exactions sur les populations civiles dans les parties
ouest et nord-est de la République centrafricaine. Nous interpelons à cet effet
la Présidente et le Gouvernement de transition sur certains aspects auxquels il conviendrait
de prêter davantage attention. Il s’agit notamment des questions relatives à la sécurité
nationale, à la protection des citoyens dans leur intégrité physique et de leurs biens,
aux déplacés internes et aux pillages de nos ressources.
1.La sécurité
La
situation sécuritaire s’est beaucoup dégradée ces jours-ci. Les atteintes aux droits
de l’homme et les violences ad hominem se sont multipliées. Nous condamnons avec la
plus grande fermeté la tentative d’enlèvement du curé de Kembè par les ex-seleka établis
à Dimbi, le rapt de l’évêque de Bossangoa et ses trois prêtres ainsi que l’horrible
assassinat de l’abbé Christ Forman WILIBONA du diocèse de Bossangoa. La loi appartient
désormais à la force caractérisée par le port illégal d’armes. Les groupes armés (anti-balaka,
ex-seleka et la LRA) jouissent de leur pouvoir de nuisance. La vie et la dignité humaine
n’ont plus de valeur. Les assassinats et les exactions sont commis en toute impunité.
La République centrafricaine est devenue une grande prison à ciel ouvert où la liberté
de mouvement est conditionnée ainsi que celle de la parole. La stabilité du régime
de transition est menacée par la LRA qui sévissent depuis des années dans l’est, anti-balaka
qui harcèlent la population civile et les ex-seleka, appuyés par des mercenaires tchado-soudanais,
déterminés à reconquérir le pouvoir par la force. Aussi sont-ils en train de rassembler
leurs forces à Ndélé. Que faisons-nous donc des différentes résolutions des Nations
Unies qui définissent le cadre juridique de l’intervention des forces internationales
en Centrafrique ? Le désarmement est laissé à l’interprétation des différents acteurs.
Alors que le gouvernement et les forces internationales mandatées à cet effet jouent
au ping-pong, le peuple continue à tomber chaque jour sous les balles de ses bourreaux.
Néanmoins nous osons espérer que l’opération initiée par les Sangaris dans l’ouest
du pays signale effectivement la fin de la récréation. C’est ici l’occasion de réitérer
la nécessité de rétablir les forces armées centrafricaines dans leur responsabilité
régalienne, afin qu’avec l’appui des forces internationales, elles puissent imposer
la paix. Par ailleurs nous exhortons tous les Centrafricaines et Centrafricains
à s’impliquer activement dans la résolution de cette crise.
2.Les déplacés
internes
La crise et ses corollaires de violence ont provoqué un déplacement
massif des populations à travers le pays. Les statistiques sont éloquentes : 838.000
déplacés internes en Centrafrique dont 313.094 regroupés dans 66 camps dans la ville
de Bangui, 17.865 réfugiés en Centrafrique et 245.868 réfugiés centrafricains dans
les pays voisins, 31.196 étrangers évacués du pays . Au-delà de cette situation
de précarité, les déplacements internes des populations musulmanes des villes du sud-ouest
vers le nord-est, la détermination des ex-seleka d’évacuer les populations non-musulmanes
de ces zones et les rackets qu’ils y organisent suscitent beaucoup d’émotion et de
grandes inquiétudes quant à la partition effective du pays. Que se cache-t-il derrière
ces déplacements qui semblent être décidés à l’insu du gouvernement ?
3. Les
pillages de nos ressources
La crise, l’insécurité et les violences constituent
une instabilité qui favorise l’exploitation anarchique et illégale de nos ressources. a.
L’exploitation du bois : Les permis d’exploitation forestière sont-ils consentis avec
complaisance ? Les cahiers de charge et les obligations de reforestation sont-ils
respectés par les compagnies forestières ? Est-ce que les concessions sont-elles respectées
? La vente des grumes sans avoir débité le bois est-elle conforme aux règlementations
en vigueur aussi bien au niveau national que sous régional ? L’écosystème est-il respecté
? b. L’exploitation de la faune : La crise militaro-politique dans laquelle le
pays a été plongé est une aubaine pour l’ex-seleka et les braconniers soudanais qui
se sont livrés à cœur joie au massacre irrationnel des espèces protégées de notre
faune. C’est dans cette perspective que des centaines d’éléphants ont été massacrés
dans la réserve de Zanga Sangha à Bayanga. Nous condamnons par ailleurs l’abattage
illégal et la destruction du cheptel bovin centrafricain tenu par les peulhs. c.
L’exploitation des ressources minières : En dépit de l’exclusion de la Centrafrique
du processus de Kimberley, le diamant centrafricain continue à inonder le marché international
via les pays voisins. Ces ressources minières (or et diamant) alimentent le conflit
et contribuent à faire verser davantage de sang innocent. Au regard de tout ce
qui précède, quelles sont les dispositions prises par le Gouvernement de transition
afin de garantir la protection de nos ressources ?
La crise tient en otage
le peuple centrafricain qui est en train de mourir à petit feu. Il fonde son espoir
sur la communauté internationale. Il est vrai que nous avons besoin de la solidarité
internationale pour faire face à la pire des crises que le pays n’ait vécue. Toutefois
nous ne sommes pas dédouanés de notre responsabilité en tant que citoyens. Aussi devons-nous
nous mobiliser et nous impliquer davantage dans la résolution de cette crise qui n’a
que trop duré. Cette déclaration se veut être une interpellation à la Présidente,
au Gouvernement de transition et aux forces internationales mandatées par les Nations
Unies. Elle sera suivie par un message lors de la session plénière de la Conférence
Episcopale qui se tiendra vers la fin du mois de juin.
Fait à Bangui, le 7
mai 2014
+ Dieudonné NZAPALAINGA, Cssp Archevêque Métropolitain de Bangui Président
de la Conférence Episcopale Centrafricaine + Nestor Désiré NONGO AZIAGBIA, Sma
Evêque de Bossangoa Vice-Président de la Conférence Episcopale Centrafricaine +
Perin GUERRINO, Mccj Evêque de M’Baïki + Cyr Nestor YAPAUPA Evêque d’Alindao