(RV) Entretien- Ce vendredi matin le Pape a reçu au Vatican une délégation
des responsables des agences des Nations-unies, emmenée par le secrétaire général
de l’ONU Ban Ki-moon. L’occasion de revenir sur des thématiques à la fois chères au
Saint-Siège et aux Nations-unies, comme les conflits oubliés et les situations humanitaires
critiques. L’occasion d’aborder peut-être aussi les différends qui opposent Saint-Siège
et ONU, comme sur la question des abus sexuels sur mineurs dans l’Eglise, récemment
évoquée devant le Comité contre la torture à Genève.
Malgré les critiques
qui lui sont parfois adressées, le Saint-Siège sait en tout cas être une voix indépendante
aux Nations-unies. Francesca Restifo, est la directrice du plaidoyer de
l’ONG Franciscan International auprès de l’ONU à Genève. Elle revient sur le travail
des ONG catholiques à l'ONU et la voix singulière de l'Eglise catholique
On
représente surtout et d’abord la voix des franciscains et des franciscaines qui travaillent
sur le terrain mais aussi, la voix de l’Église. On est en effet très écouté à l’ONU,
surtout pour la relation qu’on a sur le terrain et la confiance que nous pouvons amener
par rapport au témoignage des franciscains et des franciscaines qui travaillent sur
le terrain. Sur des questions très sensibles comme la question des droits de l’homme,
la voix des franciscains et des franciscaines et la voix de l’Église est vraiment
une voix neutre où il n’y a pas d’intérêt spécifique derrière ou d’intérêt caché.
Donc pour cela, on a vraiment une valeur ajoutée et on peut vraiment être écouté.
On a vraiment un rôle très important à jouer. L’Église a vraiment ce rôle très important
parce qu’il n’y a pas d’intérêt économique derrière.
Et justement, est-ce
qu’il y a des plaidoyers qui ont des intérêts économiques privés derrière ? Par
exemple, en ce qui concerne le droit à l’environnement et les violations des droits
de l’homme qui sont une conséquence des activités des entreprises, oui. C’est très
difficile de faire un plaidoyer vis-à-vis des États-membres pour avoir, par exemple,
une législation plus forte qui puisse régler les activités des entreprises. Surtout
pour les mines illégales et toute l’industrie extractive qui provoquent des dégâts
au niveau environnemental et pour les peuples autochtones. C’est très difficile de
faire un plaidoyer aux États parce qu’il y a des intérêts derrière.
Est-ce
que la voie de l’Église, au-delà de la votre en tant que franciscain, c’est une voix
parmi d’autres ou elle reçoit véritablement un écho particulier ? Sur certaines
thématiques, je crois qu’il a vraiment un écho particulier. Les institutions internationales
et la Communauté Internationale écoutent d’une façon particulière la voix des organisations
à base religieuse. Surtout en ce qui concerne les droits des enfants, les droits à
l’environnement, les droits des femmes, les droits des peuples autochtones et les
ressources naturelles. C’est une voix neutre et donc, c’est une valeur ajoutée.
Vous
qui connaissez bien l’ONU pour le vivre au quotidien, comment vous qualifieriez les
relations entre le Vatican, le Saint-Siège et l’ONU ? La visite de Ban Ki-Moon
et la rencontre avec le Pape sont très importantes. Ce Pape a vraiment amené une énergie
nouvelle et une confiance pour les valeurs de la simplicité, surtout pour la lutte
contre la pauvreté et il y a le fait qu’il parle toujours au nom des plus vulnérables.
Dans chaque message, il aborde la question des plus vulnérables et des plus marginalisés.
Donc, ça un rôle vraiment très important pour l’ONU. Le dialogue est ouvert et il
y a vraiment beaucoup d’espace pour une relation fertile. Une institution internationale
comme l’ONU qui est à l’écoute de ce que l’Église a à dire. Le Pape actuel mais aussi
les précédents ont essayé de vraiment prendre des mesures concrètes pour améliorer
la transparence. C’est aussi une façon d’avoir une ouverture, une transparence et
de pouvoir clarifier certains points des deux côtés. La voix de l’Église a toujours
eu un impact. Sur le point de vue humanitaire et de l’environnement, c’est sûr que
l’ONU est toujours à l’écoute. L’UNHCR, l’agence des Nations-Unies qui s’occupent
des réfugiés a tout récemment envoyé un sondage sur le rôle et la valeur ajoutée de
la collaboration sur le terrain avec les religieux. L’année passée, il y a eu une
sœur catholique de l’est de la RDC qui a gagné le prix de l’UNHCR. Et cette année,
Franciscan International, Caritas International et d’autres organisations religieuses
ont proposé trois leaders religieux de la République Centrafricaine pour le prix des
réfugiés de l’UNHCR.
Est-ce que la voix de l’Église dérange certains à
l’ONU ? Est-ce que le fait que cette voix soit entendue dérange ? Il y a des
positions comme dans chaque position politique qui sont dérangeantes mais ça a la
même valeur de positions d’autres pays, par rapport à certaines thématiques. Il faut
aussi distinguer deux lignes. Il y a tout d’abord la ligne du Vatican comme Saint-Siège.
Donc, c’est vraiment un État qui est représenté à l’ONU. Ensuite, il y a la voix des
organisations à base religieuse qui sont plutôt la voix du réseau, du terrain et des
religieux qui travaillent sur le terrain à coté et parmi les victimes.
Photo:
Mgr Silvio Tomasi, (D) observateur permanent du Saint-Siège auprès de l'ONU à Genève,
le 5 mai, devant le Comité contre la torture.