2014-05-05 13:53:15

Le combat de l'Eglise pakistanaise contre les viols d'enfants


Depuis le viol, le jour de Pâques, de Saira, une petite fille chrétienne âgée de 7 ans, par quatre musulmans, l’Eglise catholique pakistanaise multiplie les assemblées de prière et les manifestations contre les violences sexuelles envers les mineures, qui deviennent de plus en plus fréquentes dans le pays. L'Eglise catholique au Pakistan a consacré la journée du dimanche 27 avril à la prière contre les violences sexuelles et les viols envers les enfants, un phénomène dont elle a souligné l’effrayante ampleur. Dans toutes les paroisses du pays ont eu lieu des veillées et des processions aux flambeaux à l’intention des jeunes victimes et pour que justice leur soit rendue.

Saira Masih, fillette de 7 ans violée par quatre hommes musulmans dans son village du Pendjab le 20 avril dernier, est devenue le symbole de la situation dramatique que vit la communauté chrétienne à travers ses membres les plus vulnérables, les femmes et les enfants et tout particulièrement les petites filles. Le Pendjab, où se concentre la majorité des deux millions de chrétiens que compte le Pakistan, reste la province la plus touchée par le phénomène, suivie par le Sind, le Khyber-Pakhtunkhwa et enfin le Balouchistan.

Dans cette province où les chrétiens appartiennent le plus souvent à des familles pauvres soumises aux abus de propriétaires terriens musulmans, trois viols de fillettes ont été enregistrés pour la seule semaine dernière. Outre Saira, une petite fille de 6 ans a été violée le 26 avril à Faisalabad (son état est considéré comme très critique par les médecins) et, dans le district de Jhang, une fille de 9 ans a été tuée après avoir été victime de violences sexuelles « d’une grande barbarie ».

Recrudescence des agressions sexuelles contre les enfants

Les milieux chrétiens et les ONG locales confirment l’actuelle recrudescence des agressions sexuelles contre les enfants, soulignant que ces quelques cas médiatisés ne représentent que le haut de l’iceberg, la plupart des familles subissant d’importantes pressions pour ne pas dénoncer les agresseurs et porter plainte.

Le P. John Ayub, qui lutte pour la protection des mineurs au Pakistan, interpelle régulièrement le gouvernement sur son inaction. Citant une étude récente réalisée par les ONG Masihi Foundation et Life for All Pakistan, il rapporte que pour l’année 2013, ont été recensés 370 cas de viols dont 185 étaient collectifs, plus de 1 600 « crimes d’honneur », 2 133 « violences diverses envers les femmes », 406 mariages forcés parmi lesquels étaient impliquées 176 mineures, 220 femmes exécutées pour adultère et 887 cas de femmes torturées par la police. Selon les auteurs du rapport, seuls 10 % des cas de violence figureraient dans ces statistiques.

« Le silence de la société sur ce drame barbare est inquiétant : une enfant de ce pays a été brutalement violée et les autorités gardent le silence », a dénoncé le 26 avril dans une déclaration Life For All Pakistan. Comme le souligne de son côté Me Sardar Mushtaq Gill auprès de l'agence Fides, « les abus contre les femmes et les fillettes par des hommes de religion musulmane sont représentatifs de la façon dont les minorités au Pakistan sont soumises à la peur constante de la persécution ».

Le viol de très jeunes filles, préliminaire aux mariages forcés

Les quelques rares cas de viols d’enfant médiatisés récemment au Pakistan démontrent l’extrême difficulté pour les victimes issues des minorités à obtenir de l’aide, notamment de la police, qui se range généralement du côté des agresseurs, tentant de dissuader les victimes de porter plainte, ainsi que la quasi-impossibilité d’obtenir une condamnation pour viol auprès des tribunaux.

Les viols de très jeunes filles issues des minorités ou castes inférieures peuvent être également le préliminaire à un mariage forcé. Des abus qui ne sont pratiquement jamais sanctionnés non plus, les familles des victimes étant contraintes au silence par les agresseurs. Selon un récent rapport du Mouvement pour la Solidarité et la Paix, chaque année, ce sont quelque mille jeunes filles appartenant à des minorités religieuses chrétiennes et hindoues qui sont « enlevées, violées et contraintes à contracter un mariage islamique ».

Faut-il y voir un lien de cause à effet ? C’est dans ce contexte de protestation des mouvements de défense des droits des droits de l’homme et des communautés chrétiennes que les députés de la province du Sind ont voté à l’unanimité lundi dernier, 28 avril, une loi interdisant les mariages d’enfants, une pratique encore extrêmement répandue dans tout le pays. La Sindh Child Marriage Restraint Bill était très attendue depuis de nombreuses années mais sans cesse repoussée. Le mariage de mineurs (moins de 18 ans) est désormais puni de trois ans de prison pour le fiancé si celui-ci a l’âge légal ainsi que pour les parents du futur couple.

La ministre des Affaires sociales du Sind, Rubina Sadat Qaimkhani, qui a soutenu le projet de loi, a parlé « d’avancée historique » pour la province qui compte l’un des taux les plus importants de mariages d’enfants au Pakistan (30 % des filles du Sind seraient mariées avant l’âge de 18 ans).
Mais, souligne Abdul Rahim Moosvi, coordinateur provincial du groupe Adolescent Girls Empowerment, le vote de la loi n’est qu’une première étape, le plus difficile étant de la faire appliquer dans les régions rurales où ces pratiques sont très ancrées et mises en place par les « conseils de village » eux-mêmes. (Eglises d'Asie)








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